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EAN : 9782021526752
400 pages
Seuil (18/08/2023)
3.43/5   121 notes
Résumé :
Jean-Jacques Goldman n'est pas seulement un grand nom de la chanson. Il est aussi un enfant d'immigrés juifs devenu la personnalité préférée des Français, un artiste engagé après la mort des utopies, un artisan au coeur des industries culturelles, un homme en rupture avec les codes virils. Le succès n'a affecté ni sa droiture ni son humilité. Pour exister, Goldman a dû composer avec les règles de son temps, mais il a fini par composer lui-même l'air du temps, les ch... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (27) Voir plus Ajouter une critique
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Chez les 17 à 87 ans, qui peut prétendre n'avoir jamais entendu le nom de Jean-Jacques Goldman et n'avoir jamais fredonné une de ses nombreuses chansons à succès ?

Un chanteur pop à la croisée de la chanson française (Brel, Brasses, Ferré ou Ferrat), du blues et du rock, ses premières influences, héritier du yéyé (J. Halliday), qui connut 20 années de succès fulgurants tout autant qu'étonnants...

Fils de juifs polonais et allemands émigrés en France dans les années 1930 et tenant un magasin de sport dans la banlieue sud de Paris, demi-frère d'un révolutionnaire gauchiste assassiné à Paris en 1979, biberonné aux idéaux communistes anti staliniens, là sont les sources spirituelles de J.J. Goldman.

Il ne se rêve pas en star ; il ne comprend pas qu'on l'adule. Il s'efface derrière le groupe.

Il est empathie, générosité, solidarité, au service des autres. Comme quand il se met à la disposition des Restaurants du Coeur.

Tout son parcours est marqué par ses origines : ses parents sont juifs ; ils se sont intégrés. Il prônera l'intégration, pas l'affrontement culturel.

Qu'on ne s'y trompe pas : ce livre se lit comme un roman mais est un vrai travail d'historien. Historien doublé d'un sociologue, quand il cherche à comprendre ce qui a fait de J.J. Goldman ce qu'il est devenu.

Un excellent portrait qui est est le roman d'une vie de star avant d'être son histoire.
Lien : http://michelgiraud.fr/2024/..
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Jablonska publie un essai sur l'auteur - compositeur Jean Jacques Goldman, aujourd'hui retiré, en présentant sa démarche comme celle d'un historien des années 80-90, analysant le succès du chanteur comme symptomatique des attentes d'une époque et d'un parcours social.

Il reprend la jeunesse de Goldman, ses premiers goûts musicaux, et rappelle ainsi qu'avant d'obtenir un succès considérable dans les années 80, le chanteur a traversé les années 70 en vendeur d'articles de sport, et plus accessoirement comme membre de divers groupes rock à la notoriété modeste, y compris Taï Phong. le basculement vers le succès va intervenir en peu de temps et de façon inattendue, même pour le principal intéressé.

Rien à dire sur cette présentation « biographique ». Par contre, l'auteur va identifier le parcours de Goldman, comme le ferait un fan (rien à redire à cela), mais aussi au regard de ses propres projections de pensées. Il consacre de longs passages aux origines familiales (qui ont certainement influencé ses chansons, mais ne sont pas pour autant l'explication à tout, contrairement à ce qui ressort en continu dans l'ouvrage de Jablonska, et finit par être des plus pesants), et oppose le chanteur à son demi-frère Pierre, dont l'engagement politique est présenté là d'une façon quasi-romantique. D'un côté un politique en rupture avec la société, de l'autre le chanteur qui aurait choisi au contraire un profil lisse, sans accroc, alors que dans le même temps Jablonska a rappelé que tout ce qui comptait pour le jeune Jean-Jacques Goldman, c'était sa guitare, la musique, point.

L'auteur multiplie les comparaisons entre le chanteur et lui, se trouve des références communes, et parle d'une façon nombriliste pas mal de lui. Au final, entre quelques tableaux de présentation façon sociologie appliquée, quelques envolées lyriques sur une époque où certains croyaient encore changer le monde (et assassinaient froidement lors d'un hold-up), une chronologie des albums solo ou du trio Fredericks – Goldman – Jones, et beaucoup de rappels de la vie politique de l'époque, l'ouvrage part dans tous les sens et par moments semble bien loin de son sujet.

Précédé d'une intense campagne de communication, avec interviews dans des magazines et à la radio, ce livre intervient alors que l'activité médiatique de Jean-Jacques Goldman est comme les années précédentes : nulle. Cette absence d'actualité autour de celui qui reste l'une des personnalités préférées des Français ne peut qu'amplifier l'intérêt sur le livre, et par voie de conséquence les ventes.
Si l'essai de Jablonska apportait quelque chose à la compréhension de l'individu ou de l'époque dans laquelle il a connu ses succès, ce fort contexte de stratégie éditoriale serait secondaire. Mais ce n'est guère le cas.
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Ce qui fait la spécificité de l'historien Ivan Jablonka c'est son attachement à analyser notre monde contemporain à partir d'un des figures de l'époque étudiée.

Goldman n'est pas simplement l'étude de la biographie d'un chanteur devenu presque mythe. C'est une analyse en profondeur de ce que furent les générations des années 70/80. Mais, c'est aussi celle issue des juifs réfugiés de l'Europe de l'est, ce "Yiddishland", comme l'appelle l'écrivain.

Essai à portée sociologique et historique, Ivan Jablonka démontre l'attachement profond du chanteur au travail bien accompli et à la défense des petits. Jean-Jacques Goldman est sorti de L'EDHEC et aurait dû devenir un cadre libéral offert au capitalisme délirant.

Une biographie, mais pas que...

Mais, par opposition à ce frère qui s'est brûlé les ailes, Ivan Jablonka affirme que Jean-Jacques Goldman fuit aussi les criards. Ce sont les représentants de la révolution "jet-septisée", auquel il se tiendra toujours éloigné.

Comme il le fait à chaque fois, l'historien compare son milieu à celui du chanteur. Et de son 14 ème arrondissement natal à la banlieue de Montrouge des Golmann, il n'y a pas loin, retrouvant ainsi les accents de sa jeunesse bercée aux mêmes valeurs.

De plus, comme l'historien le développe, Jean-Jacques Goldman crée une nouvelle masculinité ouverte à la cause des droits des femmes.

La portée généraliste des chansons de Goldman

Mais, Ivan Jablonka analyse aussi la gauche française de l'après-guerre à l'après-mitterrandiste. La première est représentée par le père du chanteur, engagé communiste. Puis vient celle du frère, d'extrême gauche d'après soixante-huitard. Et, pour finir, celle pragmatique de Jean-Jacques qui reprendra à son compte l'engagement de Coluche, pour les Restos du coeur.

L'analyse des chansons des années 70, de celles qui deviendront les succès des années 80, permet à Ivan Jablonka de dégager plusieurs grands thèmes : le départ, le refus de la fatalité et la condition minoritaire.

Les tableaux, soit comparatifs pour illustrer le propos, soit exhaustifs pour synthétiser la notion démontrent, s'il le fallait encore, qu'on peut choisir un sujet léger encore faut-il le traiter sérieusement. Et toute la démarche scientifique s'applique à ce chanteur de " soupe française " comme le qualifieront les amateurs de rock'n'roll.

Une approche neuve

C'est le nom de Ivan Jablonka qui m'a entraînée vers ce livre. Plus Maxime le Forestier que Jean-Jacques Goldman, je suis passée à côté de ce chanteur. Alors, comprendre la portée de " Comme toi" et d'autres fut pour moi une révélation.

Ivan Jablonka avoue que vers 25 ans qu'il s'est intéressé à ce chanteur et que sa théorie des trois axes a suffisamment plu à sa femme pour qu'elle le lui rappelle aujourd'hui. Pour l'historien, les années Goldman ce sont aussi l'émergence "d'une conscience citoyenne au lieu d'une conscience de classe".

Par contre, j'ai compris le mépris terrible dont il a fait l'objet. Et, courageusement, Ivan Jablonka en analyse les bases, les aspects et le mépris véhiculés. On comprend mieux les chroniques du journal Libé avant la sortie du livre retrouvant l'animosité des années 80.

Moins compréhensible, la réaction de Jean-Jacque Goldman qui, dans Le Figaro, ces derniers jours, vient de rappeler à ses fans que ce n'est pas une biographie qu'il a cautionnée. Ce point est clair dès le début de l'essai puisqu'Ivan Jablonka rappelle que Jean-Jacques Goldman n'a répondu à aucune de ses sollicitations.

Qu'importent les réactions du chanteur qui a choisi la discrétion depuis de nombreuses années, Ivan Jablonka signe un essai très riche dans un langage clair en produisant des analyses. Il décortique la sociologie historique des années 70 jusqu'au début des années 2010. de plus, la génération des émigrés de l'Europe de l'Est rappelle l'importance de l'assimilation entière et complète dans la société française.

Pas obliger d'être fan, juste d'être féru d'histoire contemporaine pour découvrir le nouvel essai de Ivan Jablonka, Goldman !
https://vagabondageautourdesoi.com/2023/08/28/ivan-jabonka-goldman/?preview=true&frame-nonce=faa403deea
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Goldman d'Ivan Jablonka n'est pas une autobiographie de Jean Jacques Goldman puisque l'auteur n'a pu rencontrer celui-ci et n'a pas non plus s'appuyer sur les archives personnelles du chanteur.
Ivan Jablonka s'est donc appuyé sur des milliers d'interviews, des extraits de journaux et sur ses souvenirs de" fan" de Jean Jacques Goldman pour écrire une biographie sociologique, historique légèrement hagiographique
La lecture du livre est facile et nous replonge dans les années 1980 à 2000 à coups de succès, de Top 50 .
Ivan Jablonka fait une lecture sociologique de la carrière de Jean Jacques Goldman. Tour à tour le communisme, le prolétariat, la nouvelle gauche croisent la route de notre chanteur " personnalité préférée des français"
Jablonka insiste aussi avec raison sur la judéité de la famille Goldman. Thème de judéité que l'on retrouvera souvent dans ces chansons : la minorité, l'exil, le voyage , la shoah.
Jablonka s'interroge aussi en historien sociologue sur cette disparition des radars depuis les années 2000.
Reste que le côté hagiographique tempère la réflexion menée. Jean Jacques Goldman ressemble à la statue d'un commandeur indéboulonnable. Tout dans la vie de Jean Jacques Goldman mérite satisfécit.
On peut lire sa carrière dans ce sens entre succès singulier et collectif, la création des Enfoirés et des Restos du coeur avec Coluche. On peut aussi se rappeler qu'il fut un chanteur de variétés avec midinettes et une musique rock très standardisée.
Que restera de cette lecture : un peu de nostalgie, un rappel des années 80/90. Mais sûrement rien de plus.
Le livre s'estompera comme s'est estompé Jean Jacques Goldman.









Lien : http://auxventsdesmots.fr
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« Jean-Jacques Goldman n'est pas seulement un grand nom de la chanson. Il est aussi un enfant d'immigrés juifs devenu la personnalité préférée des Français, un artiste engagé après la mort des utopies, un artisan au coeur des industries culturelles, un homme en rupture avec les codes virils. le succès n'a affecté ni sa droiture ni son humilité. » résume Ivan Jablonka, professeur d'histoire à la Sorbonne l'auteur de ce livre qui m'a passionnée.

Je n'appartiens cependant pas à la « génération Goldman » puisqu'il est né 5 ans après moi et que son succès survient principalement après 1980, alors que j'étais déjà mère de famille. Je demeurais surtout étonnée de le voir avec une telle constance adulé comme la personnalité préférée des français, alors qu'on nous dit que la France est encore, de façon latente, antisémite …

Ni biographie sans imprimatur d'un personnage vivant, ni livre de sociologie, ni essai politique sur les avatars de la deuxième gauche, ni monographie sur la musique et la culture populaires et pourtant ce livre est tout cela à la fois.

C'est en effet l'histoire d'un jeune homme discret, fils d'émigré juifs d'Europe centrale avec un père ancien Résistant fou amoureux de la France qui l'a accueilli en 1930, qui a inculqué à ses enfants les valeurs de la République et l'obligation d'un travail acharné. Une éducation qu'il a cependant « foirée » avec son aîné Pierre, né de sa première union, qui joue la vedette des prétoires après plusieurs braquages et une accusation de double assassinat, acquitté puis abattu en pleine rue quelques mois après sa libération.

Jean-Jacques, né en 1951, est un élève lisse, voire « transparent », ce qui ne l'empêche pas de réussir une classe préparatoire puis d'intégrer l'EDHEC de Lille, tout en suivant des cours de sociologie.

Il a découvert la guitare chez les scouts, mais n'a jamais envisagé de faire de la musique autre chose qu'un hobby. le jour, il vend des articles de sport dans son magasin Sport 2000 de Montrouge, le soir et les week-ends, il joue dans les bals, avec ses amis, en groupe puis en solo. Ses premiers disques ne marchent pas tellement, on lui suggère de changer de nom mais il refuse. le succès viendra au cours de la décennie 80 : libération des radios, les années Lang, la 5ème chaine de télévision, le Top50, les clips. Les années MItterrand, que Jean-Jacques Goldman n'apprécie pas du tout, bien plus proche des idées de Michel Rocard.

Je te donne, Quand la musique est bonne, Je marche seul, Envole-moi, Comme toi … Il faut avoir auprès de soi les clips disponibles sur Youtube pour comprendre.

JJG est un chanteur rock qui figure dans la variété et produit des tubes. Mais il faut aussi lire ses textes, et les thèmes qu'il aborde : l'enrichissement par les différences, la séparation, l'absence, la tentation de l'exil, la Shoah, la volonté de s'en sortir par le travail et pas par la violence, qui n'est pas sans générer, de la part des élites, un mépris de fer.

Grace à ce livre, j'ai approfondi quelques nouveaux concepts : le Klezmer, sorte de blues du Juif, la saga de l'exil toujours recommencé, l'idiosyncrasie ou le caractère individuel et le tempérament personnel qui explique en partie un retrait total de la scène en pleine gloire, la despicologie ou l'art d'ensevelir les gens sous une négativité entre dévalorisation, invisibilisation, moquerie et injure … Pourquoi, aussi, est-ce dans les milieux de gauche qu'on a le plus vomi Jean-Jacques Goldman ?

Me voilà donc, avec un temps de retard, une groupie de JJG, un artiste plébiscité par le public, dédaigné par les élites. Mais surtout le « Mensch » de toute une génération.
Lien : http://www.bigmammy.fr/archi..
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critiques presse (9)
LeFigaro
16 novembre 2023
Ivan Jablonka [...] a choisi d'écrire, dans un élan très lyrique, une somme consacrée à son idole, en jouant les sociologues pour un artiste qui n'en a pas besoin.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
LeFigaro
21 septembre 2023
L’oeuvre de Jablonka est une excellente revue de presse, mais nous n’apprenons pas grand-chose à la vérité.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
LHistoire
21 septembre 2023
A l'icône d'une gauche post-68 rêvant encore de la révolution, [Jablonka] préfère l'itinéraire moins flamboyant d'un jeune homme devenu célèbre malgré lui et qui, par ses chansons et celles qu'il écrivit pour les autres, incarna la bande-son des années 1980.
Lire la critique sur le site : LHistoire
LeMonde
04 septembre 2023
L’historien et le thuriféraire vont partager la plume au fil de "Goldman".
Lire la critique sur le site : LeMonde
Liberation
04 septembre 2023
Complainte simpliste de boomer ou émouvant plaidoyer, le livre agace déjà autant qu’il passionne, qu’on soit fan ou non de Goldman – et de Jablonka.
Lire la critique sur le site : Liberation
Culturebox
24 août 2023
Au-delà de l'artiste, c'est toute une époque que raconte Ivan Jablonka.
Lire la critique sur le site : Culturebox
LaViedesIdees
22 août 2023
Ce livre retrace le parcours d’un artiste exceptionnel, tout en racontant nos années Goldman.
Lire la critique sur le site : LaViedesIdees
LesInrocks
22 août 2023
L’historien et écrivain se penche sur la trajectoire d’auteur-compositeur star de la variété eighties pour explorer en creux la culture populaire.
Lire la critique sur le site : LesInrocks
Culturebox
21 août 2023
Dans l'essai "Goldman" [...] l'universitaire s'intéresse aux raisons pour lesquelles le chanteur de Je marche seul a connu une popularité subite, et l'a conservée alors que passaient les modes.
Lire la critique sur le site : Culturebox
Citations et extraits (18) Voir plus Ajouter une citation
Pré-requis : je range ma casquette d'ex-ado écoutant Goldman dans mon walkman et recopiant les paroles dans un carnet, j'oublie mon billet-étoile de la tournée Rouge aujourd'hui plié dans ma boîte à souvenirs, j'oublie aussi les clips, les posters, l'attente chaude et extraordinaire avant que les lumières ne s'éteignent.

Voilà, c'est fait.
Maintenant, parlons du livre.

Pas facile de débuter la chronique d'un ouvrage décrié hier dans le Canard enchaîné par son sujet lui-même : JJG.
Jablonka le dit pourtant d'emblée : cet essai n'est pas une biographie. Vous n'y trouverez ni scoops, ni révélations. Vous n'y apprendrez rien de privé que vous ne sachiez déjà. L'objectif n'est pas là. L'auteur reste intègre et s'attache à disserter sur Goldman. Pas sur Jean-Jacques. Dès le premier chapitre, le but est clair : « retracer la trajectoire d'un être d'histoire. » Avec pour problématique : Comment un artiste disparu de la scène depuis plus vingt ans fait-il pour rester aussi présent ? (et élu personnalité préférée des français depuis plus d'une décennie).

Cet essai, exigeant par son écriture, interroge les origines de la renommée de l'auteur-compositeur-chanteur, et sa persistance aujourd’hui, malgré son retrait de la vie publique il y a 20 ans. L'ouvrage est rigoureux, documenté, et s’apparente plus à une étude universitaire qu'à un simple documentaire.
De nombreux tableaux et sondages viennent d'ailleurs appuyer le récit, renforçant encore cet aspect.

Difficile en effet de classer cet ouvrage ou de le définir. À la fois road-trip musical, plongée historique, analyse sociologique et réflexions philosophiques, il entraîne le lecteur dans un voyage des années 70 à aujourd'hui et dresse le portrait d'une société française mouvante et complexe. Il explique en quoi la percée du chanteur est étroitement liée aux bouleversements sociétaux des années 80 : essor des radios libres, création du top 50, construction des Zénith, émission Champs Élysées...

Jablonka remet en contexte l'arrivée de JJ sur le devant de la scène au début des années 80, une arrivée tardive à presque trente ans. Tente d'expliquer les influences historiques, politiques et musicales de cette famille simple, honnête et très cultivée. Propose un regard sur les différentes individualités qui la composent : Alter le père immigré, grand sportif et résistant décoré par l'Élysée, Ruth la mère, fille d'immigrés ayant fui le nazisme, Pierre le grand frère « révolutionnaire tapageur » abattu en pleine rue, Robert le petit frère qui deviendra l'agent protecteur, Évelyne, Caroline, Mickaël...

Les amoureux des mots seront ravis des passages traitant des thématiques des chansons et de l'écriture de JJG : « déracinement, condition minoritaire, changer le monde, liens sociaux, mérite, vulnérabilité... »

Jablonka rappelle surtout qu'avant la consécration que l'on connaît, Goldman a mangé la poussière et a été violemment rejeté par la presse de droite comme de gauche. Oui, lui et non seulement sa musique. Trop sage, trop pop, trop aigu, trop juif. Les minorités représentent une thématique très forte au sein de l'ouvrage, comme dans l’œuvre du chanteur.
On y parle aussi de mépris culturel, de la pop vue comme une soupe à servir au bas peuple pour qu'il soit content et se taise. Les Boris Vian et Higelin sont réservés à l'élite. Jablonka propose aussi à travers ce livre une histoire de la musique et de ses courants, ses modes, de la place écrasante des majors, et de la nouvelle donne à l’œuvre aujourd'hui via le streaming.

Oui, j'ai aimé cet ouvrage. J'en ai aimé la rigueur à l'opposé des livres racoleurs sur ce chanteur. Ou sur tout autre, d'ailleurs. Le pari de Jablonka de traiter le phénomène Goldman est à mes yeux réussi. On pourra peut-être lire ci-et-là que le choix de ce chanteur ne serait qu'un prétexte bankable pour parler des années 80/90. Jablonka n'a pas besoin d'être bankable. La qualité de ses anciens ouvrages parle d'elle-même.

J'ai ressenti beaucoup d'émotion à la (re)lecture de la dépêche AFP annonçant la « retraite » du chanteur. (l'ex-ado n'est jamais loin malgré tous mes efforts...)

Comme le dit si bien Ivan Jablonka, « Il s'est montré à la hauteur de son temps, élevant avec lui des milliers de cœurs. Dans ce monde triste, où le bonheur est si ardu et bref, où tout s'effrite, il a réussi à intensifier nos vies, à protéger nos souvenirs, à offrir un modèle de droiture et de solidarité. Et si je me suis permis de raconter la vie de Goldman, c'est parce qu'il a déjà chanté la nôtre. »

Un essai riche et passionnant sur le phénomène Goldman (et non l'homme, je me répète), un artiste exceptionnel devenu malgré lui institution française.
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Il n'y a pas beaucoup d'équivalents en France, mais Goldman est de ceux-là. Inventeur du pop rock à la française, créateur de la bande-son d'une époque, porte-parole de nobles causes, icône morale, toutes ces identités contribuent à nourrir la signification de Goldman pour ceux qui l'aiment ou le méprisent, l'écoutent, ne l'écoutent pas ou refusent de l'écouter. Elles appartiennent à l'histoire - et d'abord à la nôtre.
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L'acte d'écouter une chanson à une époque donnée et dans certaines circonstances, puis de la réécouter des années plus tard, consolide l'unité du moi, comme si cet anneau temporel donnait sens et cohérence à une individualité disséminée dans ses expériences successives. Je suis celle ou celui que je fus jadis, puisque cette chanson fait renaître en moi les émotions que j'ai ressenties à l'adolescence. 305.
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On en arrive à un nouveau paradoxe : Goldman le fils de communistes hostiles à la production de masse et à la société de consommation, triomphe grâce à la puissance de frappe du capitalisme. L'homme qui rêvait d'être discret se retrouve partout ; et tout le monde achète celui qui n'était pas à vendre. Car un chanteur à succès appartient nécessairement à l"industrie, fût elle musicale. Entrer dans les circuits de la diffusion de masse, consentir à l"exposition médiatique, revient à abandonner l"indépendance de l'artisan-commerçant de quartier, donc à trahir. 132-133.
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On pourrait s'étonner que Goldman, adulé partout, se perçoive encore comme un homme fragile, un raté, un minoritaire ; que ce transfuge de classe, avec ses millions de disques vendus et l'industrie musicale à ses pieds, croie sincèrement n'avoir jamais quitté son milieu d'origine. Ce serait manquer l'essentiel : c'est parce que les fils sont arrivés qu'ils peuvent raconter les chemins de leurs pères. L'intégration donne aux enfants un mandat, celui de raconter l'épopée familiale, c'est à dire l'histoire collective.
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Vidéo de Ivan Jablonka
Ivan Jablonka est historien et écrivain. Ou plutôt les deux en même temps. Car, et c'est la thèse qu'il défend dans son dernier ouvrage, il n'y a pas la fiction d'un côté, et la recherche savante de l'autre. Il existe un troisième continent : celui de la littérature du réel. Pour en parler, il est l'invité de Géraldine Mosna-Savoye et Nicolas Herbeaux.
Visuel de la vignette : Joel Saget / AFP
#histoire #litterature #écrivain _________
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