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EAN : 9782246360124
335 pages
Grasset (17/04/1991)
5/5   2 notes
Résumé :
Un tableau pertinent de l'état moral et culturel des Français, paru en 1929. Des études légères côtoient des réflexions sur le catholicisme ou le face-à-face France-Allemagne. L'éditeur Bernard Grasset répond à l'auteur et revient sur le rôle de l'humanisme et de l'idéalisme français.
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique

Comme à tout le monde qui aime les livres le nom de Bernard Grasset (1881-1955) m'est surtout familier comme le fondateur d'une maison d'édition qui porte toujours son nom. J'ignorais qu'il savait manier la plume avec autant de dextérité comme il l'a prouvé dans sa réplique à l'ouvrage de l'écrivain allemand Friedrich Sieburg (1893-1964) "Dieu est-il Français ?" de 1930. Sa réplique, de la même année, figure sous forme de lettre en fin de volume de l'exemplaire que j'ai en main d'avril 1991, édité dans la collection "Les Cahiers Rouges" par....Grasset !
Cette lettre est une merveille comme réaction à certaines divagations typiquement teutoniques de Sieburg.
Mais admettons-le, le titre de cette oeuvre ne manque pas d'originalité !

En 1925, le grand journaliste et écrivain autrichien, Joseph Roth, ami de Stefan Zweig, voyait l'Orage (avec O majuscule) s'approcher dans le ciel outre-Rhin et avait demandé au directeur du plus influent quotidien allemand de l'époque (le Frankfurter Zeitung) d'être nommé correspondant permanent à Paris. Probablement parce que le Français de son collègue, Friedrich Sieburg, était meilleur, ce fut ce dernier qui eût l'honneur. Comme alternative Roth reçut le choix d'une nomination à Rome ou un voyage en URSS. Vu que l'Italie était sous la botte de Benito Mussolini, il opta pour un voyage d'exploration chez un autre gentleman, Staline. J'ai commenté cette expédition de 1926 dans ma chronique du livre "Joseph Roth, Jounaliste" du 17 juillet dernier.

Friedrich Sieburg descend d'une famille d'hommes d'affaires d'Altena en Rhénanie. À l'université d'Heidelberg il étudia philosophie, histoire et économie et y avait comme professeurs le grand Max Weber et Friedrich Gundolf (auteur d'une remarquable biographie de Goethe). Ses sympathies national socialistes lui valurent la critique des auteurs en exil, tel Lion Feuchtwanger. Après son séjour à Paris, il entra en 1939 au service diplomatique du Reich et fut posté à Bruxelles et Paris, où en 1943 il fut nommé compagnon d'honneur ("Ehrenbegleiter") du maréchal Pétain. Après la guerre, il se fit une réputation de critique littéraire et défenseur de la littérature française moderne. Il a publié des biographies de Robespierre et De Chateaubriand. En 1953, il a laissé un livre de souvenirs "Je passais au bord de la Seine".

Bernard Grasset, docteur en économie, a eu l'énorme mérite de créer, à l'âge de 26 ans, une maison d'édition novatrice, qui a lancé une liste impressionnante d'auteurs de grosse valeur, parmi lesquels il convient de signaler Marcel Proust, André Maurois, François Mauriac, Raymond Radiguet, Blaise Cendrars, Jean Giono etc. S'il a eu des difficultés après la guerre et a été condamné pour collaboration, il fut gracié par le président Vincent Auriol en 1949 et céda, un an avant sa mort, sa maison d'edition au géant français de l'édition, le Groupe Hachette-Lagardère. Il est l'auteur de plusieurs livres, entre autres sur Pascal et Montesquieu. Il existe de lui une exquise biographie par Jean Bothorel : "Bernard Grasset. Vie et passions d'un éditeur", parut en 1989.

J'ai procédé de façon peu orthodoxe en lisant d'abord la quarantaine de pages de la réplique de Bernard Grasset, sûrement parce qu'il m'est plus sympathique que le destinataire de sa lettre. Surtout après l'attaque véhémente du polémiste et écrivain, Laurent Dispot, qui a écrit une préface à ce livre. Bien que j'aie des réserves quant au style et langage un peu trop flamboyant de l'auteur de "La machine à terreur".

Dans un mélange déroutant de condescendance et sympathie pour la France, Friedrich Sieburg, en authentique Teuton avec un sentiment de supériorité, qualifié les Français comme "Peuple magnifique et insupportable" . Un peu plus loin le journaliste et diplomate allemand affirme : "La France n'a point d'appétits, mais seulement des prétentions". Autre reproche à l'adresse de la France : les bureaux de poste y fonctionnent mal, ce qui n'empêche nullement la France "de prétendre néanmoins à la direction du monde". Dernière finesse "Siebourgeoise" : la France s'est arrogé le droit de consacrer le progrès "tout en méprisant (sic !) le progrès".

Avec une politesse admirable, Bernard Grasset, fort contrarié, bien entendu, répond : "Sans doute, se mêlent, dans votre livre, quelques jugements faits pour nous choquer. Mais qui songerait à vous en vouloir ? Vous n'êtes pas de notre race, et puis, il faut bien le dire, nous ne sommes pas certains, nous Français, d'être aussi justes pour vous". "Vous savez que nous aimons la Paix. (N'est-ce point même pour la trouver que vous êtes venu chez nous ?). ... Il faut bien croire que des compensations vous vinrent, et des plaisirs, puisque vous avez prolongé votre séjour en France." " La France est un pays où l'on peut vivre....n'est-ce pas, Monsieur Sieburg ?"

Habilement Bernard Grasset retourne les propos de l'auteur contre lui-même : "Pourquoi j'ai écrit sur la France ? dites-vous. Ici, je n'ai qu'à vous citer : Parce que j'ai la faiblesse de préférer séjourner dans un paradis négligé qu'en un univers modèle, étincelant, mais désespérant." Et d'ajouter : "...qu'en dépit de ses bureaux de poste imparfaits, et sous sa négligence apparente, cette France détient une force à quoi l'on ne peut résister " (page 289).

Pour être tout à fait honnête, après les belles paroles de Bernard Grasset, je me suis limité à survoler l'exposé "raffiné" du sieur Sieburg !
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Ce que Schatov par certaine nuit sombre, lance à la figure de Stravoguine, c'est un véritable esprit de croisade.
Un peuple ne reste un peuple qu'aussi longtemps qu'il a son Dieu propre, son Dieu particulier et qu'il réprouve avec une sauvage énergie tous les autres dieux du monde ; aussi longtemps qu'il croit qu'avec son Dieu il pourra vaincre, et chasser du monde tous les autres dieux... Dès qu'un grand peuple cesse de croire qu'il est l'unique détenteur de la vérité (son unique et exclusif détenteur), dès qu'il ne croit plus qu'il est le seul appelé, le seul capable de ressusciter et de sauver le monde par sa vérité, il cesse immédiatement d'être un grand peuple et n'est plus qu'une expression géographique. Un peuple vraiment grand ne peut se contenter d'assumer dans l'humanité un rôle secondaire ; c'est le tout premier rôle qu'il lui faut. Il a vraiment cessé d'être un peuple celui qui a perdu cette ambition. Or, comme il n'y a qu'une seule vérité, il ne peut y avoir qu'un seul peuple détenteur du vrai Dieu, quelque grands et puissants que soient les dieux des autres peuples.
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Parce que je voudrais communiquer à mes contemporains un peu de la souffrance que j'éprouve à devoir passer de l'éternité à l'ordre du jour, [...]
Parce que l'homme est sans doute heureux lorsqu'il remplit sa fonction supérieure, mais n'est jamais aussi heureux que lorsque, négligeant cette fonction, il mène la bonne vie, ferme sa boutique, chasse ses clients et place une chaise devant sa porte, pour attendre la première étoile,
Parce que les grandes villes ne sont dignes de l'homme qu'autant que leurs habitants sont résolus à rester des provinciaux et à ignorer le rythme de la vie, [...]
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On peut devenir Français comme on se fait baptiser. On entre dans la nation française comme dans une communauté religieuse constituée non par le sang, mais par l'esprit. [...] Ce n'est pas le sang qui est le lien, c'est l'esprit. Ce n'est pas l'unité de la chair qui rapproche les citoyens, c'est l'unité de la foi, de la foi en la France. On ne peut changer de sang, mais on acquiert la foi.
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Ses compatriotes ont toujours mis sur le même plan son action patriotique et son action chrétienne [- celles de Jeanne d'Arc]. Ils obéissent, ce faisant, à la loi élémentaire qui est à la base de leur conception de l'esprit français : toute grande action, idée ou figure française appartient aussi à l'humanité toute entière. Ou, pour retourner la formule : toute grande valeur que produit l'humanité doit être ou devenir une valeur française, sinon, elle ne serait qu'une erreur, une hérésie, ou même une tromperie. C'est ce que Napoléon a exprimé avec une force accablante dans les termes suivants : « La véritable force de la République française doit consister désormais à ne laisser surgir aucune idée qui ne lui appartienne.
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Il faut avoir observé à la Chambre la gaîté désarmée des journalistes américains lorsqu'un député noir du Sénégal exhortait le peuple français à l'union, ou se mêlait au débat sur l'Alsace-Lorraine en adressant des reproches aux autonomistes récalcitrants. Jamais un Américain ne pourra comprendre qu'un tel incident recèle une logique profonde [...]
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