Je me souviens de mes appréhensions avant de lire ce
petit éloge de la rupture : le sujet m'étonnait, surtout dans le cadre d'un éloge, moi qui aurais plutôt tendance à craindre ce phénomène. Finalement, j'ai beaucoup aimé ce texte, lors de ma première découverte comme lors de cette relecture.
Brina Svit joue de la rupture tant dans la forme de son écrit que dans son contenu, comme l'annonce d'emblée la citation de
Cioran en exergue :
Il ne faut écrire et surtout publier que des choses qui fassent mal, c'est-à-dire dont on se souvienne. Un livre doit remuer des plaies, en susciter même. Il doit être à l'origine d'un désarroi fécond, mais par-dessus tout, un livre doit constituer un danger. [p. 9]
Pour susciter ce « désarroi fécond », l'auteure fait jouer plusieurs récits et textes dans son livre, qu'elle entrecoupe les uns par les autres. Cela commence avec une première rupture, celle de son ordinateur qui a rendu l'âme avant qu'elle ait sauvegardé le début de l'histoire qui devait constituer son petit éloge. Elle la reconstituera malgré tout et la continuera jusqu'à la fin. Cette rupture entre « Elle » et « Lui » est interrompue à plusieurs reprises par d'autres récits-témoignages de
Brina Svit, comme celui de son choix d'écrire en français, et non plus seulement dans sa langue maternelle, le slovène. Ce qui coupe le texte, c'est également l'intervention d'autres voix que celle de l'auteure : celle-ci a invité son amie,
Elisabeth Barillé, avec qui elle a vécu une rupture amicale à en parler dans ce petit éloge sous forme d'une conversation. Elle souhaitait également faire intervenir son éditeur,
Richard Millet, mais cela ne se fera pas. Sont enfin insérés des fragments de
Gil Courtemanche. Si cette forme très éclatée avait en effet créé un certain désarroi chez moi la première fois, elle m'avait aussi charmée. On n'y trouve pas de phrases « à la RM » (=
Richard Millet), mais la langue n'en est pas moins fluide et très belle dans certains passages.
Ce qui m'a marquée dans ce petit éloge, c'est la diversité des ruptures mises en scène et l'aspect positif qui y est conféré : elle est présentée comme un nouveau départ possible, notamment. J'aurais pu dire avec
Brina Svit « moi qui ai eu pendant longtemps peur de la rupture » [p. 29] avant ma lecture : à présent, même si ce sentiment persiste, j'essaie de l'envisager autrement et de repenser à ces « charmants » textes qui coupent et tranchent les uns dans les autres.
Un petit éloge très réussi, qui met en scène son thème tant dans sa forme que dans son contenu.
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