Debouchant d'une pause forcee, il me fallait un remontant. Je me suis tourne vers une recette de grand-pere, validee mille fois: contre le marasme ambiant, Camilleri! Indisposition passagere ou malaise permanent? Camilleri! Creve-coeur ou autres tourments? Camilleri! Camilleri, la panacee ideale pour maux physiques ou mentaux.
Ledit Camilleri nous offre ici un de ces polars picaresques dont il a le secret, qu'il situe, comme souvent, dans la Sicile du 19e siecle.
Un inspecteur des finances venu du nord (genois, mais de peres siciliens) arrive a Vigata et y constate une fraude generalisee sur la redevance des moulins, dirigee par les grands propietaires terriens. Meme son superieur sur place y est implique. S'evertuant a devoiler l'organisation et a la demanteler, il est menace puis tres vite accuse d'un meurtre et mis en prison. Et c'est en prison que, se rappelant ses origines siciliennes, il se remet au patois de la region. L'utilisation de ce patois, d'une facon que ses detracteurs n'auraient pu soupconner (c'est “
le coup du cavalier"), lui permet de renverser la situation et de se liberer. Mais il devra quand meme quitter la Sicile ou il n'a jamais ete le bienvenu.
Camilleri excelle, dans ce livre comme en d'autres, a confronter gens du Nord et gens du Sud. La diversite des dialectes et l'incomprehension qui en resulte rend facilement des effets comiques, dont Camilleri se sert non seulement pour opposer les diverses mentalites, mais surtout pour essayer de refleter le choc entre de “modernes” normes de gouvernance et les habitudes ancestrales d'une societe fermee sur elle-meme, hermetique, insulaire par destin et par volonte.
Camilleri n'accorde l'imprimatur a une de ses oeuvres qu'apres y avoir malmene (il aurait prefere que j'ecrive etrille) un des membres du clerge. Ici il tisse une intrigue secondaire ou un cure rapace use de tous les moyens possibles pour deposseder de ses terres sa propre famille, et, a ses moments libres, fait monter dans ses appartements de belles
femmes a qui il offre les tresors de son eglise pour essayer de les “tringler” (sic.). Il sera decouvert un beau jour mort, assassine, ce qui n'est que justice.
Le livre finit en beaute: un epilogue ou les personnages principaux racontent leurs reves. Chaque reve plagie un auteur different, des plus patriciens, Joyce, Kafka et consorts, jusqu'a des plebeiens comme
Sciascia et Hammett. Un bel hommage.
Camilleri s'amuse? Camilleri nous amuse! Sans pour autant cesser sa critique de la societe. Enfin… pour notre grande peine Il a malheureusement cesse. Ite missa est. Sa messe est finie (ou comme lui l'ecrit, en un latin sicilianise: Itivinni la missa e).