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Blaise Alllan (Traducteur)
EAN : 9791039200813
360 pages
Archipoche (13/01/2022)
4.01/5   196 notes
Résumé :
A la fin du siècle dernier, sur les plaines du Nebraska recouvertes à l'infini des mêmes herbes rouges, s'implantent de nombreuses familles d'immigrés européens. Russes, Tchèques, Norvégiens se regroupent en communautés sur des terres qui restent à défricher. Jim a dix ans lorsqu'il vient vivre chez ses grands-parents, propriétaires d'une ferme. A quelques kilomètres s'installe la famille d'Antonia, immigrés tchèques partagés entre la nostalgie de l'Europe et l'espo... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (52) Voir plus Ajouter une critique
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Il y a quelques temps déjà je quittais les Grandes plaines, ces terres rebelles colonisées dès la seconde moitié du 19ème siècle par les pionniers européens venus par trains entiers s'installer dans le Middle West. Ils ont du louer à n'en pas douter les immigrants ukrainiens, des Mennomites, qui introduirent à cette époque une variété de blé d'hiver résistant au froid … car au-delà du centième méridien ou à ses approches les terres de l'espérance avaient aussi un goût d'enfer .

Mais aujourd'hui encore je reste ancrée sur ces terres du Nébraska avec Mon Antonia de Willa Cather. Je ne peux oublier la vision de ces plaines infinies, ondoyantes et rougeoyantes, âpres et vierges que l'auteure a su peindre, des tableaux magnifiant les grands espaces aux immenses prairies couvertes d'herbes rouges parfois zébrées de traînées jaunes, les tournesols semés sur leur passage par les Mormons mais où indiens et bisons ne sont déjà plus qu'un souvenir.
Mon Antonia, une histoire d'amitié, d'amour inconditionnel mais aussi l'histoire d'un pan de la colonisation de l'Amérique, un hommage aux pionniers, à ces fermiers des Grandes Plaines, à leur labeur, leur solidarité et leur capacité d'adaptation.

Oui, j'ai aimé cette rencontre ou plutôt ces rencontres.
Rencontre avec Jim Burden, le narrateur, orphelin, à peine âgé de 10 ans, venu de Virginie rejoindre la ferme de ses grands parents proche de Black Hawk, bourgade du Nébraska. Découvrir à travers son regard ce Nouveau Monde dur et vide en compagnie de sa grande amie, Antonia Shimerda ou Tony, la jeune fille de Bohême, fille d'immigrés tchèques, de quatre ans son aînée, comme lui en exil. Epier leurs escapades automnales pour explorer un terrain de jeu inconnu, sans limites, en observant minutieusement leur nouvel environnement. Et bien sûr suivre le destin de cette jeune femme solaire au mental d'acier malgré les nombreuses turpitudes de la vie.

Rencontre avec les différentes communautés d'immigrants européens, Allemands, Scandinaves, Français, Russes, Tchèques qui devaient surmonter la barrière linguistique, en découvrant leur quotidien, des conditions de vie souvent rudimentaires au début de leur installation, leur acharnement à vaincre les épreuves quelles soient météorologiques (blizzard, canicule, tornade) ou économiques (endettement) et leurs efforts parfois transformés en exploit.
J'ai aimé partager la vie des amies d'Antonia, ces autres jeunes femmes volontaires, indépendantes, aux caractères bien trempés et aux trajectoires différentes, gravitant autour de notre héroïne, qui se sont affranchies des codes d'une société étriquée. Des portraits très réalistes.

Et pour finir rencontre avec une auteure, Willa Cather, admiratrice de l'un de ses contemporains, Gustave Flaubert, qui avec son écriture m' a réellement enveloppée d'ondes bienveillantes et réconfortantes à travers des vagues successives d'émotions et de sensations en sublimant entre autre la communion de deux âmes devant un paysage à couper le souffle.

Ecrit en 1918, Mon Antonia est une oeuvre avec une facette nature writing, un classique de la littérature américaine mais pour moi une vraie découverte. Née en 1873 en Virginie dans une famille de fermiers, Willa Cather, est partie elle-même enfant vers les Grandes Plaines du Nébraska pour Red Cloud. Une oeuvre donc gorgée de sa propre expérience et enrichie par les nombreux souvenirs et les histoires de son entourage. Dans l'introduction de Mon Antonia, l'auteure déclare s'être inspirée des confidences de James Burden, un ami d'enfance, qui notait sur un carnet toutes les réminescences de cette époque là, instants partagés avec Tony, son Antonia.

Marie-Claude Perrin-Chenour qui la qualifie d'écrivaine de la Frontière dit à propos de son style que « D'une certaine façon, c'est Mark Twain écrivant comme Henry James ».
Willa Cather a obtenu le Prix Pulitzer en 1923.

Un roman féminin et dans un sens féministe mais un roman aussi spirituel et poétique.
Un coup de coeur inattendue. Une belle surprise

Adapté au cinéma en 1995 par Joseph Sargent j'aurai bien imaginé pour ma part une version de Mon Antonia par Terrence Malick. Il est toujours bon de rêver...
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Antonia est une héroïne magnifiée dans ce splendide roman que les mots de Willa Cather mettent dans la narration réalisée par un autre héros du livre, Jim. L'histoire s'étend sur plus d'une trentaine d'années, débutant dans l'enfance et l'adolescence des deux protagonistes jusqu'à leur quarantaine.

C'est la première partie qui est la plus développée avec l'arrivée des deux jeunes dans le Nebraska : Antonia immigrée tchèque avec sa famille, Jim jeune orphelin venant vivre chez ses grands-parents.

Dès le début, le lecteur est saisi par leurs personnalités. Est-ce celle de Jim qui s'affirme le plus? Pour certains, peut-être car c'est bien lui seul qui raconte cette immense tranche de vie en la peuplant de ses analyses, sentiments, rêves, illusions, rencontres diverses. Mais, c'est lui aussi, en présentant Antonia, en la décrivant depuis l'enfance jusqu'à l'âge mûr, en faisant référence à sa présence indispensable pour lui, même lorsqu'ils éloignés l'un de l'autre, quelquefois pour des années, en l'admirant, en l'aimant finalement, les deux se réunissant dans une amitié indissoluble qui lie leurs parcours respectifs, c'est lui qui lui confère son titre d'héroïne de ce très beau roman.

Les saisons et les années s'écoulent, Willa Cather les observant par les yeux de Jim et traduisant dans une écriture poétique toutes les beautés de la nature au fil du temps. L'hiver pèse lourd pour les jeunes héros, ils attendent un printemps tellement long à venir qu'ils ne manquent pas d'admirer les beautés et douleurs hivernales, à travers la campagne figée du Nebraska, les ornières gelées, les lacs engloutis sous la neige s'accumulant sur l'épaisseur de la glace qui les enserre. Mais, dès le printemps, ce sont les milliers de fleurs explosant dans la nature qui sont déployées dans le roman, ajoutant encore à toute sa dimension poétique tant les descriptions sont soignées et parfaitement évocatrice de l'environnement des deux jeunes. L'été et l'automne, saisons des fruits, des récoltes, du maïs cultivé en tant que nourriture essentielle pour hommes et bêtes, développent encore la richesse de l'écriture de Willa Cather.

D'autres jeunes filles apportent les aspects de leurs personnalités au roman, particulièrement Lena, la frivole lucide, devenue riche, dont Jim développe longuement les traits, partage avec elle une intimité diffuse, la présence ou l'absence d'Antonia demeurant au coeur de toutes leurs relations.

Et puis, il y a les plus anciens qui ne sont pas des figurants, qu'il s'agisse des parents d'Antonia ou des grands-parents de Jim. Les deux figures de proue sont le père d'Antonia, immigré malgré lui dans un pays où sa femme croyait trouver la fortune, le dépossédant de ses racines tchèques. Il est l'homme bon, celui qu'Antonia aima par-dessus tout, qui ne sera jamais oublié, et que Jim reconnaît aussi comme le père par excellence, l'homme honnête qui sait distinguer le bien du mal. La grand-mère de Jim est une grande dame, généreuse, capable de se déposséder de certains biens pour les donner aux plus pauvres, la famille d'Antonia en l'occurence, même si la mère, elle, ne cherche que profit et dissension.

"Mon Antonia", c'est le cri d'adieu du père à sa fille aînée, c'est aussi celui de Jim qui reconnaît en elle, dès l'enfance, la femme à aimer, à préserver et il l'aide de son mieux dans les difficultés si nombreuses qu'elle rencontre dans sa jeunesse.

La relation de Jim et d'Antonia est une vraie relation d'amitié et d'amour au sens le plus noble du terme, d'admiration réciproque, de besoin de se retrouver, de partager leurs univers et, en ce sens, les dernières pages du roman sont vraiment magnifiques et doivent se savourer lentement car elles reflètent l'essence de la relation de Jim et d'Antonia, cette possession du passé qui les unit pour toujours.
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Dans la fournaise d'un été, un train traversant les plaines de l'Iowa abritait la rencontre de Willa Cather avec Jim Burden, un ami d'enfance. Leur conversation s'arrêtait autour d'une fille qu'ils avaient connue tous deux. Elle venait de Bohême. Jim avait avoué noter depuis quelques temps ses souvenirs d'Antonia que Willa Cather était bien curieuse de lire. Elle les a depuis réécrits sous forme de ce récit porté par la voix de Jim et, la curiosité étant contagieuse, il me fallait les découvrir à mon tour.

Bien des années avant, alors orphelin à seulement dix ans, un autre train avait convoyé Jim vers le Nebraska où ses grands-parents pourraient l'aider à grandir. En tête du train, une voiture était dédiée aux immigrants. Parmi eux, une famille tchèque devait également faire halte à Black Hawk et devenir les plus proches voisins de la ferme isolée des grands-parents de Jim.
Un grand champ de maïs, un plus petit terrain planté de sorgho, quelques érables nains et, au-delà de ces terres cultivées, un paysage mouvant sous les ondulations de grandes herbes rouges qui tapissent l'immensité de cette prairie à conquérir. Des chemins se bordent de tournesols hérités d'un passage des Mormons sur ces terres vierges. Voilà le paysage qui va s'offrir aux yeux du garçon.
Les Tchèques, avec leurs trois mots d'anglais, arrivent à la recherche d'une nouvelle vie plus prospère, mais c'est une misérable habitation enfoncée dans le flanc d'une ravine et une concession bien cher payée, demandant beaucoup de sueur pour en tirer profit, qui seront les points de départ de leur rêve américain. La famille d'Antonia doit refouler d'aigres désillusions au coeur de cette Amérique sublimée avant le départ. La terre de richesses et d'avenir prometteur laisse plutôt germer la détresse. le père d'Antonia, ancien tisserand et joueur de violon, pas du tout préparé au dur travail de la ferme, aura bien du mal à faire taire son mal du pays.
Mais Antonia, quatorze ans, est bien décidée à mettre toute sa jeunesse, son énergie, sa volonté et sa force à s'épanouir dans cette nouvelle vie et Jim l'y aidera avec l'appui bienfaisant de ses grands-parents. Entre l'apprentissage de l'anglais, les vagabondages dans la prairie, les rencontres avec les autres déracinés venus de Russie, de Norvège, d'Autriche, nos deux jeunes noueront une belle amitié, et même peut-être un peu plus dans le coeur de Jim. Son portrait d'Antonia en fait ressortir son caractère tonique, spontané, passionné, et sa beauté de fille de la campagne, tout à la fois vigoureuse et chaleureuse.

Willa Cather sublime ces prairies perdues dans l'immensité du Nebraska, parlant du vent qui s'amuse dans ces grands espaces, donnant à Jim les bons mots pour nous faire goûter toutes les merveilleuses teintes du premier automne qu'il passât là-bas avec les reflets cuivrés des herbes s'étendant à l'infini. Et lorsque l'hiver fait son entrée, se réchauffant dans la paille et les peaux de bison, Jim arrive tout aussi bien à nous décrire la neige modifiant subitement les prairies devenues aveuglantes de blancheur.
Par de petits chapitres, à la plume simple et chaleureuse, les souvenirs de Jim s'équilibrent harmonieusement entre rencontres humaines et perception de son environnement avec toutes ses variations climatiques, entre la campagne avec son dur travail des champs et la petite ville de Black Hawk.

La chaleur du vieux fourneau qui fournissait la nourriture réconfortante préparée par la grand-mère alors que les hommes rentraient gelés et harassés nous envahit tandis que les coyotes hurlent au loin. L'histoire glaçante de deux Russes qui ne pouvaient plus que fuir leur pays s'écoute, tremblotant, alors que le vent secoue les fenêtres de leur cahute. La veille du premier Noël se vit, en tirant de la malle de cow-boy d'Otto les éclatantes images autrichiennes pour orner le sapin.

Et puis, la vie s'écoule, nos deux jeunes grandissent, l'âge adulte les rattrape et leurs chemins suivent des axes différents. de petites déceptions finissent par être gommées par la grande admiration que Jim vouera toujours pour Son Antonia.
Ce très beau récit déploie délicatement le quotidien que fut celui de Jim sur ces étendues ouvertes des Grandes Plaines. Il a de doux accents nostalgiques, la chaleur des yeux bruns d'Antonia, la beauté de « la matière dont sont faits les paysages » et toute l'affection que des êtres peuvent se porter quels que soient leurs destins.
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"Mon Antonia" c'est Antonia racontée par Jim, son meilleur ami, puis son amoureux. Antonia, c'est la conquête de l'Ouest, le temps des pionniers, ces Européens venus s'installer dans la Prairie pour la défricher, la cultiver, en vivre, voire peut-être s'en enrichir. Des temps durs, faits de souffrance, de désillusions mais aussi de joies simples.
Antonia a une petite dizaine d'années quand elle quitte la Bohème. Jim est un peu plus jeune, et quitte le Mississippi pour rejoindre ses grands-parents à la mort de ses parents.
.
Une histoire d'amitié entre deux feux-follets adorables avec découverte de la nature environnante, des animaux qui la peuplent.
Une histoire qui se mue en histoire d'amour quand Jim observe Antonia de loin.
La vie à la campagne, puis la vie dans la petite ville. Un monde les sépare, une hiérarchie se fait entre habitants. Et le regard des autres, déjà, toujours.... Surtout quand il s'agit de surveiller les jeunes filles.
.
Une autrice dont je n'avais jamais entendu parler, que je découvre grâce au challenge solidaire. Une mine ce challenge solidaire : une bonne oeuvre pour une association, des découvertes littéraires pour les participant(e)s. Moi clairement j'ai fait un beau voyage dans le temps, dans une nature sauvage qui n'existe plus, aux côtés de Jim et surtout d'Antonia.
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Mon Antonia, oui, "mon" Antonia... Et je gage que ce sera la vôtre, tout autant, si je parviens avec cette critique à vous donner envie de lire ce livre.



Quand nous rencontrons les personnages de ce récit, ils sont dans le même train pour "aller vers une autre vie" : Jim, qui a perdu ses parents, va vivre chez ses grands-parents qui possèdent une ferme au Nebraska et Antonia et sa famille, émigrés Tchèques, rejoignent le même bourg pour y démarrer une nouvelle existence, dans la maison qu'ils ont acquise avant leur départ de Bohême.


Trente ans vont s'écouler au fil des pages, sous la plume de Jim qui se souvient, et c'est leur vie, la vie de tous ceux qui les entourent qui nous est racontée : les joies, les peines, les déconvenues, le désespoir...
le père d'Antonia , joueur de violon, n'avait pas les mains d'un fermier. Personne ne parlait la langue du pays qui les accueille sauf Antonia qui ne sait dire qu'une phrase pour répéter leur destination, la maison n'était pas celle rêvée...

Jim et ses grands parents se lient d'amitié pour ces expatriés, leur venant en aide devant toutes les adversités, se souvenant des premiers temps d'incertitude qui ont été les leurs quand eux-mêmes sont arrivés sur cette terre où tout était à faire.

Et le lien tissé entre ces deux enfants perdurera toute leur vie.




C'est un très beau récit sur la vie des fermiers venus s'installer dans cet état, l'entraide qui était la condition pour rester en vie, l'écoute pour ne pas se sentir seul. Même si les deux employés de la ferme des grands-parents de Jim rêvent de découvrir, pour l'un et de retourner pour l'autre, prospecter ce métal qui peut vous rendre riche, ils sont conscients de la richesse présente, celle des sentiments d'affection que leur prodiguent leurs employeurs qui les traitent comme des membres de la famille.

C'est la présence d'une nature pas toujours clémente, le dur quotidien des êtres qui vivent de leur terre, le travail harassant des champs et aussi le bonheur du plaisir des récoltes, les joies qui naissent du partage de ceux qui ont peu mais donnent tout, des rencontres improbables que permet le monde sauvage...

Tandis que Jim fait des études, Antonia se loue pour travailler : son seul défaut sera de "toujours faire confiance à ceux qu'elle aime", sa vie sera éprouvante mais ce sera une vie de liberté, une vie conforme à ses aspirations, au milieu des saisons qui transfigurent cette terre de campagne qu'elle aime tant...




Je ne veux pas tout vous raconter, le bonheur distillé par ces pages est trop intense, trop bienfaisant. Il faut vous le laisser découvrir et en jouir pleinement.





Une lecture fabuleuse que je regrette presque d'avoir faite parce que la magie de ces pages lues ne sera plus pour moi mais je souhaite qu'elle soit intensément vôtre.
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critiques presse (1)
Liberation
16 juillet 2012
Ce livre d’une infinie délicatesse regorge de petites scènes americano-proustiennes […], qui révèlent le lien sensible et profond entre l’art et la vie.
Lire la critique sur le site : Liberation
Citations et extraits (112) Voir plus Ajouter une citation
Le ciel bas ressemblait à une feuille de métal. La blondeur des champs de maïs s'était enfin évanouie dans une grisaille fantomatique; le petit étang était gelé et, tout autour, les bouquets de saules inclinaient vers la glace leurs branches raides. De gros flocons tournoyaient sur le paysage et disparaissaient dans les herbes rouges.
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Mrs. Cutter se livrait à la peinture sur porcelaine avec tant d'assiduité que même ses cuvettes et ses brocs, même le bol à raser de son mari, étaient couverts de violettes et de lys. Un jour, alors que Mr. Cutter montrait quelques porcelaines de sa femme à un visiteur, il en laissa échapper une. Mrs. Cutter porta son mouchoir à ses lèvres et dit avec grandeur : "Mr. Cutter, vous avez mis à mal Les dix commandements, respectez au moins les rince-doigts !"
Ils se querellaient à partir du moment où Cutter mettait le pied dans la maison jusqu'au moment où ils allaient se coucher, et leurs bonnes faisaient profiter généreusement toute la ville de leurs scènes. A plusieurs reprises, Mrs. Cutter avait découpé dans les journaux des entrefilets sur des maris infidèles et les avait envoyés par la poste à Mr. Cutter en déguisant son écriture. Cutter était rentré à midi, avait retrouvé le journal découpé dans le porte-revues et, triomphalement, avait replacé l'article dans l'espace d'origine. En voilà deux qui étaient capables de se disputer toute la matinée pour savoir s'il devait porter des sous-vêtements chauds ou des sous-vêtements légers, et toute la soirée pour savoir s'il avait pris froid ou non.
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... Je m'assis au milieu du potager - les serpents n'auraient guère pu s'approcher sans être vus - et j'appuyai le dos contre un potiron jaune, que le soleil avait tiédi. Quelques coquerets, chargés de fruits, poussaient le long des sillons. J'écartai les gaines triangulaires qui protégeaient les fruits - on aurait dit des enveloppes de papier - et je mangeai quatre ou cinq baies. Tout autour de moi, des sauterelles géantes, deux fois plus grosses que les sauterelles de Virginie, faisaient de l'acrobatie parmi les feuillages desséchés. Les rats à bourse couraient sur le sol labouré. Dans le fond du vallon, le vent ne soufflait pas très fort, mais je l'entendais bourdonner sa chanson là-haut, sur la plaine où ondoyaient les hautes herbes. Sous mes jambes, la terre était chaude ; elle était chaude aussi quand je l'écrasais entre mes doigts. D'étranges petits insectes rouges apparurent et tournèrent autour de moi en escadrons flâneurs. Ils avaient le dos laqué de vermillon et semé de taches noires. Je restais aussi immobile que possible. Il ne se passa rien. D'ailleurs, je n'attendais aucun événement. Semblable à un potiron, j'étais simplement quelque chose qui gisait sous le soleil et recevait ses rayons, et je n'en demandais pas davantage. Je me sentais parfaitement heureux. Peut-être est-ce là ce qu'on éprouve quand on meurt et qu'on devient partie d'un grand tout, que ce soit l'air et le soleil, ou la bonté et la connaissance. Je ne sais pas, mais le bonheur, c'est ça : se dissoudre dans un grand tout. Et quand le bonheur nous vient, il nous vient aussi naturellement que le sommeil. ...
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Nous évoquions la vie des enfants dans ces petites villes, dans ces villages ensevelis au milieu des blés et du maïs, et nous vantions l'effet stimulant des variations extrêmes du climat : les étés incandescents où l'immensité de la verdure ondoie sous un ciel étincelant, où l'homme est noyé dans la végétation, dans les couleurs, dans l'odeur des herbes vigoureuses et des lourdes moissons; les hivers cinglant de neige fine, quand tout le pays est nu et gris comme une plaque d'acier.
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Il n'y avait que le printemps lui-même, sa palpitation, son effervescence légère, son essence vitale partout répandue -- dans le ciel, dans les nuages rapides, dans le grand vent tiède, qui se levait soudainement, primesautier et folâtre comme un jeune chien qui vous donne des coups de pattes puis se couche pour être caressé.
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Mathieu Lindon "Ce qu'aimer veut dire" - Où il est question notamment de Michel Foucault et d'Hervé Guibert, de Jérôme Lindon, de Samuel Beckett, Marguerite du ras, Alain Robbe-Grillet, Claude Simon, Robert Pinget, Pierre Bourdieu et de Gilles Deleuze, d'un père et d'un fils et de filiation, d'amitié et d'amour, de littérature, de la rue de Vaugirad et de LSD et d'opium, d'impudeur et d'indiscrétion,de rencontres, de Willa Cather et de Caroline Flaubert, , et aussi des larmes aux yeux, à l'occasion de la parution de "Ce qu'aimer veut dire" de Mathieu Lindon aux éditions POL, à Paris le 13 janvier 2011
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