Quel personnage ce
Dany Laferrière! Oui, bien sûr, ce ne devrait pas être à partir de ça qu'on fait la critique d'un livre, mais on le devine tellement en filigrane de
Je suis Un Ecrivain Japonais!
Il y a beaucoup de choses dont j'ai envie de parler au sujet de cette lecture, et j'espère m'y retrouver.
Commençons par le début: le titre. Ultra important, c'est lui qui lance et dirige tout le livre. Un titre choisi spontanément lors de son rendez-vous avec l'éditeur, dit-il un titre accrocheur, vendeur, choisi par le "titreur le plus rapide d'Amérique", dixit Kurt Vonnegut Junior lui-même.
A partir de là tout va s'enchaîner. Dany Lafferrière nous livre les difficultés, la peine liée à l'écriture. Pour s'inspirer, il nous entraîne à la rencontre du voyageur - écrivain
Basho, de Mishima, Murakami attiché dans sa jeunesse d'un assassin, et, bizarrement, de Bjork.
Il crée une bande de jeunes Japonaises dont il imagine, observe et photographie les comportements, tout ça allongé dans son lit. Mais l'une d'elle se rendra ensuite chez lui, y commettra un acte irréparable et le mettra sous la pression de la police.
Et puis surtout ce livre, dont il n'a pas encore écrit une seule ligne, provoque curiosité, inquiétudes, conflits diplomatiques et foudres au Japon où il devient célèbre en l'espace de quelques semaines, parce qu'il se proclame japonais, lui qui est noir et n'a jamais mis les pieds au Japon dont il ne connaît que quelques auteurs et un bon nombre de clichés. Et si ce roman, qu'il n'a pas encore écrit, s'avère mauvais? Que pensera t-on de la littérature japonaise??
Vous n'y comprenez rien? En fait, c'est normal: Dany Lafferrière a le don, dans ce livre, de nous mener par le bout du nez entre ce qui paraît la réalité et qui en fait n'est que fictif.
Mais au fil de ces chapitres presque aussi courts et anecdotiques que ceux de Brautigan - et je ne cite pas ce nom de manière fortuite, puisqu'on le retrouve brièvement ici et que ce récit m'a souvent fait penser à lui - les thèmes que Lafferrière abordent sont loin d'être innocents: exil, identité, racisme, pauvreté, écriture, souvenirs, désir, mort, pressions et impossibilité de l'anonymat.
A y regarder de plus près, on y décèle le jeune Dany nouvellement exilé au Québec pour fuir le régime dictatorial de Papa Doc et les menaces de mort de celui-ci, travaillant d'usines en usines avant d'arrêter pour devenir écrivain, dans le dénuement et la solitude. En fait, le Dany dans le livre n'a pas d'âge, ne possède rien hormis un lit, un bureau, une Remington, une baignoire et de vieilles bottes poussiéreuses mais d'une immense valeur. Est-il un écrivain renommé, menant une vie paisible, ou bien un écrivain qui se cache de tout regard et vit un épisode de grande pauvreté?
Ce livre, qui démarre sur les chapeaux de roue, est selon moi loin d'être anecdotique malgré l'aspect qu'il en donne et l'assoit une fois de plus comme un grand écrivain, vivant de et par l'écriture entre flegme et tourments.
Pour plus d'infos sur l'écrivain, je conseille ce lien: http://www.contacttv.net/i_dossier_recherche.php?id_rubrique=383