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EAN : 9782070763948
112 pages
Gallimard (09/01/2002)
3.6/5   72 notes
Résumé :
« Il me suffisait de voir Clotilde roucoulante et courte d'haleine, projetée hors d'elle-même, tout son corps démonté, les mouvements de sa tête, de ses hanches sautant comme par ressorts, Clotilde possédée dans mes bras par quelque chose qui n'était pas moi, pour me mettre en déroute. Chaque nuit j'étais vaincu par cette ménade qui ne vivait que pour le moment où elle n'avait plus à contenter qu'elle-même.

Lorsque nos corps enclavés enfin se dénouaie... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (12) Voir plus Ajouter une critique
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Un tout petit roman ou une nouvelle d'une centaine de pages. Texte écrit en 1954, et à mon humble avis qui ne pourrait l'être en ces temps de "pureté".
Hécate dans la mythologie est une déesse qui représente la lune noire, dans l'Enéide d'ailleurs, la sybille qui emmène Enée aux Enfers est une prêtresse d'Hécate.
Le narrateur , Spitzgarner, revient à Tanger 30 ans après une période de sa vie de jeune inspecteur des finances passée dans la société coloniale de cet endroit.
Il y avait rencontré Clotilde, femme mariée, époux absent. Une liaison s'établit entre eux, elle est brûlante de passion jusqu'à ce que le narrateur se surprenne à penser que Clotilde puisse être une autre femme. Il pense à Hécate qui dévorait ses chiens et la compare à la moderne Clotilde qui dévorerait des chiots, des petits enfants peut-être...
Le narrateur pense résoudre cette question en se vautrant lui-même dans la fange. Autant dire qu'il en sortira laminé, déshonoré et mettre des années à se reconstruire, sans avoir exploré complètement l'âme humaine.
Le style classique est concis avec de nombreux non-dits qui en font un texte froid et surtout inquiétant, mais superbe.
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Ce court roman très ambigu s'avère assez complexe et pour cette raison propice aux commentaires.

Il est construit comme un récit de souvenir. Dans le prologue, Spitzgartner, le narrateur, dont le nom n'est dévoilé qu'une fois aux 9/10e du récit, annonce qu'il revient dans la ville africaine (plusieurs indices disséminés dans le livre laissent penser qu'il s'agit de Tanger) où 30 ans auparavant il a laissé sa jeunesse et a souffert les pires années de sa vie. le roman est le récit des évènements vécus à cette époque. Soit dit en passant, il est intéressant de retrouver dans ce court prologue le penchant de Morand pour les symboles de la modernité : la vitesse , l'avion, les gratte-ciels, l'asphalte.

Le narrateur rencontre Clotilde, femme dont le mari est absent et qui devient sa maîtresse. Alors que le couple s'enfonce dans une passion sexuelle fort agréable quoiqu' envahissante, le narrateur est intrigué par les secrets qui entourent Clotilde. Elle exprime de curieux murmures pendant son sommeil et semble trouver un plaisir plus intense devant des images d'enfants que dans les bras de Spitzgartner. le goût de Clotilde pour les enfants finit par s'exprimer ouvertement et exerce une véritable fascination sur son amant. Par désir de lui plaire, il emprunte le chemin de la pédophilie mais quitte précipitamment le pays et sa maîtresse à la demande des autorités. le narrateur poursuit sa carrière en Asie et il y rencontre par hasard un colonel qui s'avère être le mari de Clotilde. le livre se finit par un dernier souvenir, celui d'une réception mondaine à New York où ont lieu de glaciales retrouvailles avec Clotilde.

Dès la première description de Clotilde s'annoncent l'ambigüité et le mystère qui entourent le personnage : cette femme est à la fois laide et belle. Qui est-elle vraiment ? Morand livre deux clés de compréhension de son récit : l'épigraphe liminaire tiré du Faust 2 de Goethe (‘simple j'ai troublé le monde, double bien davantage') et évidemment le titre du roman qui invité à se pencher sur la déesse Hécate. Celle-ci est elle-même une déesse ambigüe : dans les temps anciens, une déesse aux larges pouvoirs mais plutôt bienfaisante, qui a laissé peu à peu la place à une représentation plus sombre, plus lunaire, d‘une déesse des ténèbres, accompagnée de chiens affamés, dont il fallait se méfier. Je pense que l'Hécate à laquelle il faut penser est celle du Macbeth de Shakespeare, pièce sur le Mal, à laquelle fait écho le mythe de Faust, qui vend son âme au diable. Clotilde est une Hécate qui est source de désordre et d'illusion pour ceux qui la rencontrent, une étincelle qui au bout d'une mèche lente va déclencher le vice et des forces obscures qui perturbent la paix intérieure. Peu importe qu'elle soit elle-même auteur des actes dont la soupçonne son amant.

Le court dialogue entre Spitzgartner et le mari de Clotilde à la fin du livre illustre cette lecture que je fais du roman. le mari vit en Extrême-Orient dans une sorte d'exil dont il attend le terme. Cet exil est pour lui le prix à payer pour ses mauvaises actions, ses ‘souillures du corps et de l'âme'. Sorti de l'illusion, le seul chemin qui s'offre à lui est celui de la Connaissance.
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Un livre court mais que j'ai lu en une demie heure tant je fus happé par le récit.
L'histoire d'amour d'un homme qui n'est pas aimé en retour, qui est consumé par une relation toxique vis-à-vis d'une personne instable.
Une histoire, d'une personne jusque là vide de sens et qui trouva une signification existentielle au sein d'une personne qui lui fera toucher le fond et se noyer petit à petit.
Une histoire banale semble t-il mais qui perd de son commun à chaque prise de connaissance de l'instabilité de cette femme prédatrice tant aimée et si peu aimante.
Et puis il y a Morand. Un écrivain qui peut écrire n'importe quoi pour en faire du grandiose, de l'impressionnant, du fulgurant. C'est génialement douloureux. Un style simple mais limpide comme du cristal et coupant comme du verre. Des phrases qu'on pourrait retrouver chez Cioran tant elles se suffisent à elles-mêmes.
Malgré la chaleur, cet ouvrage me fit frissonner. Je ne suis pas prêt de laisser tomber cet auteur.
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Hécate et ses chiens/Paul Morand/Académie française
Spitzgartner, le banquier narrateur dont on ne connaît le nom qu'en fin de récit, se remémore en 1942 les temps anciens trentenaires alors qu'il revient là même où il connut cette femme étrange, ni belle, ni laide, Clotilde dont le mari était en mission en Orient.
le narrateur se décrit ainsi : « J'étais de naissance, de tempérament et de formation, huguenot. Bienséance, Convenance, Décence, ces trois fées réformées me suivaient depuis le berceau. »
Avec Clotilde, il rêve de remplacer les bonnes moeurs par les bonnes manières : « Avec ma persévérance, moi qui avais su être toujours premier aux examens et major aux concours, j'arriverais bien, un jour, à avoir un zéro de conduite. »
Clotilde devient sa maîtresse en une débauche de relations sexuelles. « Clotilde se donnait avec une retenue naturelle qui plaisait à ma gaucherie innée, à mes habitudes lacédémoniennes. »
La vie dans cette ville (Tanger je pense car elle n'est pas citée) est rythmée pour les deux amants par des nuits d'amour exaltées. Rien ne s'apprend plus vite, en terre d'Afrique, que l'art de se laisser vivre. Tout semble aller pour le mieux quand le narrateur parle de Clotilde, une femme lascive et insaisissable : « femme idéale, bien à la main, à la fois compagnie et compagne, amante et amie, dame et maîtresse, toujours libre, jamais pesante, avec cette suave indifférence et cet heureux équilibre si agréable chez les égoïstes. »
Mais que fait l'étrange, sensuelle et mystérieuse Clotilde de ses journées tandis que le narrateur dirige sa banque ? Tant il est vrai que « posséder un être dans sa chair équivaut à transpercer un spectre », il s'interroge sur Clotilde et son opacité, - « cette ménade qui ne vit que pour le moment où elle n'a plus à contenter qu'elle même », une nymphe qui se laisse emporter par ses passions, - et son emploi du temps diurne.
C'est dans son sommeil, épuisée d'amour, qu'elle murmure des bribes de mots et que Spitzgartner découvre ce qu'elle fait probablement. Pour savoir, le narrateur abandonne sa bonne conduite et se livre à une traque sans relâche.
L'auteur suggère tout dans un style simple, limpide et elliptique sans se livrer à des descriptions scabreuses, complaisantes ou vulgaires. L'ambigüité du personnage de Clotilde désempare Spitzgartner qui ne saisit pas tout de la situation.
Rappelons pour éclairer le lecteur que dans la mythologie grecque, Hécate est une des trois déesses de la Lune avec Séléné et Artémis. Elle représente la nouvelle lune appelée aussi lune noire et symbolise la mort. Par ailleurs elle prend soin de la naissance et de la croissance des enfants. Elle est souvent représentée comme une déesse tricéphale correspondant aux trois phases de l'évolution humaine, croissance, décroissance, disparition. Déesse souveraine du royaume ténébreux, elle est entourée de chiens infernaux qu'elle emmène dans les lieux souillés par quelque crime et les fait aboyer pour jeter l'épouvante.
« La triple Hécate, reine de la nuit, se nourrit de chiens ; pareille à l'affreuse déesse, Clotilde dévore des chiots, ces enfants dont elle fait sa pâture. »
Une histoire que d'aucuns ont qualifiée de sulfureuse, en tout cas qui dérange et interpelle par sa perversité suggérée ou fantasmée mais que Paul Morand a su traiter avec élégance et retenue, en somme avec talent.
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Entre deux avions, alors qu'il fait escale en Afrique, un vieil homme se remémore l'homme qu'il fut et devint, ici même, il y a trente ans, par le commerce qu'il entretint avec Clotilde, une jeune femme, pour le moins mystérieuse. Frais émoulu de l'Inspection des Finances, il prenait poste dans une banque. D'éducation protestante, il en avait la rectitude et la conformation d'esprit. Sentant bien qu'il lui manquait dans son existence le principal, c'est à dire l'amour et une certaine aptitude à jouir des plaisirs plus immédiats que la vie peut offrir, il décidait de prendre maitresse. Ce qu'il considérait comme une sorte de formation sentimentale et charnelle devint peu à peu une déformation, un gauchissement de l'âme et des sens.

Oeuvre d'un vieil homme jadis peu fréquentable, cette histoire est souverainement déplaisante. L'allusif dans la turpitude est une forme achevée de lâcheté. Comment un homme, en temps de colonie, va chasser les petits "indigènes", pour apporter, comme en hommage, le fruit de ses coupables recherches sur l'autel d'une femme qui lui est foncièrement inaccessible. Hécate était une déesse inexorable qui mangeait des chiens, Clotilde est une femme qui avoue ou prétend des appétits immondes. On ne sait si elle dit vrai ou si elle affabule, mais l'intention de l'homme est là et sa chasse bien réelle. Elle n'est peut-être que le support de la jalousie du narrateur, ou le prétexte aux déportements moraux de ce dernier, énervé par une quête du plaisir qui se révèle insatisfaisante. Hécate et ses chiens est un des avatars d'une certaine littérature qui revendique que tout peut être dit. Certes, mais les prestiges de l'écriture n'occultent en rien le contenu; l'auteur est suspect de faire trop de style sur une matière nauséabonde. Loin de moi l'intention du censeur, je préfère la licence à la moraline, mais ces raffinements-là ne sont pas mon ragoût.
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Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
IX

L’amour prend beaucoup de temps ; c’est pourquoi il fleurit mieux en province ; à Paris, tout parle d’amour, les robes, les parfums, les mets, les théâtres, mais personne n’a le temps de le faire ; il n’est que de lire les romans de nos pères, qui s’y connaissaient : y penser, s’y préparer, se rencontrer, s’attendre, s’accorder, jouer en mesure : l’existence y passait. Mais, avec Clotilde, tout était simplifié : notre vie amoureuse se nourrissait d’elle-même.

Nous nous entendions parfaitement sans parler, à la façon mystérieuse des animaux ; reconstituer nos dialogues serait presque impossible, car nous étions ensevelis dans d’interminables silences que commentaient des regards aussi longs que nos baisers, nos serrements de mains (elle avait la main brûlante des indifférents), nos caresses. Les mots sont faits pour ceux qui n’ont rien à se dire.
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Elle achetait des livres, machinalement, les tenait ouverts sur ses genoux, mais s'arrêtait à la première page quand il n'y était pas question d'elle-même, de ses propres problèmes; pour les femmes, les livres ne sont qu'un miroir de plus.
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Quand je prenais Clotilde, elle était contente, elle était charmée, elle n'était pas assouvie. Je l'avais crue sans tempérament. Les hommes croient que la plupart des femmes n'en ont pas. C'est la source de bien des malheurs. Toutes en ont, mais la plupart du temps le ressort reste introuvé. Il semble que la nature ait voulu une singulière absence de concert entre les sexes, entre notre pressant besoin de volupté et leurs délais souvent interminables.
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Cet officier français devenait irréel; la projection éphémère d'un chamane objectivant ses images mentales...
Je fis un effort pour parler:
- Ainsi vous n'allez pas voyager?
- Les seuls voyages d'un être sorti de l'illusion ce sont les transes.
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La triple Hécate, reine de la nuit, se nourrit de chiens; pareille à l'affreuse déesse, Clotilde dévore des chiots, ces enfants dont elle fait sa pâture.
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