C'est le premier roman de cet argentin, un roman considéré comme le premier roman moderne d'Argentine, publié en 1926 et assez mal compris à l'époque car écrit dans un langage coloquial mêlant le lunfardo (jargon des bas fonds) et le cocoliche (jargon mêlant l'espagnol à divers dialectes italiens). Ce serait aussi le plus autobiographique des livres d'
Arlt, dont l'action se situe dans les quartiers pauvres de Buenos Aires où pullulaient les immigrés récents et que l'auteur a bien connu.
C'est un roman d'apprentissage où
Arlt nous présente un narrateur-protagoniste de 16 ans, Silvio Astier, qui est obligé de travailler pour subvenir aux besoins de sa famille.
Le livre est divisé en 4 chapitres pour nous décrire la descente aux enfers de ce gamin pour survivre à la misère, en même temps qu'il a une soif éperdue d'apprendre, de lire.
Le premier chapitre narre la bande de 3 voyous, lui même et deux autres copains, qui sévit jusqu'au délit qui aurait pu les démasquer : le vol de livres dans une bibliothèque du quartier. Ce vol est quelque peu symbolique car c'est l'accès par la force et la malhonnêteté au monde de la culture et du savoir. Un autre aspect symbolique est représenté par les fréquentes allusions au personnage de Rocambole crée par Ponson de Terrail : un criminel qui avait débuté très tôt dans la vie et qui par la suite a recherché une rédemption par la justice sociale.
Le deuxième chapitre nous présente Silvio travaillant durement dans un piteux magasin de livres d'occasion. L'ambiance est si sordide et on lui fait subir tellement d'humiliations, qu'il essaie de déclencher un incendie du taudis, mais il échoue.
Le troisième chapitre commence sous de bons auspices puisque Silvio postule à un poste d'apprenti mécanicien dans l'aviation et grâce à ses airs dégourdis, il sera embauché puis débauché sans explication avec cette phrase lapidaire "nous n'avons pas besoin de gens intelligents, mais de brutes dures au travail". Suite à cette énorme déception, Silvio essaiera de se faire enrôler dans un bateau en partance pour l'Europe, sans succès. Il vivra ensuite un étrange épisode avec un travesti dans un hôtel minable. Tous ces échecs feront que Silvio voudra se suicider, mais il va aussi échouer.
Le dernier chapitre nous montre Silvio travaillant régulièrement comme revendeur de papier, gagnant peu et travaillant comme un forcené. Il fera la connaissance d'un personnage marginal, le Boiteux, qui va lui proposer de monter un vol d'envergure. Mais Silvio préférera le dénoncer se transformant en Judas , en traitre.
Avec le succès de l'opération montée par le Boiteux, Silvio aurait pu échapper à sa condition misérable, mais il a opté pour la trahison envers son ami et aussi la trahison envers soi même.
Et in fine, la seule fois où Silvio ne va pas échouer c'est quand il dénonce son ami réalisant ainsi un acte social très correct, mais un acte individuel très vil.
Et c'est la toute dernière phrase du livre qui éclaircira la situation morale de Silvio Astier, quand il dit..."j'ai buté contre une chaise, et je suis parti en avant"; par là il nous dit qu'il a mal jugé, qu'il s'est trompé, qu'il a trahi et que son cas est sans espoir.