En lisant
Proxima du centaure, reçu dans la perpective de la rencontre avec
Claire Castillon, je me suis interrogé sur sa dénomination roman jeunesse.
Rien dans ce roman, me semble-t-il, ne permet de l'identifier avec la certitude d'un éditeur madré à un roman pour la jeunesse...
Dès les premières lignes, on comprend de quoi il retourne, quand «...Mrs Blandin la remet à sa place à cause de son fou rire...»
La difficulté à communiquer des adolescents avec les adultes, et vice-versa. L'écriture de
Claire Castillon évoque avec merveille des situations qui nous renvoient à nos souvenirs d'adolescents, mais aussi à nos souvenirs de parents...
L'humour forcé des parents pour faire «djeunes» et en retour les blagues féroces mais frappées au coin du bon sens qu'ils ne capteront jamais :
«En se concentrant vraiment pour sortir le plus de conneries possible, mes parents ont habilement évité qu'on leur annonce quelque chose de sérieux comme...»
Wilco, un jeune homme de 15 ans, né en 1999, est le fils de Sylvie prof d'arts plastiques et de Guy prof d'histoire géo et instruction civique.
Il a une soeur, Andréa, d'un an plus âgée que lui, et une cousine plus jeune Prudence.
Il est éperdument mais secrètement amoureux d'Apothéose une fille qui a décidé de s'appeler Marylin Minnesota pendant les 5 heures par semaines du cours d'anglais qu'ils suivent ensemble avec Mrs Flandrin : «Ses lunettes sont la partie de son corps que je préfère. Elles l'agrandissent. Elle la recadrent. C'est un plomb dans ma tête cette fille...»
Le destin le lie à jamais à cette fille, lorsqu'en se penchant à sa fenêtre pour la voir passer, comme il le fait chaque jour depuis deux mois, il tombe et se retrouve en réanimation, avec un pronostic des plus graves : «...il est peu probable que je puisse retrouver la position verticale. A priori. Ils ont dit «à priori» observe ma mère.»
De son lit d'hôpital, Wilco observe les siens, et cherche à les comprendre, à comprendre leurs faiblesses, leurs mensonges, leurs certitudes et parfois leur indifférence pour ne pas dire mépris des autres.
Ses parents «qui exigeaient un Scrabble ou un
Trivial Pursuit et sûrement pas un pictionary, après une journée de plage, une visite du musée de l'Eau et une virée à la bibliothèque municipale plutôt qu'un tour au ciné où on jouait le nouveau Disney (société américaine de cons).
Les parents de son ami Vadim, «Nadège et Jérôme vont au Karaoké (...) pour mes parents c'est intéressant d'un point de vue sociologique, mais très ennuyeux dans la réalité.»
Son oncle Lionel, le père de Prudence, « L'oncle Lionel avait tenu à faire un concert de guitare. Il avait même imprimé une affiche, Lionel guitariste. Marie-Noëlle criait «gâteaux gratuits !» dans l'espoir que les gens achètent son CD.»
Ces adultes qui cherchent à vivre les rêves auxquels ils ont renoncés tout en empêchant leurs enfants de vivre les leurs.
Depuis sa chambre d'hôpital, Wilco construit un univers dont le personnage central, est Apothéose. Il charge son ami Vadim d'organiser une visite d'Apothéose à l'hôpital. Il imagine les déambulations d'Apothéose dans la ville, ses pensées, ses sentiments pour lui «Elle s'imagine que l'hôpital est un rassemblement de radeaux, que les malades enfermés là luttent contre une tempête, mais elle sait que dans le paquebot, un jeune-homme veille. C'est moi.»
Il capte le désespoir des autres, comme celui du voisin «dont le passe-temps consiste à tondre sa pelouse. (...) Après il caressait longtemps sa tondeuse avec un chiffon. Il huilait sa lame avec délicatesse, comme il l'aurait fait, avant, dans une autre vie, avec les pieds d'une femme, le pouet-pouet d'un chien ou la marionnette d'une petit fille.»
Exclu de sa propre vie, Wilco apprends à comprendre la vie des autres, acquiert le regard éloigné de celui qui va partir, mais que l'on n'oubliera jamais. «Je sais que je resterai à l'arrière de la voiture de mes parents, même après ma mort»
Un livre bouleversant, dont je ne saurai dire si c'est un roman jeunesse ou adulte, mais qu'importe,
Claire Castillon a réussi à parler de l'amour, de la mort, de la séparation, du bonheur avec des mots simples, sans emphase, avec humour pour notre plus grande joie.
Un livre à lire. Merci Babelio et Flammarion pour cette découverte inattendue et inespérée.
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