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EAN : 9782070369997
448 pages
Gallimard (02/02/1978)
3.75/5   300 notes
Résumé :
"C'était bien Anne, et quand nous approchâmes, courant dans les derniers cent mètres, la marée montante lui léchait déjà les pieds. Étendue sur le dos, un bras replié sous elle, maculée de vase, elle offrait au ciel son visage livide sur lequel le sang coulant du front avait déjà séché, engluant une paupière et les cheveux épars. Je défis son blouson de daim et passai la main sur sa poitrine. Une mince chemise protégeait un sein tiède qui se soulevait par saccades."... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (43) Voir plus Ajouter une critique
3,75

sur 300 notes
Imaginez une campagne irlandaise aux couleurs plutôt délavées, avec quelques cottages et des ruines ténébreuses, des marécages et des volatiles, une campagne souvent embrumée et pluvieuse mais parfois ensoleillée (« À l'entour, un paysage de collines rousses, de futaies blêmes et de prairies vertes en damier, immuable sous la pluie comme dans le soleil, symphonie sans mélancolie que les frissons de vent argentaient »)
Transplantez-y des personnages insolites aux origines variées, parfois aux trajectoires troubles et aux caractères fluctuants («... peut-être est-il bon que certains êtres échappent aux explications et aux solutions tranchées. La marge d'ombre dans laquelle ils se meuvent a nom poésie, exerçant une attraction d'autant plus forte que nous avons l'impression d'avancer dans un brouillard délicieux où des formes mouvantes échappent à notre emprise et à notre soif de certitudes ») .
Ajoutez-y un rade, L'éperon, bourré d'autochtones.
Il manque encore un observateur à tout ce beau monde, alors prenez un narrateur expatrié là en quête de solitude, au ton résigné (« À me relire je trouve à mon ton de la lassitude (elle n'est pas affectée, elle est bien mienne). D'un autre je dirai : il pousse à l'extrême un ton monocorde. Rien n'est moins voulu.»)
Agrémentez d'intrigues amicales, amoureuses, de voisinage ou commerciales.
Mélangez le tout en y déversant une sauce à l'écriture majestueuse, de sorte que tout se confonde en volupté (« Mais peut-être la nature n'est-elle que le reflet miroitant et trompeur de nos âmes malades, errantes entre l'espoir et le désespoir, et, à la fin, si lasses qu'elles s'accommodent des bonheurs les plus simples dédaignés auparavant »).
Peut-être voyez-vous déjà un tableau envoûtant. Faites-y alors circuler un taxi mauve, et vous tenez un magnifique roman.
Mr Déon peut reposer en paix, il y aura souvent des étoiles dans les yeux de ses lecteurs.
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« Les mots sont inutiles, répéta-t-elle. Oui, c'est vrai. Je le sais. »

Et pourtant que n'ai-je lu des mots magnifiques dans ce roman ! Un régal.
Dans une Irlande pluvieuse, j'ai chassé quelques oiseaux en compagnie de personnages qui ne se laissent pas approchés facilement, sauvages comme la nature qui les environne. Silencieux et embrumés comme peut l'être une soirée humide lorsque le brouillard tombe dans les marais. Tout devient flou, invisible, et pourtant on pressent la présence de la vie qui grouille tout autour, de la magie qui sourd des tourbières et des secrets enchantements de cette Terre fertile pour l'imaginaire.

« Il est possible aussi qu'Anne n'ait existé que physiquement, dégagée des limbes par quelques mots abandonnés aux vivants pour qu'ils rêvent. Il est possible que tout ait été comédie, une immense farce jouée à l'abri et avec la complicité de Taubelman. Je ne sais pas. »

Le narrateur en fera l'expérience et tentera de relater ses expériences. Lui qui n'attendait plus rien sauf une fin, trouvera sur son chemin boueux des êtres aux multiples visages. Pourra-t-il les décrypter ? Difficile à dire, il n'est pas Irlandais. Il est dans l'attente du rien, du noir. Mais certaines rencontres vous troublent à tout jamais, et illuminent l'avenir.

« L'action se resserre, nous allons savoir la vérité si tant est qu'il y ait une vérité avec des types de cette envergure et des femmes aussi ambiguës. »

Anne, Sharon, Taubelman, Jerry, Seamus et tellement d'autres... Je crois que c'est une des forces de ce roman. Chaque personnage, qu'il soit sur le devant de la scène ou secondaire, existe par la plume de Michel Déon. Chacun devient une connaissance du narrateur et du lecteur. Tous sont ancrés dans ma mémoire car l'auteur a su me les rendre attachants, entiers. J'oublierais sans doute les prénoms mais pas la trace laissée dans mon souvenir. Et pour autant certains garderont une ombre, une image trouble, digne de ce pays aux légendes si vivantes. Il est des îles où il fait bon rêver. Des îles peuplées de farfadets, des îles sauvages qui vous font grandir, mourir mais aussi ...vivre.

« Mais peut-être la nature n'est-elle que le reflet miroitant et trompeur de nos âmes malades, errantes entre l'espoir et le désespoir, et, à la fin, si lasses qu'elles s'accommodent des bonheurs les plus simples dédaignés auparavant. »

Vivre contre vents et marées grâce à cette chaleur humaine qui se cache sous les visages rugueux, cachée parfois à l'arrière d'un taxi. Mauve de préférence. Les lutins, les leprechauns sont de drôle de taquins, ils disparaissent sans crier gare.

« En un sens, je regrette d'être aussi peu explicite, mais ces derniers mois, comme on le verra, n'ont rien éclairé, et peut-être est-il bon que certains êtres échappent aux explications et aux solutions tranchées. La marge d'ombre dans laquelle ils se meuvent a nom de poésie, exerçant une attraction d'autant plus forte que nous avons l'impression d'avancer dans un brouillard délicieux où des formes mouvantes échappent à notre emprise et à notre soif de certitudes. »
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Un narrateur, dont l'auteur, Michel Déon, ne donne pas le nom ― Nous avons tous un nom ― ce qui me paraît un identifiant utile ― est venu en Irlande pour se refaire une santé. Il vit de façon solitaire. Il chasse, lit et écoute de la musique. Il va faire des rencontres et mènera une vie sociale pleine d'imprévus.

Alors qu'il chassait, il fit la connaissance de Jerry Kean dont l'arrière-grand-père Irlandais a émigré aux Etats-Unis et son fils à fait fortune là-bas. Jerry ayant consommer de l'opium aux E.U. est envoyer en Irlande pour un sevrage. Sa soeur Sharon vient le voir, occasion pour le narrateur de faire sa connaissance. le narrateur éprouve des sentiments pour Sharon.

Lors d'une partie de chasse, le narrateur et Jerry font la connaissance de Taubelman. Au fil de l'histoire le lecteur s'apercevra que c'est un personnage gargantuesque, mythomane, escroc, tricheur, fabulateur, qui ne mange pas mais bouffe, qui s'impose chez les gens et a la folie des grandeurs.

Taubelman à une fille, une jeune femme supposée être sa fille car il y avait deux frères Taubelman, celui dont le narrateur a fait la connaissance et l'autre tué dans un accident d'avion. L'un avait pour épouse Maria Schmitt del Tasso, une célèbre pianiste, mais cette dernière avait le frère pour amant ce qui fait qu'Anne Taubelman n'a jamais su de qui elle était la fille.

Le Docteur Seamus Scully, médecin à la retraite, suit la santé du narrateur qui vit en Irlande chez une logeuse Mrs Colleen.

Ils vont s'inviter les uns chez les autres. Il y a des alcooliques parmi eux et lorsqu'ils le peuvent pour un oui ou un nom ils vont au pub.

Anne n'accompagne pas son père et ne parle pas. C'est un mystère mais ses facultés verbales vont revenir à la suite d'une chute de cheval.

Le narrateur va éprouver des sentiments et pour Anne et pour Sharon. D'une certaine façon construire une relation solide avec l'une ou l'autre s'avère impossible. le narrateur va s'en rendre compte. Par contre Jerry qui ressent un amour fou pour Anne est naïf, il ne voit pas clair. Cette relation ne va pas tourner comme il l'espérait. Anne passe par une tentative de suicide.

Le narrateur est en relation téléphonique avec une certaine Marthe qui vit à Paris.

Je n'en dirai pas plus.

Que va-t-il advenir de ce petit monde ?

Jerry Kean et sa soeur Sharon avaient leurs projets avec un brin de fantaisie. Anne était à la merci d'un Taubelman imprévisible.

J'ai trouvé que le narrateur et le médecin était des gens sensés et réfléchis.

Je n'ai pas aimé les beuveries et les bagarres ….

Cela fait quelques années que j'ai la version cinématographique du livre en DVD, que j'ai regardé plusieurs fois car les paysages irlandais sont un véritable régal. J'ai été dans ce pays, que j'affectionne énormément.

Il y a quelques jours, je me suis précipité, presque sur un coup de tête, en bibliothèque avec le projet de prendre connaissance de la version livre. Je peux à présent dire que le scénario du film est fidèle au roman à quelques détails près.

Michel Déon connait bien cette Irlande. Il a vécu à proximité de Galway.

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Michel Déon nous entraîne dans une histoire où chaque personnage est une énigme dans un pays énigmatique.
le voile qui entoure les histoires de chacun se lève pour aussitôt retomber et nous envoûter un peu plus.
Laissez-vous enchanter par le décor irlandais, beau et mystérieux .

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Mon premier Déon. C'est très difficile de départager s'il s'agit de littérature ou si c'est seulement bien imité. Entre des descriptions interminables et sans aucun intérêt à se cogner la tête contre les murs, et des lieux communs qui s'enfilent sans entrain comme des chiens errants dans un hall de gare (et que voilà une blonde incendiaire, et que je te décoche une flèche du Parthe…), quelques paragraphes sur Taubelman, quelques réflexions très personnelles qui laissent perplexe et retardent le verdict. On hésite. C'est grand, c'est petit? Bon? Mauvais? Peut-être que c'est à l'image de Taubelman, finalement. Et alors, là, ce serait magistral. Evidemment, le doute est dans la tombe, maintenant. Et comme une truie, regarde Caïn. Désolée, mais la seule façon de tuer le poncif, c'est de le surréaliser. Hein.
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Citations et extraits (94) Voir plus Ajouter une citation
― Quel est le Taubelman qui est mort en avion ?
― Comment le savez-vous ?
― Des hasards
― Je ne veux pas répondre ;
― Et qui est Maria Schmitt del Tasso par rapport à vous ?
― Ma mère ;
[…].
Grouse aussi nous contemplait, langue pendante parce qu’il faisait chaud et que nous venions de marcher à travers bois. Anne se pencha pour lui caresser la tête et lisser son beau poil feu.
― Elle vous aime beaucoup ! dit-elle.
― Non, elle aime la chasse.
― Elle aime la chasse à travers vous. Personne n’aime vraiment, je veux dire face à face.
― Jerry vous aime face à face.
― Oui, peut-être c’est vrai … une exception.
― Cette exception mérite le respect.
Elle se dressa d’un bond, une vive irritation peinte sur son visage mat. […].
Elle se dirigea vers la jeep et je pensai que nous ne nous reverrions jamais, que malgré notre prudence, nous nous en étions trop dit, que je m’étais mêlé une fois de plus de ce qui ne me concernait pas, mais il y avait au fond de moi le regard de Jerry et aussi la beauté d’Anne telle qu’elle m’était apparue la première fois, et je ne pus souffrir d’être exilé d’eux.
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Il nous introduisit dans le salon où se tenait Jerry, assis devant une table, avec une masse de papiers devant lui, des livres ouverts. Depuis quelques semaines, il se documentait sur l’élevage avec une passion naïve que je n’aurais pas osé discuter. En s’approchant des chevaux, il pensait s’approcher d’Anne qui les aimait d’instinct, profondément, seuls êtres vivants avec lesquels elle fût en communication. J’écris exprès « vivants » tant il me semble maintenant, après réflexion, que le véritable domaine d’Anne est le domaine des morts au sein duquel elle nourrit sa vie intérieure. Jerry ne le comprenait pas, ne pouvait le comprendre et, par une grâce que seul l’amour accorde, il s’acharnait à approcher une femme qui ne serait jamais à lui, sans se rendre compte de son aveuglement.
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Avez-vous remarqué qu'il n'y a d'amitié possible entre un homme et une femme que s'ils ont été amants et ont renoncé une bonne fois pour toutes aux plaisirs vulgaires ? C'est notre cas, n'est-ce pas ?
- Une bonne fois pour toutes ?
- Je n'exclus pas les accidents. Mais les risques sont limités. Je ne sais pas quand nous nous reverrons...
- Vous partez ?
- Aujourd'hui.
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Maintenant que j'écris cette histoire tandis qu'elle s'achève après un hiver doré, je sais qu'une vérité viscérale a besoin de se faire jour en nous, que seuls certains êtres sont capables de nous l'arracher ou certains signes de la provoquer et qu'il importe de ne pas l'étouffer si l'on ne veut pas être rongé. Elle crée la vie, notre vie, un douloureux enfantement jusqu'à la mort, un mélange de désespoir et d'exaltation sans lequel rien n'aurait de sel.
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Il distribuait à la folie des biens qui ne laissent pas de trace: la générosité, la bonté, le courage, la gaieté, l'intelligence de la vie.
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Videos de Michel Déon (23) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Michel Déon
Des messages portés par les nuages : lettres à des amis Jean d'Ormesson Jean-Luc Barré, Martin Veber Éditions Bouquins
Recueil de lettres reflétant la grande diversité des correspondants de l'écrivain français : Marguerite Duras, Michel Déon, Raymond Aron, Jacques de Lacretelle, Jean-François Brisson, Roger Callois, Jeanne Hersch, Claude Lévi-Strauss, Simone Veil, Michel Debré, entre autres. Un dévoilement des jugements littéraires de l'auteur, de ses admirations, de son intimité et de son engagement d'écrivain. ©Electre 2021
https://www.laprocure.com/messages-portes-nuages-lettres-amis-jean-ormesson/9782221250051.html
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