Héliogabale : Drame en quatre actes

Se fondre dans l'abject, temple de la Beauté.
Déchoir et en jouir.

Héliogabale jeune empereur qui se débat avec lui-même, se travestit comme il travestit le monde qui l'entoure, utilise un langage qui heurte notre lecture de ce drame « classique » à souhait.

Querelles familiales, surenchère de domination par le pouvoir, palais aux échos délateurs, l'amour jusqu'à la déchirure, Jean Genêt nous raconte les dernières heures de ce jeune prince romain se débattant avec les autres qu'il porte en lui.
Solaire, en proie aux luttes humaines (familiales, politiques), Héliogabale nous entraîne dans un étouffoir à la fois inhumain et terriblement humain.

Cabale, descente au profond de soi-même par les chemins de l'enfer, thèmes chers à l'auteur en quête d'une vérité qui lui est propre et qu'on retrouve dans cet inédit mystérieusement disparu, retrouvé à la Houghton Library.
Un théâtre de texte, un théâtre qui explore, dit, remue.

Jean Marais avait refusé ce rôle que Genêt lui offrait et pourtant en lisant Héliogabale, c'est lui qu'on imagine et dont on entend la voix, la diction, le charisme donnant vie à ce romain destructeur et auto-destructeur.

Un jour peut-être, le théâtre montera cette pièce troublante et forte.
Je l'attends…

Aujourd'hui je vais évoquer Héliogabale pièce de théâtre inédite de Jean Genet. Ce drame en quatre actes a été écrit en 1942 à la prison de Fresnes où l'auteur était incarcéré.
L'édition publiée est accompagnée de commentaires et d'une présentation contextuelle par François Rouget. La pièce avait été lue par quelques proches de Genet, il rêvait que Jean Marais l'incarne mais finalement elle s'est perdue dans les limbes sans jamais totalement disparaitre. C'est donc quatre-vingts ans après son écriture qu'elle devient publique et lisible du plus grand nombre avant peut-être d'être montée sur scène prochainement. le protagoniste a été mis en scène dans Héliogabale ou l'anarchiste couronné texte d'Antonin Artaud. Cet empereur romain avait également inspiré un ballet à Maurice Béjart. La vision de Jean Genet étayée sur les faits historiques connus (les références empruntées à L'histoire Auguste sont citées par Rouget) se concentre sur les dernières heures de la vie d'Héliogabale victime d'une cabale familiale pour l'écarter du pouvoir et placer son jeune neveu à sa place. Genet respecte les codes des drames classiques avec l'unité de temps (quelques heures à la veille de la mort du héros) et de lieu (à Rome). Cet empereur homosexuel, amateur de travestisme, est pris au sein d'un imbroglio familial et d'un complot ourdi par sa grand-mère. Parmi les personnages de la pièce, outre son amant Aéginus, ce sont essentiellement des femmes de pouvoir de sa famille qui sont en scène. Les indications de l'auteur sont nombreuses permettant ainsi d'imaginer avec précision son intention de mise en scène. le texte est d'une étonnante force, ce drame antique n'est pas daté, le lecteur imagine ce stratagème imaginé par la grand-mère qui veut chasser du pouvoir Héliogabale. Dans les allées du palais impérial et au coeur du temple les manigances et les coups-bas sont déjoués. Ainsi le guépard de la grand-mère est empoisonné par un rat pestiféré en vue de la mordre, il n'en aura pas le temps puisqu'il tombe dans un puits piégé initialement destiné à Héliogabale qui survit temporairement et s'accorde quelques instants de répit amoureux auprès d'Aéginus.
Héliogabale est un événement littéraire, l'occasion de redécouvrir le talent du voyou des lettres, l'auteur du Condamné à mort, de Notre-Dame-des-Fleurs, des Bonnes, de Journal du voleur ou de Pompes funèbres. Ce drame historique et antique met en scène une trahison familiale en abordant des thèmes favoris de Genet comme l'homosexualité.
Voilà, je vous ai donc parlé d'Héliogabale de Jean Genet paru aux éditions Gallimard.
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On ne peut pas s'étonner que Genet ait choisi l'empereur romain Héliogabale pour en faire une pièce de théâtre. Ce personnage historique est connu surtout pour ses frasques et par ce qu'on nomme aujourd'hui sa transidentité.
Cet empereur a succédé à Caracalla par les manigances de sa grand-mère. Il n'a régné que de 218 à 222, et a été assassiné par la garde prétorienne alors qu'il n'avait que 18 ans.
Dans une pièce en quatre actes où le personnage principal n'apparaît que dans le deuxième tableau, comme dans la tradition de certaines pièces classiques, Jean Genet met en scène ce jeune homme qui se prend pour le Dieu-Soleil, parfois pour Vénus aussi puisqu'il aime se travestir en femme.
(...)

Le texte est écrit dans une belle langue, limpide aussi. Genet y glisse des détails qui rendent contemporaine et queer cette pièce, comme ce guépard dont ne se sépare jamais la grand-mère, femme ressemblant à une sorte de diva avide de pouvoir. Héliogabale n'est entouré que de femmes, et elle ne lui veulent pas du bien, ce qui renforce le côté queer de la pièce : sa grand-mère et sa tante réfléchissent à la façon de l'éliminer, et sa mère est amoureuse de son amant Aéginus. Elles complotent, tandis que lui, passif, laisse venir la fatalité.

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