Dans
Les émeutiers,
Philippe Huet relate l'une des grandes pages de l'histoire du mouvement ouvrier écrite au Havre, en 1922. Après la boucherie patriotique au cours de laquelle les grandes fortunes se sont bâties grâce à la vente d'armes, la journée de 8h00 passe mal auprès des patrons : “Le patronat pleure sur la loi des huit heures de travail – votée en 1919 -, qui le crucifie, gémit sur les bénéfices perdus et les dividendes écornés, ne pense qu'à rogner sur les salaires pour s'en sortir”. En représailles, les patrons baissent les salaires de 10 %, espérant une révolte qu'ils pourront mater et citer en exemple de leur intransigeance : “Ils misent sur les dissensions entre courants réformistes et révolutionnaires, sur le désarroi du militant de base confronté à un tumulte politico-idéologique qui le dépasse".
Les métallos entament une grève très populaire auprès de l'opinion publique, qui s'étend rapidement à d'autres secteurs de l'économie jusqu'à la grève générale, chacun ayant bien conscience que ce ballon d'essai patronal n'est que le premier pas vers une régression sociale généralisée.
La première scène du roman est poignante. Des enfants de grévistes que leurs parents ne peuvent plus nourrir, sont réunis en convois pour être envoyés, grâce à la solidarité de classe, dans des familles d'accueil qui les hébergeront dans l'attente de jours meilleurs.
Philippe Huet a créé des personnages représentatifs du mouvement, un ouvrier dont la femme se suicide par désespoir, un jeune journaliste qui couvre les événements, un policier parallèle, nervi bénallien à la solde du pouvoir, aux méthodes supra-légales couvertes. Il a également donné un rôle à Louis-Ferdinand Destouches, que bon nombre de ses patients ont surnommé “le médecin des pauvres”. Si
Philippe Huet précise que le faire figurer dans son roman n'est que pure fantaisie de sa part, il n'en reste pas moins vrai que cette fantaisie est compatible avec la biographie de celui qui deviendra Céline.
Nul suspense dans cette page d'histoire à l'épilogue connu : le 26.08.22, les forces prétendument de l'ordre chargent, abattent 4 manifestants. Après 111 jours de grève, les ouvriers reprennent le travail. le 17.11.22, sous la pression des députés de gauche, le président du Conseil, Raymond Poincaré, se résigne à demander l'ouverture d'une enquête parlementaire sur la tuerie institutionnelle. Quatre-vingt-douze ans plus tard, on attend toujours ses conclusions.