Marceline Desbordes-Valmore

Quelle belle référence qu'un hommage par le maître autrichien de la littérature, quand bien même si le jeune Stefan Zweig n'avait que 21 ans lorsqu'il a entrepris de manifester son admiration sans bornes pour la grande poétesse française Marceline Desbordes-Valmore.
Son enthousiasme juvénile pour ce phénomène littéraire tranche avec l'approche plus raisonnée de ses biographies ultérieures comme celles d'Érasme, Balzac ou Magellan.
Rien d'étonnant donc si l'essayiste Olivier Philipponnat a intitulé sa belle préface de cette oeuvre : "Un amour de Zweig".

Il ne s'agit donc pas d'une biographie émanant d'un historien professionnel avec une multitude de notes de bas de page, mais l'émerveillement du jeune Zweig pour sa muse est tellement rafraîchissant et attendrissant que l'on veuille bien lui pardonner quelques lacunes et/ou inexactitudes dans le curriculum de la poétesse.

Je dois avouer que moi-même j'ai découvert la poésie de Marceline Desbordes-Valmore il n'y a pas si longtemps, mais en feuilletant ses "Poésies" dans la collection Poésie de Gallimard de 1983, j'ai été pris d'un engouement similaire par la beauté de ses vers. Un sentiment comparable à celui que j'ai éprouvé jadis pour l'oeuvre de Sylvia Plath et Marina Tsvétaïéva.
C'est triste que cette artiste ne figure en Flandre pas au programme de l'enseignement secondaire comme en France. D'autant plus que Douai où elle est née en 1786 ne se trouve finalement qu'à 135 kilomètres de Bruxelles.
En juste compensation, je viens de me commander son roman "Les Petits Flamands" présenté et commenté par Marc Bertrand.

Je ne vais pas répéter ce que vous avez appris à l'école sur la vie de Marceline, juste qu'elle est décédée à Paris à l'âge de 73 ans, en 1859, et qu'elle n'a pas eu la reconnaissance littéraire qu'elle méritait par ses contemporains, qui manifestement étaient plus intéressés dans ses liaisons amoureuses réelles et imaginaires.

En revanche, Marceline Desbordes-Valmore a été appréciée et admirée par des auteurs et poètes illustres, tels Hugo, Balzac, Lamartine, Dumas, Vigny.....
Pour Verlaine elle est "la seule femme de génie et de talent de ce siècle" et Baudelaire a estimé qu'elle a été "à un degré extraordinaire l'expression poétique de toutes les beautés naturelles de la femme".
C'est d'ailleurs la lecture d'un essai de Baudelaire dans lequel il affirmait qu'elle "est et sera toujours un grand poète" qui a piqué la curiosité de Stefan Zweig.

Et qu'est-ce que la directement concernée elle-même pensait de tout cela ? Olivier Philipponnat dans son introduction cite une lettre de Marceline d'octobre 1836 où elle se croit une "bien ignorante et bien inutile créature". Mais elle a aussi noté le splendide aveu : "Il n'y a rien d'aussi sincère que mon coeur."

Dans une lettre à Charles-Augustin Sainte-Beuve d'avril 1834, elle précise :
"Car je suis une faible femme,
Je n'ai su qu'aimer et souffrir ;
Ma pauvre lyre, c'est mon âme..."
(page 293).

Il y a un siècle exactement que "Vie d'une poétesse" (le sous-titre) a été publié, en janvier 1921, une bonne occasion donc pour commémorer cet heureux événement.
J'ai 2 autres excellentes raisons pour vous recommander vivement cet ouvrage : les nombreuses citations ou perles de Marceline Desbordes-Valmore et un Stefan Zweig motivé et lyrique !

Biographie de Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859), poétesse à la vie et à la poésie tragiques.
Zweig ne cherche pas à être exact, ne fait pas oeuvre scientifique, peu de dates, d'analyses. Il fait preuve d'empathie, cherche à célébrer, à réhabiliter une écrivaine un peu oubliée et dénigrée au début du XXème siècle, époque où Zweig commence à rédiger cette biographie.
Une vie tragique, une victime née qui se bat malgré ses déboires : orpheline, malheureuse en amour, perte de quatre enfants sur cinq. Elle appartient aux vaincus de l'Histoire comme les aime Zweig.
Autodidacte, elle écrit des vers simples, tragiques sur l'amour, la maternité, le deuil, la nostalgie. Passionnée, hypersensible, entière, prête au sacrifice, exigeant un amour total, entier elle effraie son amour de toujours auquel elle dédie nombre de ses poésies. Ses vers incarnent la douleur romantique sans l'emphase.
L'écriture de Zweig qui sait souvent être juste et précise est ici particulièrement vieillie, ampoulée, emphatique.