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Florence de Lussy (Directeur de publication)
EAN : 9782070754342
1288 pages
Gallimard (29/04/2000)
4.5/5   22 notes
Résumé :
Simone Weil laisse le souvenir d'une figure étrange, surhumaine par certains aspects, qui attire et repousse en même temps. On lui reconnaît une puissance intellectuelle exceptionnelle, une force morale digne des héros, un courage et un esprit de résistance hors pair, mais une intransigeance dans l'existence qui fait peur et qui s'accompagne d'une lucidité souvent prophétique.
De son vivant, comme aujourd'hui, elle dérange, irrite, scandalise, tout en suscita... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
[EN CHANTIER]
Je suis impressionné par la somme que constitue ces Oeuvres de Simone Weil et par la puissance de réflexion d'une femme morte si jeune, et dont la vie n'a pas été un long fleuve tranquille. encore plus impressionné de voir que ce n'est qu'une partie de sa véritable oeuvre littéraire, bien plus colossale que ces 1280 pages choisies dans ses livres, carnets et lettres.
A 34 ans, elle avait plus agit et écrit que certains en toute leur vie, ces certains ne se gênant pourtant pas pour donner de grandes leçons sur la vie !
Nous avons néanmoins dans les mains ici les écrits les plus marquants de la penseuse. Car en effet je trouve un peu réducteur de dire philosophe, bien que ce soit sa formation initiale. Elle a été aussi militante, ouvrière, intéressée par les mathématiques, le grec, la littérature évidemment, l'histoire européenne, la politique et l'économie. Une approche éclectique donc, et un remarquable talent de synthèse et de pénétration de ces disciplines forts distinctes se dégage de ces pages, nombreuses.

Pour moi, ce livre et la vie de Weil se divise en deux parties que je n'ai pas goûtées de la même manière.

D'une part, et c'est le plus gros morceau, ses activités politiques et philosophiques autour du monde du travail, du communisme, de la situation européenne avant la seconde guerre. de ses années de formation avec Alain à sa participation à la guerre civile espagnole, en passant par les usines Renault et ses écrits sur le travail, on trouve une grande cohérence dans sa pensée, toujours très ancrée à gauche, très vite lucide sur la réalité de l'URSS, déçue de la politique des partis et du sorts des travailleurs et du travail manuel en France et ailleurs.
Elle décrit avec une remarquable acuité tout ce qu'elle expérimente. Intellectuelle, professeur, elle se fait embauchée malgré ses problèmes de santé dans des usines et partage le quotidien des ouvriers, non sans mal.
Sa vision des années si tendues et étranges avant le déclenchement de la guerre est géniale, et tellement juste...

Ensuite vient la seconde période, où à mon avis la pensée de Simone Weil s'effondre, son courage est usée, sa santé encore plus fragile, son pays brisée ainsi que l'Europe. Elle se tourne vers une mystique chrétienne, interprétant l'histoire et la littérature dans cette optique, des pythagoriciens aux druides en passant par Platon et les albigeois. Si elle reste une écrivaine sensible, douée, capable de voir la situation de son pays les yeux en face de la barbarie et des lâchetés, elle ne propose que la foi comme solution réaliste. La science, les partis, tout l'a déçu et plus rien ne lui semble beau que la chrétienté. Elle a rejeté la religion juive de ses ancêtres (ses parents ne croyaient ni ne pratiquait) et embrassé le nouveau testament avec la ferveur des nouveau convertis. Elle ne sera cependant jamais baptisée.
Cela a rendu la lecture de la dernière partie pénible pour moi.
Mais cela est avant tout le fait de la résonance qu'a en moi cette pensée.

Un dernier trait m'a attristé. Son frère essaie de lui faire lire Nietzsche, qu'elle renie d'un revers d'un main, arguant qu'avec la fin qu'il a eu, il ne peut professer de philosophie de la vie et du bonheur.
Pourtant, bien des choses les liaient: une grande lucidité, un amour de l'étude, du grec et des grecs anciens, leur désaccord portait avant tout sur Jésus dont Nietzsche a fortement rejeté l'héritage alors que Weil l'a embrassé de toute son âme.
Elle meurt 10 ans plus jeune et dans une désespoir bien plus terrible que le penseur allemand, dont la fin de vie n'est pas réjouissante non plus. Finalement sa pensée offre-t-elle mieux ?
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Simone Weil est décédée à 34 ans épuisée. Elle a écrit sur la politique, sur la guerre, sur l'hitlérisme mais aussi sur Dieu, le malheur, l'enracinement. Cette femme était sans humour, athée mais d'une intelligence fine et aiguisée et d'une très grande culture.
Critiquer le fond et la forme de ces essais, je ne m'essayerais pas dans cet exercice. Je peux dire que ce sont les idées d'une femme à la fois désenchantée par la vie et une humaniste remplie d'amour, de tendresse.
Ces écrits sont toujours d'actualité.
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Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
Toute autre nation avait à la rigueur le droit de se tailler un empire, mais non pas la France ; pour la même raison qui a fait de la souveraineté temporelle du pape un scandale aux yeux de la chrétienté. Quand on assume, comme a fait la France en 1789, la fonction de penser pour l'univers, de définir pour lui la justice, on ne devient pas propriétaire de chair humaine. Même s'il est vrai qu'à défaut de nous d'autres se seraient emparés de ces malheureux et les auraient traités plus mal encore, ce n'était pas un motif légitime ; tout compte fait le mal total aurait été moindre. Les motifs de ce genre sont la plupart du temps mauvais. Un prêtre ne devient pas patron d'une maison close dans la pensée qu'un marlou traiterait ces femmes plus mal. La France n'avait pas à manquer au respect d'elle-même par compassion.
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Ce qu’on appelle aujourd’hui instruire les masses, c’est prendre cette culture moderne, élaborée dans un milieu tellement fermé, tellement taré, tellement indifférent à la vérité, en ôter tout ce qu’elle peut encore contenir de pur, opération qu’on nomme vulgarisation, et enfourner le résidu tel quel dans la mémoire des malheureux qui désirent apprendre, comme on donne la becquée à des oiseaux.

D’ailleurs le désir d’apprendre pour apprendre, le désir de vérité est devenu très rare.(…)

Le déracinement est de loin la plus dangereuse maladie des sociétés humaines, car il se multiplie de lui-même. (….)
Qui est déraciné déracine. Qui est enraciné ne déracine pas.

(L’enracinement-Oeuvres p. 1 054 et 1 055)
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Même sans conquête militaire, le pouvoir de l’argent et la domination économique peuvent imposer une influence étrangère au point de provoquer la maladie du déracinement.

Enfin les relations sociales à l’intérieur d’un même pays peuvent être des facteurs très dangereux de déracinement. Dans nos contrées, de nos jours, la conquête mise à part, il y a deux poisons qui propagent cette maladie.

L’un est l’argent. L’argent détruit les racines partout où il pénètre, en remplaçant tous les mobiles par le désir de gagner. Il l’emporte sans peine sur les autres mobiles parce qu’il demande un effort d’attention tellement moins grand. Rien n’est si clair et si simple qu’un chiffre. (…)

Car le second facteur de déracinement est l’instruction telle qu’elle est conçue aujourd’hui. La Renaissance a partout provoqué une coupure entre les gens cultivés et la masse ; mais en séparant la culture de la tradition nationale, elle la plongeait du moins dans la tradition grecque.
Depuis, les liens avec les traditions nationales n’ont pas été renoués, mais la Grèce a été oubliée.

Il en est résulté une culture qui s’est développée dans un milieu très restreint, séparé du monde, dans une atmosphère confinée, une culture considérablement orientée vers la technique et influencée par elle, très teintée de pragmatisme, extrêmement fragmentée par la spécialisation, tout à fait dénuée à la fois de contact avec cet univers-ci et d’ouverture vers l’autre monde. 

(L’enracinement-Oeuvres p. 1 053)
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Le capitalisme n'est qu'un système d'exploitation du travail productif ; si l'on excepte les tentatives d'émancipation du prolétariat, il a donné un libre essor, dans tous les domaines, à l'initiative, au libre examen, au génie. Au contraire, la machine bureaucratique, qui exclut tout jugement est tout génie, tend par sa structure même, à la totalité des pouvoirs. Elle menace donc l'existence même de tout ce qui est encore précieux pour nous dans le régime bourgeois. Au lieu du choc des opinions contraires, on aurait, sur toute chose, une opinion officielle dont nul ne pourrait s'écarter; au lieu du cynisme propre au système capitaliste qui dissout tous les liens d'homme à homme pour les remplacer par de purs rapports d'intérêts, un fanatisme soigneusement cultivé, propre à faire de la misère, aux yeux des masses, non plus un fardeau passivement supporté, mais un sacrifice librement consenti ; un mélange de dévouement mystique et de bestialité sans frein, une religion de l'État qui étoufferait toutes les valeurs individuelles, c'est-à-dire toutes les valeurs vraies.
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Les écrivains ont une manière inadmissible de jouer sur deux tableaux.
Jamais autant qu’à notre époque ils n’ont prétendu au rôle de directeurs de conscience et ne l’ont exercé.

En fait, au cours des années qui ont précédé la guerre, personne ne le leur a disputé excepté les savants.
La place autrefois occupée par des prêtres dans la vie morale du pays était tenue par des physiciens et des romanciers, ce qui suffit à mesurer la valeur de notre progrès. 

 Mais si quelqu’un demandait des comptes aux écrivains sur l’orientation de leur influence, ils se réfugiaient avec indignation derrière le privilège sacré de l’art pour l’art. 

(L’enracinement-Oeuvres p. 1 042)
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