[***Acquisition 27 octobre 2021 / Librairie Caractères- Issy-les-Moulineaux]
Je viens de passer un excellent moment en compagnie de « La petite libraire de la rue
Bonaparte " de
Françoise Pitt-Rivers, ainsi qu'avec des artistes dont j'entendais le nom pour la première fois dont Sanyu, contemporain de Foujita, « le Matisse chinois », déclencheur de cette histoire véridique et à peine croyable!
D'autres noms totalement nouveaux pour ma part, dont un élève de Picasso, Pedro PRUNA (1904-1977),un artiste russe, Serge Férat, etc.
L'auteure , le regard happé par une affiche annonçant une exposition mettant en avant un artiste franco-chinois, appartenant à l'Ecole de Paris, dans les années 30, Sanyu, au
Musée Guimet…se précipitera voir l'exposition… et cela sera le déclic qui induira, des années plus tard, ce récit, mêlant un hommage vibrant à sa mère , Yvonne Vierne, jeune femme au destin atypique, qui rencontrera tous les noms qui comptent dans le monde des Arts et de la littérature au tout début du XXe siècle…
Une histoire familiale traversant deux guerres, destins individuels riches et complexes et en parallèle le monde effervescent des intellectuels et créateurs de tous les horizons, dans un Paris éternellement fédérateur , et dans une période historique particulière; celle du lendemain de la guerre de 1914...!
Je me suis précipitée sur cet ouvrage… car en tant que libraire ayant exercé en Ancien, le nom de cette librairie «
La Porte étroite » avait un prestige et une renommée toujours confirmés dans les années 2000…J'étais donc intriguée et curieuse de son histoire et de sa créatrice première !.
En plus de ce personnage féminin, au caractère bien trempé, amoureuse des Lettres et des Arts… nous traversons la Petite histoire et la Grande Histoire ainsi que les changements sociétaux, se mêlant, pour le plus grand bonheur de nous, lecteurs !
« Se séparer de sa librairie, voilà le sacrifice qui va lui être imposé.
(...) C'est à celle qui l'a si bien conseillée au moment de sa création que von cède alors sa librairie. Sous la nouvelle direction de Madeleine
Feuchtwanger, désormais la Librairie Yvonne Vierne va changer son nom pour celui de
la Porte étroite, ce que ma mère n'a pas eu le temps de faire, faute d'avoir pu rencontrer
André Gide.
De toute façon, il valait mieux pour elle ne pas parler de
Gide rue de l'Université, le "Familles, je vous hais!" des -Nourritures terrestres -aurait été trop difficile à expliquer.
Rien ne s'opposait plus au mariage de mes parents, bientôt célébré à
Saint-Thomas d'Aquin, en la chapelle Saint-Louis, le 21 mars, jour du printemps de l'année 1924. (p. 126)”
Un petit trésor de lecture lu dans la nuit… mêlant harmonieusement l'histoire intime d'un couple (les parents de l'auteure), un portrait d'une femme singulière en une période donnée, où les droits des femmes étaient des plus restreints, hors mariage et famille…et un balayage des plus instructifs sur
L Histoire des Beaux-Arts du XXe, sans oublier les traumatismes immenses de deux guerres…sur chacun, et en particulier, sur nos personnages…
En sus de ma sympathie pour Vo, la petite libraire de la rue
Bonaparte, dynamique et cultivée, et plus tard, pour son futur mari, bibliophile et grand lecteur d'
André Gide, j'ai eu la belle surprise de faire la connaissance d'artistes (méconnus à mes yeux ?) : Sanyu, Pruna,élève de Picasso, et le peintre russe, Serge Férat…
Toutefois ma plus grande surprise fut la personnalité complexe et captivante de l'auteur de «
Jules et Jim », qui fut un collectionneur hors pair, passionné et généreux, critique d'art averti…
Notre petite libraire de la future « Porte étroite » rencontrera
Henri-Pierre Roché . Celui-ci sera parmi les premiers clients de sa petite librairie et deviendra son ami… pour plusieurs décennies !
[Je trouve d'ailleurs dommageable qu'il ne soit resté que le créateur de «
Jules et Jim », tant ses talents étaient infiniment plus larges et des plus étonnants ! Il fut aussi le traducteur de Keyserling et d'
Arthur Schnitzler, etc.
Un tel coup de coeur parallèle au destin de Vo, « notre » Libraire… que j'ai poursuivi les recherches et suis impatiente de recevoir une demande à la Réserve centrale des Bibliothèques de la ville de Paris, concernant une biographie plus large de Roché, en tant que fou passionné par les Arts, cet « Enchanteur de collectionneur » ]
« Je n'avais probablement pas lu, au moment de sa parution, il y avait quarante ans de cela, l'article de Roché sur sa "brave petite collection". l'aurais-je lu que j'aurais certainement oublié le passage où, pour évoquer celles de ses oeuvres qui n'avaient pas "atteint la gloire", il les compare amoureusement à des "Belles au bois dormant". Les tableaux de mes parents, les Serge Férat, les Prunat, les Sanyu, étaient justement de ces belles endormies que personne n'était venu réveiller. » (p. 230)
Dans le sentiment ressenti qu'un livre est un vrai “Coup de Coeur”, rentrent an compte, la rencontre d'autres livres ou d'autres existences réelles avec lesquels on a envie, ensuite, de poursuivre le » Voyage”.
Ces fameux livres qui mènent à d'autres livres, à d'autres artistes. Ainsi, cet hommage vibrant de l'auteure, à sa mère, va bien au-delà… induit moult autres « richesses »…une histoire intime s'ouvrant sur le monde, les Arts, et l'histoire des avant-garde
s au lendemain de la guerre de 1914 !
J'aurai encore de nombreuses notations, impressions à ajouter sur cette lecture…si prolixe ; je vais me contenter de souligner une dernière chose : cette belle lecture m'a impulsé d'autres curiosités fort attrayantes comme l'envie de lire deux autres ouvrages de
Françoise Pitt-Rivers : «
Balzac et l'art » (1994), ainsi que « le Destin d'Angelica Kaufmann. Une femme peintre dans l'Europe du XVIIIe siècle » (2009).
L'Art est toujours très, très présent dans les thématiques de
Françoise Pitt-Rivers… mais est-ce bien surprenant, lorsqu'on découvre dans ce récit le milieu très sensible aux Beaux-arts et aux belles choses où l'auteure a vécu très intimement et durablement, dans sa jeunesse, grâce justement, à cette mère talentueuse et singulière, la fameuse « petite libraire de la rue
Bonaparte »…qui restera un long moment dans ma tête et mes souvenirs!!...
Je laisserai comme « mot de la fin » la très belle citation de
Marcel Proust, mise en exergue de ce texte :
« Et c'est ce qu'il y a de plus passionnant chez les êtres humains : savoir d'où nous vient ce que nous sommes »