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EAN : 9782253143147
160 pages
Le Livre de Poche (01/10/2005)
3.48/5   52 notes
Résumé :
Un navire qui descendait la Loire lança deux coups de sirène pour annoncer qu'il évoluait sur tribord et le cargo qui montait répondit par deux coups lointains qu'il était d'accord. Au même moment le marchand de poisson passait dans la rue en criant et en poussant sa charrette qui sautait sur les pavés.

Avant d'ouvrir les yeux, Jean Cholet eut encore une. autre sensation : celle d'un vide ou d'un changement. Ce qui manquait, c'était le crépitement ... >Voir plus
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Pharyngite aidant, le hasard a voulu que, sortant à peine de "Maigret & le Client du Samedi", livre qui brosse le portrait d'un homme qui n'est peut-être pas si lavette qu'il en a l'air, je passe à "L'Âne Rouge", roman "dur" de Simenon, entièrement consacré pour sa part au parcours de l'un de ces hommes qui, jusque dans leur cercueil, refuseront d'endosser n'importe quelle responsabilité. J'ai nommé Jean Cholet, ce narcissique absolu, ce fils de petits bourgeois un peu sots mais honnêtes et scrupuleux, et qui, pour sa part, est prêt à tout pour vivre une existence bien moins rance, bien plus brillante, bien plus éclatante - un miroir en somme où il aura le loisir de s'admirer tous les jours non tel qu'il est mais tel qu'il s'imagine être.

Le déclic, ce fut une soirée à "L'Âne Rouge", un cabaret assez miteux et qui n'a pas très bonne presse auprès des autorités locales. Layard, son propriétaire, y accueille çà et là une faune pour le moins douteuse. D'ailleurs, c'est sur un représentant de cette faune, le producteur de tournées théâtrales Speelman, que notre Jean Cholet est tombé un soir. A ses yeux extasiés, Speelman restera longtemps "l'homme en habit" - avec un plastron garni de deux ou trois diamants, vous imaginez la classe ? ... Ah ! entre les bouteilles de champagne, les tournées et les re-tournées, les "artistes" qui participaient à la ribote, dont la petite Lulu, une chanteuse adorable mais aux jambes si menues et qui se révèlera souffrir soit d'une maladie vénérienne, soit de tuberculose (je n'ai pas très bien saisi : mon état fiévreux devait y être pour quelque chose ), Cholet a passé une soirée inoubliable. Et, désormais, il entend bien n'aller que de soirée inoubliable en soirée inoubliable.

Le problème, c'est que, bien qu'il ait un petit travail dans le journal local, il ne gagne pas assez pour avoir son appartement et encore moins pour mener la vie à grandes guides. N'importe. Comme tous les narcissiques de ce type, il est prêt à tout pour parvenir à ses fins. Il tape ses collègues de travail, le caissier de sa boîte, son père, bien sûr, un vieux monsieur charmant mais qui, n'ayant pas eu la chance, lui, de vivre une jeunesse digne de ce nom, se montre un peu trop indulgent envers son fils. Il taperait bien sa mère mais celle-ci, c'est le genre mère ultra-possessive et pleurnicharde qui ne sait que lui répéter, en serrant ses lèvres minces, qu'il "sent la Femme." (Le personnage maternel peut d'ailleurs expliquer en partie la fascination de Cholet pour des gens comme Speelman par une tendance refoulée à se trouver un autre père ... et à aller voir du côté de l'homosexualité. Mais ça reste très discret et peut-être n'est-ce qu'un effet de mon imagination. )

Pourtant, force est de le reconnaître, à compter de cette soirée merveilleuse à "L'Âne Rouge", Cholet se rue dans une hétérosexualité débridée. Mais, comment exprimer la chose sans choquer le lecteur qui passe ? ... Les femmes, il les prend et les jette comme des Kleenex. Si l'on excepte la satisfaction physique, "bête et brutale" comme l'eût chanté Brel en appuyant bien sur l'accent, pour notre ami Cholet, en amour, pas question de sentiments. Pas de sentiments non plus quand un certain Gybal, un ami de Speelman qui passait bien entendu par hasard au cabaret , lui demande un petit service contre la somme de trois mille francs : en allant chercher les bulletins de naissance et de décès à la Mairie, ainsi que le requièrent ses fonctions à son journal, dérober, mine de rien, plusieurs avis de naissance portant déjà le tampon de la ville. Pour qui ? Dans quel but ? Peu importe. Bien qu'il sente l'escroquerie se profiler à l'horizon et qu'il n'apprécie guère Gybal, Cholet fait ce qu'on lui demande. Avec l'argent obtenu, il s'offre une belle montre en or. C'est-y pas dénué de tout égoïsme filial, ça ?

Mais comment cacher une montre en or à une mère ultra-possessive qui fouille partout dans vos affaires en espérant tomber sur la preuve que "vous sentez la Femme" ? Scène énorme et grotesque quoique, au fond du compte, justement fondée. Plus indulgent, le père sermonne à peine son fils et tout recommence. Mais tant va la cruche à l'eau ...

Un soir, lassé de devoir de l'argent à tout le monde, lassé d'une vie qu'il considère avec un dédain croissant, lassé de sa mère qui n'arrête pas d'avoir les yeux rouges, comme à plaisir, lassé aussi par la santé de son père qui vient de lui infliger une première crise cardiaque (c'est vrai, quoi, à quoi ça sert, un père, si ça a tout le temps des crises cardiaques ? ), Cholet suit Lulu, qui a perdu son emploi, à Paris. Dans la capitale, il vivote de ce qu'il lui reste des trois mille francs mais ne fait pas une seule démarche pour se procurer du travail. Quand il ne peut plus payer l'hôtel, il se fait héberger par Lulu qui, elle, vit chez sa tante et qui risque de se retrouver à la porte si ladite tante apprend qu'elle ramène un homme chez elle. Et puis, lassé aussi de Lulu - qu'il ne trouve plus à son goût - il décide de ne plus la revoir. Bien sûr, Jean ne rompt pas officiellement. Il s'en va, elle ne le verra plus, c'est tout. Et tant pis si elle pleure : un Kleenex, c'est fait pour ça, non ?

Que serait devenu Cholet si, ce jour-là, à la place du mandat télégraphique que son père lui avait promis, il n'avait reçu, de sa mère, un télégramme lui annonçant justement le décès de son géniteur ? On ne le saura jamais. Mais, là encore, Cholet, increvable de culot, trouve le moyen de taper un cabaretier qui le trouve - on ne sait pourquoi - sympathique et repart dare-dare à Nantes. Aux obsèques, il s'effondre comme une vraie lavette sur la vaste poitrine de son ancien patron - qu'il a quitté sans le prévenir ou pratiquement. M. Dehourceau, homme responsable et énergique, lui, le réconforte et lui garantit qu'il le reprendra au journal. D'ailleurs, on le plaint un peu car, bien qu'on n'en ait évidemment rien dit à Mme Cholet, Cholet Père n'est pas mort en fait dans son bureau ... mais dans la chambre d'une fille entretenue avec laquelle il passait parfois quelques heures de détente.

Est-ce cette idée que son père, lui aussi, entretenait une vie occulte, ou alors la pensée - encore plus terrifiante pour ce narcissique qu'est Jean - qu'il conservait pour ce faire un argent que, en bon père, en père responsable, il eût dû lui faire parvenir à lui, esseulé à Paris - oui, qu'est-ce qui fait déborder la cruche, à votre avis ? Toujours est-il que notre sémillant jeune homme se procure une arme et s'en va faire une peur de tous les diables à "L'Âne Rouge." Car, bien sûr, pour Jean Cholet, lui-même n'a aucune responsabilité dans tout ce qui vient de lui arriver : ce sont les Layard, les Speelman, les Lulu (qui l'a pourtant aidé au-delà de ses possibilité), sa mère quasi-hystérique, son père défunt même ... bref, "les Autres", ces Autres qui complotent contre lui depuis le début, les seuls responsables : responsables de son retour forcé au bercail, responsables des trois francs-six sous qu'il y trouve, responsables de son mal-être, responsables de ses erreurs, responsables ...

... de TOUT !

Âmes sensibles, rassurez-vous : "L'Âne Rouge" ne restera rouge que de nom. La lavette, le parasite-né, le lâche qu'est Jean Cholet rempochera son arme pour retourner docilement chez Maman. Maman qu'il abandonnera sans doute sans remords très bientôt pour se remettre en quête de "la grande vie." D'accord, j'admets que Maman n'est pas très sympathique mais n'est-ce pas parce que, tout compte fait, elle a légué beaucoup de ses faiblesses à son cher fils ?

Non, Jean Cholet ne deviendra jamais un homme responsable, un homme digne de ce nom. Il traînera, il louvoiera, il fera n'importe quoi pour avoir de l'argent, il escroquera, il tuera peut-être ... Simenon ne nous le dit pas, ce serait trop simple : il se contente de nous le suggérer entre les lignes.

Si, comme moi, vous avez croisé trop d'"irresponsables professionnels" au cours de votre vie, ce roman est fait pour vous. Car, si Jean Cholet ne rit pas tous les jours et ne fait certainement pas rire son entourage, nous, les "responsables", nous, qui avons appris, souvent très jeunes, à endosser les responsabilités pour les autres ... nous, on qu'est-ce qu'on rigole !

Méchante, moi ? Non : responsable. C'est tout. ;o)
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Jean Cholet est un jeune homme encore mineur (19 ans) qui vit à Nantes au domicile de ses parents, très attentifs à sa conduite, à son grand agacement.

Jean oscille en permanence entre désir profond de rupture avec sa famille et envie de devenir quelqu'un à leurs yeux, notamment à ceux de son père un employé de bureau malade du coeur. Il a pourtant un travail de journaliste débutant dans un quotidien local.

Le début du roman le surprend au réveil, après une nuit très alcoolisée. Une terrible gueule de bois l'empêche de se souvenir de ces heures floues, passées lui semble-t-il en compagnie d'un certain Spielmann, un homme élégant et sociable qui l'a fasciné.

Ses recherches l'emmènent rapidement vers un bar appelé L'Ane Rouge où il a laissé une forte impression. le patron et sa petite équipe le tutoient et l'appellent par son prénom... Seul problème la clientèle de cet établissement situé dans une rue du port à côté d'un hôtel borgne et d'une maison close n'est pas des plus respectueuse de la loi.

Ecrit dans les années 1930 ce roman "dur" brille par son éclat désespéré. Impossible de prévoir où Simenon veut nous conduire. L'atmosphère nantaise de cette époque-là, nocturne, entre brouillard et cornes de brume est particulièrement bien rendue.



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La descente aux enfers d'un jeune journaliste vivant entre un père faible mais bienveillant, une mère larmoyante aux jugements péremptoires est racontée dans ce roman « dur » de Georges Simenon.

Comme toujours chez Simenon, nous sommes happés par l'atmosphère décrite en peu de mots mais tellement présente et dans les lieux et dans les êtres décrits.

Jusqu'aux odeurs du cabaret minable « L'Âne rouge » parviennent à nos narines.
Jusqu'aux vêtements, aux attitudes, aux regards troubles, aux va-et-vient dans la salle de rédaction où il travaille prennent forme et vie pendant la lecture.
Des collègues jugés, répétitifs, vies monotones puis une rencontre qui bouleverse et mène à une auto-destruction.

Les uns et les autres se meuvent, parlent peu et tout est sous-entendu, de la lourdeur et la pluie qui crépite comme des battements de coeur qui s'accélèrent, une misère humaine glauque dans les années trente, des tentations de chair, des tentations orgueilleuses et puis la déchéance…

L'alcool qui soutient, l'alcool qui détruit, l'alccol qui transcende jusqu'à la violence.

Un départ sans lendemain, un départ qui ne résout rien.

Un bouleversement change tout, amène une prise de conscience, une remontée dont on se réjouit et s'étonne.

L'histoire qui s'arrête, l'histoire que nous tentons de continuer.

Du Simenon


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Un roman noir ou l'alcoolisme et la lâcheté vont entrainer le personnage principal dans une débauche sans fin.

Jean Cholet est journaliste, relativement lâche et fainéant, et il rève d'une vie plus facile et d'une aisance financière qu'il n'a pas.

A tout juste 19 ans, il vit encore chez ses parents qui se désolent de le voir rentrer de plus en plus tard.
Jean prétexte des conférences qu'il doit couvrir pour rédiger un article dans le journal qui l'emploie. En réalité, il se met à fréquenter un bar peu recommandable, dans lequel soir après soir il s'enivre.
Il va emprunter de l'argent à de nombreuses personnes pour assurer ses soirées et les tournées qu'il offre sans compter.

Mensonges, alcool, dettes, Jean Cholet va perdre pied. La fuite lui paraîtra la seule issue possible.

Un roman court, sombre et efficace. La plume est concise, l'ambiance glauque est palpable et embarque le lecteur dans la misère des quartiers pauvres De Nantes.


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Cela faisait quelques temps que je n'avais pas relu un Simenon. Chose corrigée avec L'âne rouge, un énième « roman dur ». Un énième roman fort malgré une taille réduite.

En lisant un roman de Simenon, j'ai tendance à l'aborder comme un roman noir ou un polar et avec celui-ci, il y a quelques éléments qui incitent à le considérer comme tel. Pourtant, j'ai envi, a posteriori, de la jauger comme un roman classique. Encore une fois, 150 pages qui nous font entrer dans un personnage, dans son monde.

Et c'est dingue de songer que L'âne rouge a près de 100 ans et si quelques éléments font « daté », la plupart du roman sonne extrêmement actuel. Simenon explore l'âme et les hommes et ça, ça n'évolue pas beaucoup.

L'âne rouge est un roman fiévreux dans le sens ou la tension qui se dégage des actions du personnage nous donne à penser à un drame en suspens. Une route au bord de l'abîme. L'émotion à fleur de peau pour un jeune homme qui se cherche.

Simenon nous plonge dans des ambiances de bars en fin de soirée. L'âne rouge est d'ailleurs le nom d'un bar, lieu de perdition qui ne dit pas son nom, purgatoire pour les égarés, passage vers le monde de la nuit.
Lien : http://livrepoche.fr/l-ane-r..
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
[...] ... Il fit demi-tour, car il venait de dépasser la vitrine d'un armurier. Il y avait un hibou empaillé à l'étalage, des fusils, des revolvers. Il entra.

- "Donnez-moi un browning.

- Un vrai browning de Herstal ?"

Il avait tout l'argent de la maison dans sa poche, maintenant qu'il était le maître !

- "Chargez-le."

Et il sourit de l'effroi de l'armurier. Dans la rue, il grommelait des syllabes à voix haute. Il passa encore une fois devant La Gazette, où l'on devait savoir la vérité. Ils étaient venus à l'enterrement quand même !

Plus loin, il s'arrêta net au bord du trottoir, comme si son élan eût été coupé, ou son souffle trop court. Les gens passaient dans sa tête comme des fourmis, sans but, sans raison.

Heureusement qu'il y avait un bistro !

- "Un cognac, un grand !"

Il voyait le Trianon, les affiches, Speelman qui escortait le corbillard, Layard qui, lui, était vraiment derrière, avec sa veste de velours, sa lavallière, sa gueule fatiguée.

- "Encore un !"

Il toussa, laissa tomber une liasse de billets et faillit tomber lui-même en se baissant pour les ramasser.

- "Bonsoir, fils !"

Il avait mal partout. Il sortit du bar sans savoir comment et presque sans transition il se trouva devant L'Âne Rouge dont il poussa la porte du pied et de la main. La patronne, qui faisait des comptes, releva la tête.

- "Vous ! ..."

Elle du comprendre du premier coup d'oeil, car elle eut peur.

- "Qu'est-ce que vous prenez ? Attendez ..."

Il entendait des voix à côté, dans la cuisine où on mangeait. Il reconnaissait celle de Speelman. Mais, pour le rejoindre, il devait faire un détour, lever la planche mobile du bar.

Avait-il l'air d'un fou ? Comme la patronne pénétrait en courant dans la cuisine, il tira son revolver de sa poche tandis que Layard se montrait, essayait de sourire.

- "C'est vous ? Dites donc ! j'y étais, hier, et ...

- Où est Speelman ?"

L'escalier était tout près, séparé de la salle par une cloison et on entendait des pas pressés. Jean souleva la planche. Layard n'ose pas intervenir, se contenta de crier :

- "Dis donc ..."

Ses yeux n'avaient jamais été aussi plombés.

La maison puait les choux.

Dans l'escalier, Jean hurla :

- "Speelman !"

Il l'imaginait, en habit, fuyant devant lui, et il riait silencieusement. Une porte s'ouvrit et se ferma dans la pénombre du couloir. Jean se mit à courir.

- "Speelman !"

Sa tête brûlait. Il secoua la porte.

- "Speelman, nom de Dieu !" ... [...]
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[...] ... Cholet ne connaissait personne et tout le monde l'appelait par son nom. Layard, le patron, se précipitait vers la porte, car il avait entendu marcher sur le trottoir. Des gens entraient, trois hommes cette fois, qui venaient de bien dîner.

- "Mes seigneurs et mes seigneuses, vous allez avoir le plaisir d'entendre notre bon camarade Doyen, des principaux cabarets de Montmartre, dans ses éblouissantes créations."

Le vieux chanta, d'une voix sépulcrale. Jean Cholet s'était installé à la table de Lulu, qui collait l'enveloppe de sa lettre et qui lui lançait à la dérobée des regards curieux.

- "Une menthe verte ? demanda la patronne.

- J'aimerais mieux autre chose.

- Un petit cherry ?"

Il faisait très chaud. Des clients entrèrent. Layard pilotait chaque nouveau venu en débitant des plaisanteries sur son compte et, quand il revenait à sa place, il adressait à Cholet une oeillade complice. Ainsi le jeune homme qui, la veille, avait mis pour la première fois les pieds à L'Âne Rouge, était déjà considéré comme un vieil ami de la maison. Il était assis à la table des artistes. On l'appelait par son nom. Après le tour de chant de Doyen, le pianiste s'approcha à son tour, tendit la main.

- "Ca va ? J'ai rapporté la gabardine."

Il avait le visage blafard, les yeux cernés, les lèvres décolorées et, du haut de l'estrade, quand ses doigts couraient sur les touches, il regardait les clients avec une hautaine indifférence.

- "Quart Vichy !" commanda-t-il.

Il n'avait pas fallu plus d'une demi-heure pour remplir la salle. Les gens parlaient fort. Les femmes riaient. Le piano reprenait ses ritournelles.

- "Notre gracieuse divette, Lulu d'Artois, va nous dire ... Au fait, que vas-tu nous dire, petite ?"

Elle n'était pas jolie, mais elle avait un air gentil, timide, un peu morose. Contre toute attente, le cherry avait fait disparaître les dernières traces du malaise de Cholet qui en commanda un autre, pour s'aider à trouver ce qu'il était venu chercher, car il était déçu. L'atmosphère était la même que la veille. De la soie rose tamisait les lumières et la salle baignait dans une pénombre moelleuse. Le cherry était sur la table, avec ses pailles blondes. Lulu quittait l'estrade au milieu des applaudissements et venait se rasseoir près de lui.

- "Vous connaissez Speelman ? lui demanda-t-il.

- Bien sûr. J'ai travaillé avec lui pendant deux ans." ... [...]
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Dans les rues, on sentait encore la fraîcheur humide des pluies de la veille. À l’ombre, les pavés gardaient des traces de mouillé et toute cette buée à moitié transparente qui montait dans le soleil intensifiait les bruits, surtout ceux des tramways et des grues du port.
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Vous viendrez ce soir ? questionna la patronne.Vous étiez trop soûl pour entendre les artistes. Vous verrez Lulu et vous m’en direz des nouvelles. Elle a été à la Cigale...
— Je rapporterai l’imperméable, dit-il.
— C’est cela. Encore un peu de menthe ?
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Sa mère avait pleuré, aussi, mais ce n’était pas la même chose. Elle pleurait comme on rit, ou comme on chante, pour rien, pour le plaisir de pleurer. Elle était malheureuse par goût. (p. 20)
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Quel grand écrivain est l'auteur de près de 200 romans, l'inventeur de 8 000 personnages, et surtout, par quel livre pénétrer dans ce palais colossal ?
« La neige était sale », de Georges Simenon, c'est à lire au Livre de poche.
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