Cette biographie de François d'Assise n'est pas celle d'un historien. Ce n'est pas plus l'hagiographie du Saint dont chacun connaît la renommée.
Frère François n'est pas tout à fait un roman non plus, trop proche de son sujet, trop attentif à ne pas trop s'éloigner de la vérité.
Frère François est un portrait sans doute, une légende plus sûrement, au sens que le mot revêtait justement au Moyen Âge de « récit destiné à la lecture ». C'est le récit de la vie que
Julien Green nous offre de Giovanni (pour sa mère d'origine française) ou Francesco (pour son père italien).
Ainsi, à La légende des trois compagnons, texte des amis de François (Ange, Rufin et Léon), vient s'ajouter celle de Julien. Green, en effet, nous conte ici moins l'histoire d'un Saint, que celle d'un homme (quoique celui qu'il a « toujours le plus admiré ») ; certes Frère, mais de tous par l'amour de ses prochains auxquels il choisit de se consacrer. Et frère encore, frère peut-être avant tout, en ce qu'il nous ressemble, partage notre condition, nos ambivalences, nos errements, nos fautes même, nos faiblesses… et pourquoi pas nos qualités ?
Non pas, donc, la vie d'un homme extraordinaire ; même si, bien sûr, on mesure, lisant la vie de Fransesco, le destin exceptionnel de ce petit frère (parler de grand homme pour François serait un contre sens), de « cet enfant qui réussit presque à faire triompher l'idéal », de celui qui, parti pour restaurer un sanctuaire délabré, rendit à l'Église (qui se perdait dans ses trois fameuses concupiscences : puissance, savoir, richesse) l'éclat du juste et la noblesse du pauvre (qu'on ne confond pas avec le misérable, qui souffre de ses manques ; le pauvre est celui qui se contente de peu).
Rappeler que François est le frère de tous, n'est-il pas aussi une invitation à penser que, chacun peut l'être à son tour ? Une méditation sur le sens de nos vies pleines de futilité ? Une interrogation sur notre relation à
l'autre, encombrée de préjugés ? Ne nous appartient-il pas, une fois initié, de rompre avec la facilité, l'égoïsme, le goût du confort et de la superficialité, de la richesse derrière laquelle se cache toujours la tromperie, le mensonge, l'illusion… pour mieux nous rapprocher de nos soeurs et frères ? Ce chemin ne fut, sans doute, pas moins considérable pour le fils d'un riche drapier il y a 800 ans que pour chacun de nous qui pouvons lire son histoire…