Longue nouvelle ou court roman de jeunesse comme on voudra écrit en 1852, premier personnage tolstoien, Dimitri Nekhludov à apparaître qui n'est que l'ombre de lui-même, lequel raconte ses premiers pas dans le monde paysan, multiplie les visites, entend la demande lalente des mille âmes qu'il a eu en héritage et dont il est bien décidé à améliorer la condition.
Plus il s'entête dans ses visites, plus ses belles illusions s'envolent, non pas que ses idées ne soient pas bonnes ou que la tâche immense le rebute, mais il est risible qu''à son âge : 19 ans, il veuille tout régenter et ait l'autorité suffisante pour en découdre avec ses sujets qui ne se montrent pas toujours raisonnables ou coopératifs. La situation agraire que certains de ceux-ci lui rapportent, parfois même avec insistance n'est pas toujours conforme à la réalité et cela l'exaspère, car ce n'est pas conforme à ses idées morales.
In situe, on est parfois bien loin des requêtes apocalyptiques présentées au manoir du Maître.
On peut être sûr que les plus malins d'entre eux formeront les koulaks de demain.
On dirait aujourd'hui que le jeune seigneur Nekhludov est en "immersion" dans le monde paysan qu'il lui échoit presque par défaut et s'aperçoit en fait qu'il a beaucoup de choses à apprendre, qu'il ne le connaît pas vraiment. Il exprime parfois le sentiment de vouloir être comme eux, de se rapprocher de la nature à laquelle sont assujettis les âmes qui y vivent, s'enflamme à la vue d'une jolie paysanne, plantureuse et aussi vite évacue cette tentation dont il sait que c'est une mauvaise pente.
Tolstoï a eu une
enfance choyée loin des moujiks, même si Iasnaïa Poliana, le domaine dont il échoit était de tradition familiale ouvert à eux. Ensuite on l'enlève de son milieu pour le placer à Kazan à l'Université à quelques centaines de verstes de là. Il va en sortir avec de vraies questions sur le monde qui l'attend dans son périmètre natal, en tout cas avec de vrais défis pour le jeune propriétaire dont il entend endosser la responsabilité pleine et entière..
L'année 1852 est pour Tolstoï, au delà de son engagement militaire qui l'amène au Caucase où il a failli se faire tuer, correspond à ses vrais débuts littéraires. Il publie tour à tour :
Enfance, La Matinée d'un seigneur, Incursion.
Très vite il va se faire connaître en Russie grâce à
Enfance. A partir du 13 septembre 1852, il écrit La Matinée d'un seigneur en 2 mois, puis la nouvelle l'Incursion ou Récit d'un volontaire
Il écrit à sa tante A. Ergolskaia - qui fut une bonne et brave mère de remplacement, elle se comporta comme une vraie mère, aimante (*)- en cette année 1852, qu'il n'écrit pas par ambition mais par goût."Je trouve mon plaisir et mon utilité à travailler et je travaille. Quoique je sois bien loin de m'amuser, je suis aussi bien loin de m'ennuyer, parce que je suis occupé.." S'il le dit, on peut le croire, à vérifier tout de même s'il ne dira pas autre chose après !..
(*) On peut dire que toute l'
enfance de Tolstoï touchée par la mort de sa mère, il avait deux ans, fut préservée et comblée par la générosité de sa tante Ergolskaïa. il fera ce travail de deuil ultérieurement. Par rétrospection, il écrira cela dans
Enfance .. de manière tendre et poignante. Quoiqu'il en soit de cette absence précoce, il restera une béance, une angoisse existentielle qui nourrira sa déchirure.