Je débarque sur le tarmac de Port-au-Prince. Je croise un type, dans le genre souriant et avenant. Il respire la bonté, la joie de vivre et l'humanité. Tout mon contraire. Je l'avais déjà aperçu avant. Je voulais lui payer un verre, Sex' on the Beach sur la plage de cocotiers. Mais il refuse, toujours avec le sourire, peur de la bombe atomique, et d'autres projets, Sex' on Montreal. Je redécolle aussi sec, ça le fait marrer, d'un sourire il me confie ne pas baiser une blanche à sec.
Un air de jazz trotte dans sa tête, sa Remington ayant appartenu à
Chester Himes sur les genoux, il tape frénétiquement les premières pages de son roman. L'histoire, si basique soit-elle, m'envoute déjà : deux nègres, très spirituels qui lisent le Coran et les Boddhisattvas, passent leur temps dans une piaule minable, sombre et cafardée d'un quartier misérable, noire et cafardeux de Montréal, à écouter des disques de jazz et à baiser des femmes blanches. Ainsi soit-il, la spiritualité sent le musc sauvage, elle devient sexe. Un écrivain nègre et un bonze noir.
J'ai bien cru que j'allais me congeler la graine en atterrissant si au Nord moi qui avais prévu le minimum pour mon escale haïtienne. C'est sans compter sur la canicule de l'été indien, la chaleur des filles de McGill, elles sont hot celles-là, même l'ivresse du grain de notre nègre ne les effraie pas. Je comprends mieux pourquoi la banquise fond toujours plus. Ce n'est pas qu'une question d'un majeur qui titille l'intimité de ces Miz mais celle d'un baobab noir qui pénètre le con d'une blanche et l'asperge de son sperme aussi blanc que nègre.
Les Miz se succèdent dans le lit de l'apprenti-écrivain et de l'apprenti-bonze, des bouteilles de vins se vident, des airs de jazz remplissent l'air fétide de cette piaule maculée de sueur mi-blanche mi-noire. Amoureuses de Bouba, de Dany et de Dizzy ou de sa trompette. Hé gus tu connais Charlie
Mingus. Parker, j'le connais par coeur. Hé fils le dénommé Davis. Les standards de Duke Ellington, Oscar Peterson, Lionel Hampton, Scott Hamilton, je gicle sur son con, ça c'est pour la rime. Je transpire à grosses gouttes, suées aigres qui s'épanchent entre les seins parfumés d'une nana de McGill. J'aime toucher son coeur. Ça craque en moi.
Miz Littérature revient ce soir. Pour faire la vaisselle, pour faire le ménage. Elle aime quand c'est net, c'est qu'elle a le cul aussi propre qu'une bourgeoise, sentir l'immaculé avant ma giclée. Elle me demande ce que je lis au lit. Parce qu'entre nous, il est aussi beaucoup question de littérature. Ma réponse l'éclaire : j'aime quand on me suce quand je lis
Bukowski. Elle descend ma fermeture éclair. Pour Miller, je me sers une bière.
Hemingway, elle me sert un whisky tourbé, odeur de fumée. Je ne sais pas à quel moment notre conversation à dévier sur Mishima… Mishima nécessite un certain rituel. Comme le seppuku, il a ses codes et ses honneurs. Avec Mishima, la sodomie s'impose. Elle se retourne je pose mon livre sur son derrière, les reins légèrement cambrés, et la pénètre, façon d'honorer son cul, elle garde la tête fière, lisant la prose nippone, sentant mon sabre la transpercer, de son cul à son âme.
Mais je sens que mon âme dérive sur les écueils de la vie. Mon récit s'écrase sur ses récifs. Mon escale en terre haïtienne à tourner court, pris dans un tourbillon de chaleur, de sueur et de sperme qui colle les dernières pages de mon livre d'un auteur qui a fini son roman sur une vieille Remington ayant appartenu à
Chester Himes.