Difficile pour l'inconditionnelle d'
Oscar Wilde, que je suis; d'émettre une critique sans me vautrer dans la prosternation. Mais bon...
L'aristocratie anglaise, frileuse et passéiste, de cette fin de 19ème siècle n'a pas pardonné au magnifique dandy Irlandais de l'avoir snobée, percée à jour, moquée, agacée. Pensant redorer son blason et récupérer de sa superbe, elle s'est réjouie de son emprisonnement en 1897. Peine perdue car un siècle plus tard, c'est bel et bien l'esprit d'
Oscar Wilde qui demeure et l'emporte sur leur inconsistance.
Au sujet de cette pièce, dont la première a eu lieu le 3 Janvier 1895, A.B. Walkley dans le Speaker, écrivait en conclusion de sa critique : "Il n'en reste pas moins vrai que cette pièce de M. Wilde est non seulement indigeste, indigente et stérile mais encore fondamentalement vulgaire."
Mais, fi de ce cul-serré de Walkley ! Retenez plutôt ceci :
"La critique de
George Bernard Shaw, publiée dans la Saturday Review du 12 Janvier, présente l'intérêt de fournir le point de vue d'un Irlandais sur la pièce. Shaw commence par dire que la pièce
De Wilde est "un sujet dangereux à traiter, parce qu'elle a la propriété de rendre sots ses critiques.
.......En un sens, M. Wilde est selon moi le seul véritable dramaturge. Il joue avec tout : avec l'esprit, la philosophie, le genre dramatique, les acteurs et le public, avec le théâtre tout entier."
Il ajoute que les Anglais redoutent que ne soient menacés "les fondements de la société quand l'esprit de sérieux est publiquement ridiculisé. Et pour rendre la situation encore plus étrange, M. Wilde est le dramaturge le plus sentimental de notre époque".
Shaw voit également de la modernité dans l'affirmation par Sir Robert de son individualité propre, dans le désir courageux d'assumer la responsabilité de ses méfaits, "face à l'idéalisme mécanique de son épouse si sottement vertueuse", et dans sa critique virulente d'un amour qui n'est que la récompense du mérite.
Enfin, Shaw insiste sur les origines irlandaises
De Wilde et observe que "la valeur littéraire de la pièce, le bon sens imperturbable et le savoir-vivre avec lesquels M. Wilde fait de l'esprit pour séduire un public relativement stupide (les Anglais), ne peuvent pas tout à fait dissimuler le fait que, de tous les pays, l'Irlande est celui qui est le plus étranger à l'Angleterre, et que, pour un Irlandais, il n'y a rien au monde de plus délicieusement comique que le sérieux des Anglais"
Pour ma part, j'ajouterai que ce qui est extraordinaire et, bien que ce ne soit pas nécessaire, confirme son immense talent, est que le génie, les mots, le sel, de cet auteur, résolument libre et intemporel, demeurent accessibles à toutes et tous.
Nul besoin d'avoir traîné sur les bancs d'une Fac Littéraire pour le lire, le comprendre et l'aimer.