Robe blanche
Pour aller épouser ta mort
Qui est aussi la nötre
Tu t'es vêtue de blanc
Et puisque ton âme m'écoute
Je voudrais te dire que la mort
N'a pas le visage de la violence
Mais qu'elle est le soupir d'une mére
Qui viendrait te chercher au berceau
D'une main légère .
Je ne sais que te dire
Moi je ne crois pas
A la bonté des gens
J'ai déjà vécu tant de douleurs
Mais c'est comme si je voyais mon âme
Vêtue pour les noces
Qui s'échappe du monde pour ne pas crier ...."

Même quand les artistes sont maladroits, quand leurs pensées sont confuses, quand leurs gestes sont inaboutis, les performances disent obstinément quelque chose de vrai. En 1971, Faith Wilding est assise sur une chaise au milieu du public. Sa voix est un peu désagréable, sa présence manque de force, son texte est banal. Emballée dans une longue jupe rayée, mains jointes sur les genoux serrés, elle se balance d'avant en arrière et psalmodie la longue litanie de son œuvre « Waiting » (Attendre) : « ...attendre d'avoir un petit ami, attendre d'aller à une soirée, attendre d'être invitée à danser… attendre d'être belle, attendre le secret, attendre que la vie commence, attendre…, attendre qu'il tombe amoureux, attendre qu'il m'embrasse, attendre de se marier, attendre ma nuit de noces, attendre qu'il rentre à la maison, attendre qu'il cesse d'être de mauvaise humeur, attendre qu'il me prenne la main, attendre d'être comblée… attendre que mon corps s'abîme, attendre de devenir laide, attendre que la douleur cesse, attendre d'être libérée… Attendre. » Sous le stéréotype qu'elle ritualise, sous la dénonciation, l'artiste ressemble ''vraiment'' à une aliénée de la condition féminine, une traumatisée de l'incarcération domestique. Trop d'adhésion à son sujet. Son corps, sa voix. Quelque chose qui geint. Dans l'exposition où je découvre, déjà ennuyée, la vidéo de cette performance qui a fait un tabac dans les universités américaines à sa création, j'entends, pendant que l'incantation se poursuit, une bribe de conversation chuchotée : ça, au moins, c'est parlant, dit une voix avec conviction, ça fait penser à des choses. Sans tourner la tête, je disloque mon regard de côté pour identifier deux petites dames qui devaient avoir trente ans en 1971. Elles regardent la vidéo avec la concentration songeuse qu'on met à feuilleter un album de famille. Oui, murmure l'autre en contenant mal son émotion, c'est mieux que la peinture, ça rappelle (pp. 28-30).
Ta nuque, tes épaules solides sur lesquelles je m'appuyais souvent. Enfant, je l'avais vu faire à une femme amoureuse: l'homme assis, costaud, et la femme debout, appuyée contre lui, possessive et désinvolte, sachant précisément tout ce qu'elle possède, les mains sur les épaules de l'homme ou les entourant de ses bras, l'embrassant dans le cou, riant, posant sa joue sur ses cheveux tout en parlant.
Son regard est attentif, anxieux, souvent désemparé, puis soudain le sourire, éclatant.
Apaiser. Réparer les douleurs, traiter l’humiliation, traiter la peur.
J'avais envie de vivre même si je n'avais pas beaucoup de raisons de vivre.
Comme le crépuscule est beau, on peut se défaire de la méfiance, de la prudence, s'abandonner à l'instant qui ressemble pour une fois à l'idée qu'on se faisait de la vie.
" Il faudrait écrire un livre sur la guerre qui soit tel que le lecteur en ressente une nausée profonde, que l'idée même de guerre lui paraisse odieuse ..."
Stevlana Alexievitch .
…C’est une femme qui se demande ce qu’elle va bien pouvoir faire de ce que tout le monde appelle sa liberté, c’est une femme qui se demande quel est le mensonge qu’elle va devoir désormais inventer face aux hommes pour s’y dissimuler à son aise, pour qu’on lui foute enfin la paix.
Pages 49/50 :"Dans la chambre d'hôtel aux murs verts et aux rideaux à fleurs, autour du lit défait par la chaleur et l'incompréhension, s'organise la scène banale de l'humiliation, de la soumission, de la disparition sans bruit de soi dans l'autre."