[EN CHANTIER]
Je suis impressionné par la somme que constitue ces
Oeuvres de
Simone Weil et par la puissance de réflexion d'une femme morte si jeune, et dont la vie n'a pas été un long fleuve tranquille. encore plus impressionné de voir que ce n'est qu'une partie de sa véritable oeuvre littéraire, bien plus colossale que ces 1280 pages choisies dans ses livres, carnets et lettres.
A 34 ans, elle avait plus agit et écrit que certains en toute leur vie, ces certains ne se gênant pourtant pas pour donner de grandes leçons sur la vie !
Nous avons néanmoins dans les mains ici les écrits les plus marquants de la penseuse. Car en effet je trouve un peu réducteur de dire philosophe, bien que ce soit sa formation initiale. Elle a été aussi militante, ouvrière, intéressée par les mathématiques, le grec, la littérature évidemment, l'histoire européenne, la politique et l'économie. Une approche éclectique donc, et un remarquable talent de synthèse et de pénétration de ces disciplines forts distinctes se dégage de ces pages, nombreuses.
Pour moi, ce livre et la vie de Weil se divise en deux parties que je n'ai pas goûtées de la même manière.
D'une part, et c'est le plus gros morceau, ses activités politiques et philosophiques autour du monde du travail, du communisme, de la situation européenne avant la seconde guerre. de ses années de formation avec Alain à sa participation à la guerre civile espagnole, en passant par les usines Renault et ses écrits sur le travail, on trouve une grande cohérence dans sa pensée, toujours très ancrée à gauche, très vite lucide sur la réalité de l'URSS, déçue de la politique des partis et du sorts des travailleurs et du travail manuel en France et ailleurs.
Elle décrit avec une remarquable acuité tout ce qu'elle expérimente. Intellectuelle, professeur, elle se fait embauchée malgré ses problèmes de santé dans des usines et partage le quotidien des ouvriers, non sans mal.
Sa vision des années si tendues et étranges avant le déclenchement de la guerre est géniale, et tellement juste...
Ensuite vient la seconde période, où à mon avis la pensée de
Simone Weil s'effondre, son courage est usée, sa santé encore plus fragile, son pays brisée ainsi que l'Europe. Elle se tourne vers une mystique chrétienne, interprétant l'histoire et la littérature dans cette optique, des pythagoriciens aux druides en passant par
Platon et les albigeois. Si elle reste une écrivaine sensible, douée, capable de voir la situation de son pays les yeux en face de la barbarie et des lâchetés, elle ne propose que la foi comme solution réaliste. La science, les partis, tout l'a déçu et plus rien ne lui semble beau que la chrétienté. Elle a rejeté la religion juive de ses ancêtres (ses parents ne croyaient ni ne pratiquait) et embrassé le nouveau testament avec la ferveur des nouveau convertis. Elle ne sera cependant jamais baptisée.
Cela a rendu la lecture de la dernière partie pénible pour moi.
Mais cela est avant tout le fait de la résonance qu'a en moi cette pensée.
Un dernier trait m'a attristé. Son frère essaie de lui faire lire
Nietzsche, qu'elle renie d'un revers d'un main, arguant qu'avec la fin qu'il a eu, il ne peut professer de philosophie de la vie et du bonheur.
Pourtant, bien des choses les liaient: une grande lucidité, un amour de l'étude, du grec et des grecs anciens, leur désaccord portait avant tout sur Jésus dont
Nietzsche a fortement rejeté l'héritage alors que Weil l'a embrassé de toute son âme.
Elle meurt 10 ans plus jeune et dans une désespoir bien plus terrible que le penseur allemand, dont la fin de vie n'est pas réjouissante non plus. Finalement sa pensée offre-t-elle mieux ?