MILAN KUNDERA
« Ecrire, quelle drôle d'idée ! »
Florence Noiville
Essai biographique
Gallimard, 2023, 303p
J'ai essayé d'entrer quelquefois dans
Kundera, et la porte d'accès fut difficile. Tout le monde n'est pas
Finkielkraut et un fin connaisseur de l'écrivain né tchèque en 1929, et naturalisé français en 1981, qui n'écrivit plus qu'en français à partir de 1990. On parlera donc d'écrivain européen. Il devait obtenir le prix Nobel de littérature, mais une obscure affaire de dénonciation semble avoir ruiné ses chances définitivement, et puis on disait que ses livres étaient misogynes. Il est considéré comme l'un des écrivains majeurs de la littérature française contemporaine. Je me dois de le lire.
J'ai vu sur un rayon de la médiathèque cette autobiographie au sous-titre étonnant. C'est une phrase que
Kundera a dite alors qu'il était atteint d'un type d'Alzheimer.
Il est né à Brno, où
Robert Musil s'est installé dès 1891.
Thomas Mann estime que L'homme sans qualités, A la Recherche du temps perdu, et Ulysse ont fondé le XX°, en renouvelant le roman qui mêle avec légèreté ironique et profondeur philosophique action et réflexion. Brno, ville de l'ancienne Tchécoslovaquie que
Kundera appellera toujours Bohême, lui qui fut déchu de la nationalité tchèque, est en quelque sorte la capitale de la modernité littéraire, la modernité de l'Europe Centrale, qui cherche, innove, expérimente, avec des artistes comme Schoenberg, Broch,
Gombrowicz, Kafka. C'est cette modernité qui enthousiasme
Kundera, qui réinventera le roman, non le vieux monde d'hier auquel était attaché Zweig.
Kundera pense que beaucoup de lecteurs et de critiques méconnaissent Kafka, un auteur drôle, comique, qui ne veut pas alléger le poids du tragique par des plaisanteries. En fait, l'histoire est horrible, parce qu'elle est drôle.
Kundera est marqué aussi par l'absurde de l'histoire et des hommes, aussi préfère-t-il l'esprit de plaisanterie. La bêtise des hommes vient de ce qu'ils ont réponse à tout.
Kundera lui oppose la sagesse des incertitudes. La sagesse du roman est qu'il a question à tout.
Kundera commença par la musique. Fils d'un musicologue et pianiste, il hésite entre littérature et musique. Il se tourne d'abord vers la poésie. Quant à ses romans, il les appelle archi-romans parce qu'ils mêlent tous les genres littéraires compris dans sa prose synthétique ; en effet le romancier saisit son sujet sous tous les angles, d'une façon aussi complète que possible.
En 1989, lors de l'attentat contre
Rushdie, il participa au Comité international des écrivains pour défendre
Rushdie et la liberté d'expression avec
Beckett, Bellow, Sontag, Lessing, Greene, Ginsburg . Il était l'ami de
Philip Roth. Peut-être ai-je croisé le monstre sacré, qui se cachait et n'apparaissait pas dans les media, au Touquet où il avait une villa, et d'où il aimait à se rendre à la Grenouillère, fameux restaurant sis à La Madeleine sous Montreuil.
Pour
Kundera, La Russie est, un anti-Occident. Bohême, Pologne, Hongrie, Autriche ne font pas partie de l'Europe de l'Est.
Florence Noiville est une amie des
Kundera, Milan et sa femme. Elle a connu Milan malade. Avec l'aide de sa femme, elle émaille sa biographie qui n'est pas chronologique, de dessins humoristiques de
Kundera, et de photos. Elle a sorti son livre peu de temps
après le décès de
Kundera. Ce dernier, qui refusait les interviews, aurait-il apprécié qu'elle parle de lui ?
Le livre est intéressant. Restent à lire l'oeuvre de
Kundera, et en même temps, pourquoi pas, celle de
Proust.