Camille Moreau/5
1 notes
Résumé :
Peut-on faire l'amour avec des mots ? Comment ensorceler ses amant∙e∙s par le discours ? Peut-on prendre plaisir aux livres érotiques si l'on n'a jamais vécu soi-même d'expérience sexuelle ? Y a-t-il un lien entre l'amour des livres et la liberté sexuelle ? Les auteurs de littérature érotique sont-ils tous des obsédés ?
À travers cet essai littéraire et philosophique, Camille Moreau tend à démontrer que certes le texte accompagne l'expérience érot... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1)
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Brillant essai sur le rapport entre le texte, l'écriture, la lecture et l'expérience érotique. L'auteur explore les enjeux et l'utilité de la littérature érotique, fouille les ressorts psychologiques qui nous font aller dans un va-et-vient permanent et jouissif du texte érotique à l'expérience érotique vécue et de l'expérience vécue au texte érotique dans un enrichissement permanent.
Tous les genres d'écriture sont abordé, du roman fictionnel, au récit plus ou moins autobiographique, du journal intime à la correspondance, de la lettre d'amour au mail ou au SMS qui fleurit sur les réseaux sociaux.L'essai est très documenté.
De nombreux auteurs et ouvrages sont convoqués et cités avec moult extraits, principalement : Roland Barthes « Fragments d'un discours amoureux », Kierkegaard « Journal du séducteur », Belinda Cannone « L'Ecriture du désir », Lou-Andreas Salomé « L'Erotisme », Nancy Huston « L'Espèce fabulatrice », Vladimir Jankélévitch « L'aventure, l'ennui, le sérieux », Annie Ernaux « Passion simple » et la réponse de Alain Gérard à Annie Ernaux « Madame, c'est à vous que j'écris », Françoise Rey « La Femme de papier », Emma Becker « Mr », Marie Nimier « La Nouvelle pornographie », Serge Tisseron « L'Intimité surexposée », et bien d'autres, Pauline Réage, Anaïs Nin, Catherine Millet, Franz Kafka, Julia Kristeva, Esparbec, Philippe Brenot , Pierre Guiraud, etc.
L'auteure se mouille elle-même dans son essai puisqu'elle admet être passionnée par la littérature érotique et être partie d'une quête personnelle pour construire son ouvrage. La lecture demande une certaine concentration mais cela en vaut la peine. Que l'on soit chaste ou pratiquant sexuel invétéré, le sujet est universel et nous concerne tous et toutes, impossible en lisant cet de ne pas se sentir concerné, interpelé, émoustillé, car, pour reprendre l'une des citations du livre, celle-ci de Jean-Luc Marion dans le Phénomène érotique :
« de l'expérience érotique, nous ne savons pas la même chose, mais nous en savons tous autant ».
Et encore, de Camille Moreau cette fois :
"En érotisme, toutes les expériences se valent, il n'y a pas de chose telle que « l'expert », justement car les apprentissages personnels vécus individuellement sont ce qui détermine la nature de la globalité de l'érotisme. C'est l'ensemble des expériences vécues par les individus qui fait sa vérité."
Lisez cet essai. Et si après sa lecture l'envie vous prend d'une correspondance par exemple, alors lancez-vous, c'est que l'ouvrage aura porté ses fruits. Voir extraits en citations.
Tous les genres d'écriture sont abordé, du roman fictionnel, au récit plus ou moins autobiographique, du journal intime à la correspondance, de la lettre d'amour au mail ou au SMS qui fleurit sur les réseaux sociaux.L'essai est très documenté.
De nombreux auteurs et ouvrages sont convoqués et cités avec moult extraits, principalement : Roland Barthes « Fragments d'un discours amoureux », Kierkegaard « Journal du séducteur », Belinda Cannone « L'Ecriture du désir », Lou-Andreas Salomé « L'Erotisme », Nancy Huston « L'Espèce fabulatrice », Vladimir Jankélévitch « L'aventure, l'ennui, le sérieux », Annie Ernaux « Passion simple » et la réponse de Alain Gérard à Annie Ernaux « Madame, c'est à vous que j'écris », Françoise Rey « La Femme de papier », Emma Becker « Mr », Marie Nimier « La Nouvelle pornographie », Serge Tisseron « L'Intimité surexposée », et bien d'autres, Pauline Réage, Anaïs Nin, Catherine Millet, Franz Kafka, Julia Kristeva, Esparbec, Philippe Brenot , Pierre Guiraud, etc.
L'auteure se mouille elle-même dans son essai puisqu'elle admet être passionnée par la littérature érotique et être partie d'une quête personnelle pour construire son ouvrage. La lecture demande une certaine concentration mais cela en vaut la peine. Que l'on soit chaste ou pratiquant sexuel invétéré, le sujet est universel et nous concerne tous et toutes, impossible en lisant cet de ne pas se sentir concerné, interpelé, émoustillé, car, pour reprendre l'une des citations du livre, celle-ci de Jean-Luc Marion dans le Phénomène érotique :
« de l'expérience érotique, nous ne savons pas la même chose, mais nous en savons tous autant ».
Et encore, de Camille Moreau cette fois :
"En érotisme, toutes les expériences se valent, il n'y a pas de chose telle que « l'expert », justement car les apprentissages personnels vécus individuellement sont ce qui détermine la nature de la globalité de l'érotisme. C'est l'ensemble des expériences vécues par les individus qui fait sa vérité."
Lisez cet essai. Et si après sa lecture l'envie vous prend d'une correspondance par exemple, alors lancez-vous, c'est que l'ouvrage aura porté ses fruits. Voir extraits en citations.
critiques presse (1)
Dans Lire, écrire, jouir, elle approche ce mystère du lien entre expérience érotique et expérience littéraire avec les outils de la philosophie esthétique.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (4)
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EXTRAIT DE LA CONCLUSION :
Car qu’est-ce que la chair du texte ? La chair du texte, c’est quand je m’exclame que je vis un amour comme dans les romans, c’est la fascination totémiste pour les écrivains, c’est l’image que fait naître la lecture d’un passage et qui trouble mon corps entier, c’est le mot prononcé par l’autre qui me fait entièrement tomber sous son charme, c’est le paragraphe qui pour la première fois me montre que telle expérience est possible, c’est la lettre que je serre fort dans ma poche pour sentir la présence de son expéditeur contre moi, c’est ce qui me pousse à caresser amoureusement la couverture d’un livre aimé, c’est le journal que je brûle d’écrire en sortant de chez ma maîtresse, c’est ce qui me fait trouver un plaisir incroyable à un jeu de mots bien tourné ou à une phrase particulièrement juste… C’est tout cela, et tous ses dérivés, c’est l’amour de la vie d’aventure et le goût de la beauté, c’est l’amour de l’amour et l’amour du plaisir qui se manifestent dans l’amour des livres. La chair du texte se manifeste à chaque fois que quelqu’un prend plaisir à une lecture, à chaque fois qu’un corps est émoustillé par des mots licencieux, à chaque fois que l’on parle d’aventure érotique ou d’histoire d’amour. Ainsi se rencontrent expérience érotique, la pulsion d’écriture, et le goût des plaisirs textuels et sexuels, témoignant incontestablement que tant qu’il y aura des livres, la chair ne sera jamais triste.
Car qu’est-ce que la chair du texte ? La chair du texte, c’est quand je m’exclame que je vis un amour comme dans les romans, c’est la fascination totémiste pour les écrivains, c’est l’image que fait naître la lecture d’un passage et qui trouble mon corps entier, c’est le mot prononcé par l’autre qui me fait entièrement tomber sous son charme, c’est le paragraphe qui pour la première fois me montre que telle expérience est possible, c’est la lettre que je serre fort dans ma poche pour sentir la présence de son expéditeur contre moi, c’est ce qui me pousse à caresser amoureusement la couverture d’un livre aimé, c’est le journal que je brûle d’écrire en sortant de chez ma maîtresse, c’est ce qui me fait trouver un plaisir incroyable à un jeu de mots bien tourné ou à une phrase particulièrement juste… C’est tout cela, et tous ses dérivés, c’est l’amour de la vie d’aventure et le goût de la beauté, c’est l’amour de l’amour et l’amour du plaisir qui se manifestent dans l’amour des livres. La chair du texte se manifeste à chaque fois que quelqu’un prend plaisir à une lecture, à chaque fois qu’un corps est émoustillé par des mots licencieux, à chaque fois que l’on parle d’aventure érotique ou d’histoire d’amour. Ainsi se rencontrent expérience érotique, la pulsion d’écriture, et le goût des plaisirs textuels et sexuels, témoignant incontestablement que tant qu’il y aura des livres, la chair ne sera jamais triste.
Même lorsqu’on est en désaccord avec l’action ou les décisions des personnages – et cela peut souvent être le cas dans la littérature érotique, les penchants sexuels étant aussi variés que les individus -, ce jeu se révèle payant, car la lecture conduit le lecteur à prendre les livres comme des modèles, mais aussi comme des obstacles pour son propre devenir, dans une dynamique permanente d’adhésion ou de refus. Le dégoût sert aussi à nous montrer ce que jamais – ô grand jamais - nous ne voudrions essayer, modelant ainsi notre futur et notre présent au rythme des phrases. Pour peu que nous prenions au sérieux ce qui se passe en nous lors de la lecture, celle-ci peut devenir un formidable outil d’émancipation.
Mais ce n’est pas la seule manière dont la littérature érotique agit sur le lecteur pour le transformer. Elle permet également d’avoir accès à la fantasmagorie d’un autre, pleinement exprimée, libérée des entraves d’expression que nous rencontrons dans la vie quotidienne. Ce que nous rencontrons dans un texte, c’est tout d’abord une certaine idée de l’altérité.
Mais ce n’est pas la seule manière dont la littérature érotique agit sur le lecteur pour le transformer. Elle permet également d’avoir accès à la fantasmagorie d’un autre, pleinement exprimée, libérée des entraves d’expression que nous rencontrons dans la vie quotidienne. Ce que nous rencontrons dans un texte, c’est tout d’abord une certaine idée de l’altérité.
A travers mes recherches j’ai rencontré toutes sortes d’usages érotiques du langage et du texte : la fascination fétichiste pour l’objet livre, la correspondance amoureuse, l’imaginaire érotique collectif construit sur des récits séculaires, l’usage du nom de l’être aimé comme talisman, la confession, la confidence, pour n’en nommer que quelques-uns. Il y a de multiples manières d’interagir érotiquement avec le texte, qui ne se résument pas aux seuls actes de lecture et d’écriture, mais à d’autres postures qui érotisent le texte au-delà du seul signifiant. La lecture a le pouvoir de nous révéler notre propre chair. Ce que je propose dans cet essai se déplie donc en trois projets : explorer les relations d’interdépendance entre texte et expérience érotique, définir la nature du plaisir pris au texte, et enfin identifier cette chair du texte, cet indéterminé, cette inconnue dans l’équation, ce je-ne-sais-quoi qui fait que nous jouissons de l’écrit. Afin d’éclairer le désir d’écrire, et d’écrire le désir.
Si la littérature est pleine de récits érotiques, l’expérience érotique est elle aussi pleine de littérature. Tout ceci contribue à démasquer les intentions derrière le désir de texte, qui est fondamentalement un désir d’amour, voire un désir de désir. Divers échanges entre vie littéraire et vie amoureuse se manifestent, et il s’agira de les dénombrer, de les examiner à la lumière de cette hypothèse : que le texte littéraire, dans le sentiment érotique, revêt une importance plurielle qui se manifeste par une relation d’interdépendance entre écriture, lecture et expérience.
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