Mes lectures sont avant tout des rendez-vous programmés par les circonstances sur un agenda dont j'ignore tout ou presque.
Un peu comme si j'avais une ou un secrétaire mystérieux, qui garderait le silence jusqu'au moment venu.
J'avais deux livres d'Hervé Albertazzi alias
DOA ( Dead On Arrival ... Mort à l'arrivée ), notre
Elena Ferrante version "barbouze Frenchy", depuis quelques années sur les étagères de ma bibliothèque... quand j'ai entendu "l'appel" de mon secrétaire ; le moment, c'est-à-dire l'envie, était venu.
Je me suis donc lancé dans la lecture et la découverte de ce
Ghislain Gilberti* "professionnel" ;
DOA a été, dans une autre vie, parachutiste dans un régiment d'infanterie de marine, c'est dire s'il a approché de près les hommes devenus les personnages de ces romans.
Mais d'emblée, vraisemblablement parce que j'avais à peine terminé la digestion de -
le festin du serpent -, j'ai eu l'impression de me retrouver chez Gilberti... en peut-être un peu plus"pro"... je sais que je me répète.
Si le roman se situe entre 2001 et 2002, les ingrédients sont le mêmes : des cellules islamistes, des infiltrés, des flics et des services en concurrence, des officiels cleans et des barbouzes aux mains souillées, une héroïne... seule femme au milieu d'une armée de bonshommes, un exécuteur - le Lynx -, et l'inévitable préparation d'un méga attentat terroriste, avec un produit chimique volé par les méchants islamistes, produit dont l'acheminement donne un peu le tempo de ce polar ; le tout sur fond de campagne présidentielle ( Chirac-Jospin-Le Pen... qui ne sont pas nommés ).
Ce que je retiens, ce sont les 27 personnages ( moi qui ai du mal à mémoriser les noms... je vous dis pas ! ) qui font vivre cette histoire à travers des alternances narratives nombreuses et rapides dans le récit.
Je m'explique : on suit Lynx pendant moins de deux pages et on se retrouve avec Amel le temps d'un paragraphe, avant de sauter à Karim
Sayad pendant une page et ainsi de suite...
Il faut juste s'adapter.
Ce que je retiens également, c'est ce que
DOA appelle " l'organigramme simplifié du renseignement français"... fastoche ! il n'y a que DGSE, DRM, DPSD, DCRG, DST, DNAT, UCLAT... Facile, non ? Si l'on se dit qu'à côté de ces services, il y a la BAC, le 36 Quai des Orfèvres... et que c'est à peu près tout... si ce n'est que les 27 personnages qui ont des noms, des vrais, des faux, des pseudos, et que tantôt
DOA les fait vivre sous l'un ou l'autre... au rythme que j'ai mentionné précédemment... pour moi, ce fut, le temps de m'y habituer, un peu l'usine à gaz.
Je reviens à
Ghislain Gilberti qui s'inscrit un peu dans le sillon d'Hervé Albertazzi, pour dire que ses romans sont plus accessibles, bien que démultipliant le nombre de "services", avec au moins autant de personnages qu'il fait vivre... en donnant au cerveau de son lecteur le temps nécessaire pour les imprimer clairement et durablement... grâce à une structure narrative moins à effet sprint...
Cela étant, même si cette critique peut sembler critique, il n'en est pas tout à fait de même dans ce qui va être ma conclusion.
Certes il m'a fallu me faire au modus operandi narratif de
DOA, mais n'est-ce pas là la noble tâche qui incombe à tout lecteur qui se respecte ?
La chose faite, on se laisse prendre ou re-prendre par cette histoire très maîtrisée.
Les personnages sont attachants, au point qu'on aimerait en retrouver quelques-uns... caractéristique des bons faiseurs de polars.
Le suspense est présent, tenu et entretenu.
Il y a moins d'invraisemblances que chez Gilberti... donc on reste dans les limités du crédible.
Un bémol : l'héroïne féminine dont la psychologie labile et les élans du coeur sont psychologisés un peu trop caricaturalement à mon goût.
L'écriture est personnalisée... prenez le temps de la découvrir... et sans être du
Henry James ou même du
Simenon, ça se laisse lire.
La chute est cuite à point.
La recette est globalement réussie.
Au final, 696 pages d'un polar de bonne facture.
*J'ai cité Guhislain Gilberti : pour mieux en connaître les raisons, se référer à ma recension récente de -
le festin du serpent -.