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EAN : 9782742775408
197 pages
Actes Sud (30/04/2008)
3.87/5   225 notes
Résumé :
Ils disent, par exemple : Apollon. Ou : la Grande Tenue. Ou : Râ, le dieu Soleil. Ou : Notre Seigneur, dans Son infinie miséricorde. Ils disent toutes sortes de choses, racontent toutes sortes d'histoires, inventent toutes sortes de chimères. C'est ainsi que nous, humains, voyons le monde : en l'interprétant, c'est-à-dire en l'inventant, car nous sommes fragiles, nettement plus fragiles que les autres grands primates. Notre imagination supplée à notre fragilité. San... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (35) Voir plus Ajouter une critique
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Romancière, Nancy Huston prend ici la plume pour rédiger un essai qui se veut délibérément subjectif, sans s'embarrasser d'une documentation savante. C'est rédigé façon Tractatus logico-philosophicus mais en nettement plus léger. L'argumentation se déploie à travers une suite de réflexions, livrées sous forme d'aphorismes et de brefs paragraphes développant chacun un argument. Que nous dit l'auteure ? Eh bien, que l'être humain se définit par les fictions qu'il invente perpétuellement : mythes, épopées, contes, histoires, tout est imagination et narrativité, nous ne pouvons faire autrement que de donner du sens à ce qui nous entoure.
Chaque mot dans ce texte étincelant d'esprit est pesé. Laissons parler Nancy Huston :
– fictions que nos mots… "Le réel est sans nom. le nom "juste" ou "naturel" – d'un objet, acte ou sentiment – n'existe pas." "Aussi loin que l'on remonte dans les étymologies, de mot en mot on ne trouve que d'autres mots, c'est-à-dire d'autres signes arbitraires, découpant le monde, construisant leurs objets au lieu de les trouver." "C'est nous seuls qui les avons engendrés. Ils sont réels puisqu'ils font partie de notre réalité, mais ils ne sont pas "vrais"." "Toute nomination est un acte magique."
– fiction que notre moi… "Je est une fiction." "La conscience, c'est l'intelligence plus le temps, c'est-à-dire : la narrativité." "En pénétrant dans notre cerveau, les fictions le forment et le transforment. Plutôt que nous les fabriquions, c'est elles qui nous fabriquent – bricolant pour chacun de nous, au cours des premières années de sa vie, un soi." "Pour disposer d'un soi, il faut apprendre à fabuler. On l'oublie après, commodément, mais il nous a fallu du temps, et beaucoup d'aide, pour devenir quelqu'un. Il nous a fallu des couches et des couches d'impressions reliées en histoires. Chansons. Contes. Exclamations. Gestes. Règles. Socialisation. Propre. Sale. Dis pas ceci. Fais pas cela."
– fiction que notre identité… "Personnage et personne viennent tous deux de persona: mot bien ancien (les Romains l'ayant emprunté aux Etrusques) signifiant "masque"." "Un être humain, c'est quelqu'un qui porte un masque." "Chaque personne est un personnage." "La spécificité de notre espèce, c'est qu'elle passe sa vie à jouer sa vie."
– fiction que notre mémoire… "Notre mémoire est une fiction. Cela ne veut pas dire qu'elle est fausse, mais que, sans qu'on lui demande rien, elle passe son temps à ordonner, à associer, à articuler, à sélectionner, à exclure, à oublier, c'est-à-dire à construire, c'est-à-dire à fabuler."
– fiction que l'histoire… "Tout récit historique est fictif dans la mesure où il ne raconte qu'une partie de l'histoire".
– il y a de quoi devenir parano… "La peur est la réaction normale de tout animal menacé de mort ; mais le fait de savoir d'avance qu'on va mourir, et de vivre dans la narrativité, change tout." "Les humains interprètent tout, et une de leurs interprétations favorites est la suivante : si j'ai un problème, c'est que quelqu'un m'a voulu du mal" "La paranoïa, maladie de la surinterprétation, est la maladie congénitale de notre espèce."
– et conduire au désespoir… "Le Sens est notre drogue dure" "Le Sens dépend de l'humain, et l'humain dépend du Sens." "Quand nous aurons disparu, même si notre soleil continue d'émettre lumière et chaleur, il n'y a aura plus de Sens nulle part. Aucune larme ne sera versée sur notre absence, aucune conclusion tirée quant à la signification de notre bref passage sur la planète Terre : cette signification prendra fin avec nous."
– mais… "Le fait de croire en des choses irréelles nous aide à supporter le réel."
– et l'acte de fabulation qu'est le roman vient à notre secours… "Seul le roman se déroule exclusivement au plus intime de notre être, à savoir dans notre cerveau. Partant, il nous fait entrer dans le cerveau des autres et nous rend témoins." "A la faveur de la lecture, et de l'identification qu'elle permet aux personnages d'époque, de milieu, de culture autres, l'on parvient à prendre du recul par rapport à son identification reçue. Partant, l'on devient plus à même de déchiffrer d'autres cultures, et de s'identifier aux personnes les composant."
– alors est-ce que je crois à tout ce que dit Nancy Huston ? Non, quand elle écrit que la science ne produit pas de sens, ou que l'association des hommes dans le but d'asservir des femmes serait à l'origine de la civilisation, je n'adhère pas. Mais rappelons-le, il ne s'agit pas d'une oeuvre savante et Nancy Huston est romancière. Elle s'exprime dans un langage plein de poésie et d'humanité, en faisant des variations sur chacun des thèmes abordés. Peut-on lui en vouloir de fabuler un peu ou même beaucoup ?
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Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi vous aimiez tant lire ?
Parce que le roman nous montre la vérité des humains, parce que le roman est civilisateur, en nous donnant d'autres points de vue, d'autres cultures, d'autres manières de voir le monde. Nous nous identifions aux personnages du roman, et nous devenons multiples. Nous acceptons donc la diversité, les autres cultures, les autres fictions.
Voilà le grand message de Nancy Huston dans cet essai salvateur, qui nous réconcilie avec notre condition d'hommes.

Elle retrace notre histoire, ou plutôt les histoires que l'être humain s'est toujours racontées pour créer son identité.
Oui, nous créons continuellement des fictions, nous fabulons. Depuis nos origines, notre nom, notre lignée, notre nation, notre religion, notre race, notre métier, et j'en passe, l'être humain invente des histoires. Il les dit réelles, il les croit réelles, alors qu'il ne fait que répéter ce qu'il a entendu, ce qu'on lui a dit dès sa prime enfance.
« Parce que nous sommes incapables, nous autres humains, de ne pas chercher du Sens. C'est plus fort que nous. Nous sommes les seuls, de toutes les espèces, à savoir que nous sommes nés et que nous allons mourir ». Donc nous avons peur. Donc nous inventons des fictions.
L'amour, la guerre, la religion, l'enfantement...tout est fiction. Il suffit de voir comment ils sont racontés dans d'autres cultures.

« Un être humain, c'est quelqu'un qui porte un masque.
Chaque personne est un personnage.
La spécificité de notre espèce, c'est qu'elle passe sa vie à jouer sa vie.
L'identité est construite grâce à l'identification. le soi est tissé d'autres ».

J'ai adoré cet essai car Nancy Huston nous donne vraiment un message optimiste. Elle part de notre réalité, l'analyse et en tire une conclusion positive, en y mêlant le roman, qui nous aide à « montrer la vérité de tous les humains » tout en ne nous emprisonnant pas, tout en respectant notre liberté de pensée et tout en la magnifiant.
Puisque notre vie est faite de fictions, autant en choisir des riches et belles, celles qui nous portent, nous élèvent et finalement nous rendent fiers d'être Hommes.
A cela, j'adhère totalement.

Je vous invite à lire cet essai très facile et très structuré, il vous aidera à vivre, pas à la manière de ces auteurs qui nous imposent leur vision de la « bonne vie », mais à la manière des philosophes accoucheurs de sens qui nous amènent à réfléchir et à nous libérer de nos entraves intellectuelles.
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Combien de fois n'ai-je pas entendu ma mère s'écrier : « Quoi, tu lis encore ? N'as-tu rien de mieux à faire ? Mais qu'est-ce que tu cherches en lisant tant et plus ? Tu sais, la vraie vie, elle ne se trouve pas dans les livres … » ? Et je ne vous parlerai pas de la mine désemparée de mon compagnon quand il constate que la pile de livres au pied du lit s'est encore élevée de quelques exemplaires …

Dans cet essai poétique, Nancy Huston tente d'expliquer le besoin primordial de l'humanité de fiction. Fiction qui est partout, aussi bien pour répondre au besoin de sens (par le truchement des épopées, des mythologies ou des religions), que dans la construction de l'identité de chacun (depuis notre naissance où nous recevons un prénom déjà hautement chargé en signification et en histoire(s)), dans nos relations aux autres (en leur révélant que les morceaux choisis – par nous – de notre vie présentés selon notre éclairage), dans l'éducation des enfants (au cerveau si malléable et si perméable) … Sans oublier les balivernes, les films qu'on se fait, les projections dans l'avenir, qui nous aident à nous lever le matin et à affronter la vie, le deuil, la maladie.

Mais aussi, les fictions à la base des tabous, des préjugés, de l'histoire officielle pour ici aussi construire l'identité (nationale, culturelle, …) d'un groupe, pour structurer la vie en société (et par là assurer la pérennité de l'espèce), pour cimenter la cohésion sociale, pour pousser les hommes au bout d'eux-mêmes pour le meilleur mais aussi pour le pire. Combien d'attentats, combien de guerres et de génocides basés sur des mauvais scénarios, des mythologies ou des religions détournées ?

Et quel meilleur outil pour la fiction que le roman, qui permet une rencontre intime et silencieuse avec le lecteur, contrairement au cinéma ? Roman qui aide les hommes à exister en tant qu'individu dans une société où le collectif et la pensée unique sont dominants, écrasants. Roman qui nous permet aussi de découvrir les fictions des humains d'autres contrées, d'autres époques, d'autres croyances, et par là nous aident à déceler nos propres fabulations parfois profondément enfouies dans nos entrailles et de prendre de recul vis-à-vis de celles-ci ?

Nancy Huston liste ses réflexions en très courts paragraphes, parfois sans lien entre eux, parfois se faisant écho, ou se répétant dans une autre formulation. Et si c'est un peu déroutant pour un esprit logique et rigoureux, cela ouvre beaucoup d'espaces à la rêverie, à l'imagination, à la digression, à l'extrapolation. Place à la liberté, à l'interprétation, et on est bien loin de l'auteur qui prend le lecteur par la main pour l'emmener là où il veut en arriver. Non, Nancy Huston nous propose son interprétation et ne cherche pas à convaincre à tout prix.

C'est une lecture réjouissante, vivifiante … Outre le fait que Nancy Huston m'éclaire sur (une partie) des raisons de ma boulimie de lecture, et qu'elle m'offre des réponses bien senties aux questions de mon entourage, c'est aussi – et avant tout – un petit (par le nombre de pages) livre qui fait du bien, en nous rappelant que la vie a des sens infiniment multiples et variés, et que notre condition, c'est la fiction. Notre vie est une grande page blanche, un roman: à nous de l'écrire, à nous de le rendre intéressant et d'y tenir le rôle principal.
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Dans cet essai, Nancy Houston, également romancière, tente de répondre à la question : «  A quoi ça sert d'inventer des histoires alors que la réalité est déjà tellement incroyable ? »
Parce que l'Homme a besoin de donner du sens à sa vie. Insérer ses ressentis dans un récit, en faire une histoire, c'est donner du sens. Et ça commence dès la naissance, avec l'attribution d'un prénom et d'un nom. On enfile le costume : nom, prénom, nationalité, classe sociale des parents, couleur de peau, religion. On s'adapte à l'histoire qu'on nous raconte. Tout n'est que fiction. Nancy Houston déroule sa démonstration, à laquelle personnellement j'adhère à deux ou trois exceptions.
Ce texte me permet en tout cas de mettre des mots sur tout ce que je pense de la lecture et de la littérature sans parvenir parfois à le formuler précisément.
Ainsi peut-être ce livre me permettra-t-il aussi de répondre plus clairement à tous ceux qui, le lundi, me demandent « qu'as-tu fait ce week-end ? » et à qui je dis avec enthousiasme « j'ai lu un livre ! », quand ils s'empressent d'ajouter « Ah, tu n'as rien fait alors... ».
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Rien n'est humain qui n'aspire à l'imaginaire (Romain Gary)


En visite dans le club de lecture de la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis, Nancy Huston est interpellée par une détenue: "À quoi ça sert d'inventer des histoires, alors que la réalité est déjà tellement incroyable ?" Cette femme a commis un meurtre, la romancière n'en commet que dans ses livres. Elle décide de chercher une réponse adéquate: cet essai présente les réflexions qui la conduisent vers des éclaircissements.

Cent quatre-vingt pages limpides plus loin, elle donne une ébauche de réponse à la question de la détenue: "C'est parce que la réalité humaine est gorgée de fictions involontaires et pauvres qu'il importe d'inventer des fictions volontaires et riches."

"Car au lieu de s'avancer masquée, comme les millions d'autres fictions qui nous entourent, la littérature annonce la couleur: Je suis une fiction, nous dit-elle; aimez-moi en tant que telle. Servez-vous de moi pour éprouver votre liberté, repousser vos limites, découvrir et animer votre propre créativité. Suivez les méandres de mes personnages et faites-les vôtres, laissez-les agrandir votre univers. Rêvez-moi, rêvez avec moi, n'oubliez jamais le rêve."

Pour en arriver-là, Nancy Huston, sur un mode sec, tranchant, sans fioritures[1], nous envoie à la figure que nous sommes des personnages de fiction, que nous ne le sachions déjà ou que nous le soupçonnions un peu, voire pas du tout, ce qui risque d'être ravageur. Dès le prénom que l'on nous donne à la naissance commence notre fiction. Des histoires et récits divers construisent notre identité dans notre prime jeunesse, et si nous étions né à l'autre bout du monde, nous ne serions pas belge ou français mais australien, protestant et non juif, de droite et non de gauche, que sais-je,... bref nous serions quelqu'un d'autre.

Les grands singes, comme les bonobos par exemple, constatent, enregistrent, réfléchissent et leur cerveau construit l'image d'un monde complet. Ils en tirent tant bien que mal des conclusions, se les communiquent, coopèrent et s'efforcent de survivre de leur mieux. Pour l'espèce humaine, c'est pareil à la différence qu'il y a le pourquoi, notre manie, notre gloire et notre chute. Nous savons que nous sommes nés et allons mourir, nous avons l'intuition de ce qu'est une vie entière, nous concevons la notion de temps. Et notre vie est fondée sur du sens à la différence des autres animaux de la planète. Ce Sens humain − l'auteur choisit d'y mettre une majuscule car il s'agit de notre grand privilège − se construit pour tous à partir de récits, d'histoires, de fictions. Les chimpanzés constatent comme nous la succession des jours et des nuits et s'y adaptent; notre espèce y ajoute des interprétations.

Les religions sont parmi les fictions majeures que l'homme s'est racontées pour répondre à son pourquoi. La science apporte des explications, des raisons à la plupart des phénomènes, mais elle ne répond pas à notre besoin de sens, elle ne détermine pas notre identité, notre Je, notre Soi.

L'approche psychanalytique sait que le soi n'est qu'une construction et cherche dans la parole qui la raconte les failles qui déterminent ce qui s'est mal embrayé dans la mise en place de nos histoires édificatrices.
Les généticiens et les sociobiologistes expliquent depuis peu que ce que l'on appelle fatalité est l'interaction infiniment imprévisible entre le déterminisme et le hasard. On ne peut bâtir une société sur de tels faits pourtant bien réels (dans l'état actuel des avancées scientifiques). Par contre si on dit Vous êtes entre les mains de Dieu, là on peut bâtir. Les explications doivent non seulement donner un modèle du réel mais aussi convaincre. Incontestablement l'approche scientifique répond à la première exigence mais n'est pas suffisante pour ce qui est de satisfaire le pourquoi obnubilant. Et peu importe les histoires auxquelles adhérer: croire en Allah, à une thérapie homéopathique, à une idéologie politique ou à une équipe de football, peu importe, nous les adoptons pour combler notre besoin de sens pour vivre.

Prenez le lieu de naissance de l'auteur: Calgary dans la province d'Alberta dans le pays du Canada dans le continent d'Amérique du Nord sur la planète terre dans la Voie Lactée... Tous ces noms sont des façons de parler, Calgary veut dire "clair de ruisseau", la Voie Lactée n'est ni une voie ni lactée, et ont eux aussi une histoire. Un petit siècle avant la naissance de Nancy, Calgary et Alberta n'existaient pas, le 49è parallèle marquant le frontière sud du Canada n'était pas encore tracé. Ces régions portaient d'autres noms donnés par des indiens, ceux-ci n'étant d'ailleurs des tribus "indiennes" que parce que Colomb croyait se diriger vers les Indes...

Nous vivons de fables religieuses, de fables guerrières (il y a nous et il y a eux raconte-t-on au départ), politiques, intimes comme l'amour et l'amitié, bâtis sur des récits, des mythes eux aussi.

"Il n'y a pas le mythe d'un côté et la réalité de l'autre. Non seulement l'imaginaire fait partie de la réalité humaine, il la caractérise et l'engendre."

Saviez-vous que personne et personnage viennent du mot étrusque signifiant masque ? Chaque être humain est un personnage, la spécificité de notre espèce est qu'elle passe son temps à jouer sa vie. Dit comme cela brutalement, cela peut être déstabilisant, inconcevable presque: "mais enfin il y a ceci cela, mon fils, ma fille, mon frère, mon pays, ma carrière... Tout cela est bien réel." Pour comprendre l'idée, si ce n'est déjà le cas, le plus probant sera de lire "L'espèce fabulatrice", paru chez Actes Sud en 2008 dans la collection Babel. Il ne s'agit pas d'un essai scientifique[2], c'est un livre d'approche très aisée.

Inconcevable disais-je: certaines pages de l'essai peuvent s'avérer difficile à admettre, nous qui croyons être tant − moi je − et il arrivera qu'on ait la sensation de ne pas être vraiment tout ce que l'on se raconte. Et la légère dépossession qui en découle voudra insinuer que cette Huston va quand même un peu loin.

Et pourtant... Lisons-là de près.

[1] Bilingue, vivant à Paris, Nancy Huston a écrit ce texte directement en français.

[2] L'auteur est l'épouse du linguiste et sémiologue Tzvetan Todorov, directeur de recherhe au CRNS.

Lien : http://www.christianwery.be/..
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Citations et extraits (135) Voir plus Ajouter une citation
Personne n'a mis du Sens dans le monde, personne d'autre que nous.
Le Sens dépend de l'humain, et l'humain dépend du Sens.
Quand nous aurons disparu, même si notre soleil continue d'émettre lumière et chaleur, il n'y a aura plus de Sens nulle part. Aucune larme ne sera versée sur notre absence, aucune conclusion tirée quant à la signification de notre bref passage sur la planète Terre : cette signification prendra fin avec nous.
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Absorbés dans la lecture d'un roman, nous sommes plus moraux que lorsque nous agissons en citoyens, en parents, en époux ou en fidèles d'une Église. Tous les événements se déroulant dans le secret de notre âme, nous ne sommes pas menacés par ces êtres verbaux que sont les personnages. Nous les écoutons, souvent, avec plus de tolérance, de curiosité et de bienveillance que les êtres de chair et de sang qui nous entourent -- et non seulement nous leur pardonnons leurs faiblesses, nous leur en savons gré !
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Le penchant inné de notre cerveau pour la narrativité, sciemment exploité depuis toujours par les Eglises, l’est de plus en plus par les médias, les partis politiques, les grandes entreprises et l’institution militaire. Cela s’appelle, en anglais, le storytelling. « Les faits parlent, dit un cynique spécialiste de la chose, mais les histoires font vendre ».

Sous mille formes, sur notre lieu de travail, dans les rues de nos villes, sur l’écran de nos téléviseurs et de nos ordinateurs, l’on nous raconte des histoires prétendument « vraies » et l’on nous demande de nous sentir par elles concernés, bouleversés, personnellement impliqués. Propagande ; désinformation. Par l’émotion que suscitent ces fables simples et édifiantes, l’on nous convainc facilement d’acheter tel produit, de voter pour tel candidat, de s’identifier à telle entreprise, de soutenir telle cause …

La narrativité fait avaler bien des couleuvres.
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Aucun régime politique ne pourra jamais maîtriser ce phénomène-là. Platon aurait beau chasser de sa République poètes et dramaturges ; aucun tyran, dictateur, monarque ou président ne pourra bannir les rêves, cauchemars, fantasmes et délires, toute cette activité fébrile par laquelle notre cerveau concocte des histoires et y prête foi, afin que notre existence soit non seulement une existence mais une vie, afin qu'elle nous semble suivre une trajectoire, correspondre à un destin, avoir un Sens.
Jamais ne pourra être dompté l'inénarrable cerveau conteur qui fait notre humanité.
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Quand on maintient les gens, année après année, dans un univers de laideur et de contrainte, de misère et d'humiliation, on ne peut s'attendre à trouver en eux des interlocuteurs ouverts et souriants, à la parole nuancée. En se contentant de renforcer indéfiniment le dispositif sécuritaire autour des "fauteurs de troubles", l'on rend en fait ceux-ci de plus en plus dangereux car de plus en plus primitifs.
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Elle s'appelle Francia après s'être appelée Ruben, là-bas, dans son pays, en Colombie. Devenue femme, Francia est prostituée au bois de Boulogne. Dans son nouveau roman tout en justesse et en sensibilité, à travers ce personnage, Nancy Huston nous raconte le quotidien de la prostitution, entre larmes et espoirs.
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