Au début, on dirait une adolescente malheureuse dans sa province, qui rêve d'un avenir plus grand et plus brillant, ne trouvant pas sa place dans la société ou dans sa famille. Elle apprend donc par coeur les mots de son artiste préféré et lui écrit, convaincue qu'ils décrivent son propre coeur, et sa propre âme, sûre qu'il ne lui répondra pas étant trop grand, trop éloigné d'elle.
Mais ce n'est pas une fan-girl d'une idole de la chanson comme on dirait aujourd'hui, c'est
Louise Michel et
Victor Hugo, dont les noms résonnent dans notre histoire et notre littérature, qui s'écrivent pendant des années, avec le point culminant de leur histoire partagée qu'est
la Commune.
C'est d'abord
Louise Michel encore jeune provinciale idéaliste mais parfois geignarde, qui écrit d'abord des
poèmes un peu tendres et naïfs mais qui révèlent la pureté de ses sentiments. C'est ensuite au fil des années l'institutrice engagée pour l'éducation des plus pauvres et pour la justice sociale, qui signe désormais "Enjolras", du nom du meneur de la révolte des Misérables. Et les années passant encore, c'est la communarde révoltée qui écrit pour que ses compagnons soient graciés ou épargnés, mais sans jamais se plaindre personnellement, sans jamais évoquer une seule souffrance personnelle. Elle combat pour un idéal, et n'est prête à aucune concession pour y renoncer. Et enfin, c'est l'anarchiste combattant pour les droits des Kanaks, découvrant de la beauté et des raisons de lutter - et donc d'espérer - même au bout du monde et dans l'exil.
Oui, elle qui si souvent cite
les Châtiments, ce vers pourrait lui correspondre "ceux qui vivent ce sont ceux qui luttent". Je regrette que les réponses de Hugo soient perdues, mais il est bien en creux dans les lettres de Louise, figure de "frère", d'âme soeur poétique sous les traits d'Olympio, de "Maître"... C'est de la vénération au sens fort qu'éprouve
Louise Michel pour lui, pour le poète qui est politique dans ses écrits comme dans ses actes.
A lire avec en complément le très beau poème de Hugo sur
Louise Michel "Viro major"