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Paule Hofer-Bury (Autre)Dominique Auclères (Autre)
EAN : 9782702112281
228 pages
Calmann-Lévy (01/04/1994)
3.76/5   42 notes
Résumé :
« Quand nous pensons aux livres de Schnitzler, ce ne sont pas les personnages que nous revoyons, ce ne sont même pas les personnages principaux à qui il sait donner tant de relief ; ce que nous avons retenu, c'est surtout l'atmosphère. Car, plus que des hommes, Schnitzler a créé des âmes. La vie intérieure de ces êtres nous frappe encore plus que leurs actions. Leurs émotions restent gravées dans notre mémoire plus que les événements qui les déterminent. C'est parce... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Relecture (pour m'aerer d'un pave en cours).

Une courte nouvelle toute en monologue interieur. J'ai aime la coherence de ce monologue qui nous fait traverser efficacement le temps (une longue nuit) et l'espace (une longue promenade dans Vienne). Sans digressions (car sans vraiment utiliser le flux de conscience), Schnitzler ecrit un magnifique drame psychologique: Un officier de l'armee imperiale est offense par un boulanger, un homme de basse extraction qu'il ne peut donc provoquer en duel. Il ne voit plus qu'une issue (ou il pense que selon les codes d'honneur de l'armee il n'a qu'une solution pour laver son honneur): se suicider. Il passe donc toute une nuit a errer, cherchant la meilleure maniere de se donner la mort, et en fait triture par la peur de celle-ci.

Schnitzler, medecin de formation sinon de carriere, a ete toujours interesse dans ses ecrits par l'erotisme et la mort (en temoignent aussi "Nouvelle revee", "La ronde" ou "Mademoiselle Else", dont j'avais fait des billets que je devrais peut-etre refaire). Il a une profondeur psychologique admiree par Sigmund Freud, qui voyait en lui un "double" litteraire.

Mais il y a plus. Ecrite en 1900, cette nouvelle attaque de front le code de l'honneur qui orientait encore l'armee, et que Schnitzler trouve desuet pour ne pas dire caduc, pernicieux pour ne pas dire immoral. Et ce n'est pas un hasard si un tribunal militaire a immediatement juge l'auteur et l'a dechu de son titre de medecin militaire de reserve.

J'aime bien Schnitzler. Dans ses photos il a l'air d'un bon bourgeois viennois, bien ne dans une riche famille juive assimilee. En fait c'est un revolutionnaire. Dans les lettres allemandes il est le premier a utiliser le monologue interieur et le flux de conscience. Et ses ecrits sont un requisitoire contre les moeurs de la societe dans laquelle il vit. Ses heros sont tous (ou presque) choisis au sein de la bourgeoisie, mais ils denoncent tous les artifices, les trompe-l'oeil, les mensonges, les faiblesses, les abjections de leur classe. Ils traduisent tous la decadence de cet empire pompeux du centre de l'Europe. Il ne s'en laisse pas conter, le Schnitzler. Et en plus il sait ecrire. Il merite sa place au parnasse du "demi-siecle d'or des lettres autrichiennes".

Cette petite nouvelle est une perfection. Centenaire, elle pete encore la jeunesse et la santé. A lire.
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Médecin de formation, Arthur Schnitzler abandonna une carrière de médecin prometteuse, pour se tourner vers la création littéraire. Ayant vécu dans la ville de Vienne, à cheval entre deux siècles, ses écrits portent la trace indubitable de l'intérêt naissant et profond d'une époque pour la psychanalyse, période qui vit aussi les derniers soubresauts d'un empire austro hongrois à l'agonie.

“Combien de temps cela va-t-il durer?” Incipit fracassant. le Lieutenant Gustel s'ennuie à l'opéra devant la représentation d'un oratorio. Il a bien d'autre chose à penser, notamment qu'il à un médecin à sabrer en duel le lendemain à 4 heures. Dans cette courte nouvelle de 1900, Schnitzler utilise la technique, novatrice à l'époque, du flux de conscience. On partage ainsi les réflexions d'un personnage peu sympathique : remarques antisémites, sexistes et philistines d'un être vindicatif, mais lâche à l'idée d'un esclandre avec un boulanger qui vient de lui tenir la dragée haute. Il est déshonoré; à lui les affres de l'angoisse! Une seule solution : se brûler la cervelle. Il ère ainsi dans Vienne en proie au doute et à l'indécision. Que faire? Une pirouette du destin décidera à sa place.

L'Appel des ténèbres est l'exposition clinique d'une idée fixe grandissante, d'une folie en marche. Veuf, en proie au désarroi et à la conviction de perdre la raison, marqué qu'il est par le naufrage dans la déraison d'un ami qui respirait la santé et la joie de vivre, un fonctionnaire pense à rappeler le pacte conclu avec son frère médecin d'avoir la charité de l'aider à mettre fin à ses jours si un tel drame venait à le frapper. Cet homme en convalescence, développe une forme d'obsession hypocondriaque, aggravée d'un complexe de persécution, une sorte de paranoïa grandissante qui le mènera à la pire des extrémités.

Le Docteur Graesler, vieux garçon récemment frappé par le suicide de sa soeur, se retrouve seul au monde, officiant dans une ville d'eau de troisième ordre. Il y fait la connaissance d'une demoiselle “intéressante”, dont il découvre la vocation qu'elle eut jadis à devenir infirmière. Désirant redonner sens à sa vie, et de faire d'une pierre deux coups, il songe à remettre en état une clinique en vente, et, éventuellement, de la déposer au pied de la demoiselle. Cette dernière lui écrit une lettre, trop raisonnable pour être qualifiée de déclaration amoureuse. le docteur hésite… et puis il a rencontré, à son retour dans sa ville natale, une autre personne. Son indécision foncière, sa misogynie latente, le dépit amoureux, la découverte de la correspondance de la défunte, la fatalité enfin, se chargeront en quelque sorte de décider pour lui.

Les personnages mis en scène dans ses trois nouvelles sont des hommes affligés par un manque criant de volonté. Introspection, procrastination et misanthropie sont des termes qui siéent à définir leur comportement face aux événements et aux décisions qu'ils doivent se résoudre à prendre. Les atermoiements incessant du personnage de l'Appel des ténèbres lassent un peu et on peut juger l'exposition clinique du mal en marche un peu aride. Le recueil intéressera particulièrement les amateurs d'oeuvres à forte teneur psychologique; celui-ci vaut qu'on s'y attarde surtout pour la nouvelle éponyme, avec son utilisation du “ stream of consciousness” chère à James Joyce et à de nombreux auteurs du XXème siècle.
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Il est dix heures moins le quart, un jeune lieutenant désoeuvré attend avec impatience la fin d'un oratorio pour lequel un camarade lui a obtenu une place. Ses pensées virevoltent comme un papillon de nuit autour d'une ampoule. Il dévisage les femmes dans les loges, songe à son prochain duel, peste contre celui qui l'a fait perdre au jeu... Au moment de récupérer son manteau au vestiaire, un incident fait basculer sa vie en quelques secondes.
Sommé de trouver une solution avant que la nouvelle ne se répande en ville et ne ruine son honneur, il déambule comme un dément dans les rues de Vienne et échafaude tous les scénarios afin de trouver une issue.
le monologue fiévreux, halluciné dans lequel s'abîme le lieutenant Gustel, m'a fait songer aux personnages de Zweig, totalement dominés par leurs passions, et à une nouvelle De Maupassant, "Un lâche" (1884), qui sonde avec brio les affres de la mort. A travers l'errance nocturne du personnage dans Vienne, Schnitzler dresse un portrait sans concession de l'Empire austro-hongrois à son crépuscule et d'une société élégante désorientée.
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Inaugure chez Schnitzler la technique du flux de conscience que l'on retrouvera 25 ans plus tard dans "mademoiselle Else". N'a pas autant de charme et est moins accessible. le héros de l'histoire est en effet un militaire borné dont le sens de l'honneur nous est incompréhensible, ce qui fait de ce récit un document intéressant mais qu'on ne peut lire qu'avec distance. Et puis les boulevards de Vienne la nuit n'ont pas le charme de St Martino.
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Citations et extraits (21) Voir plus Ajouter une citation
Il plia la feuille. Par moments il avait senti ses yeux se mouiller tout en écrivant. Il s’était attendri sur lui-même et sur Sabine. Maintenant qu’une décision provisoire était prise, il cacheta sa lettre, l’œil sec, sans la moindre émotion, et la tendit au cocher qui devait la déposer au chalet. (…) Il se mit alors à préparer son départ brusqué. (…) Puis, quand il songea que Sabine avait sa lettre entre les mains, il éprouva une douleur physique au cœur et il se mit à attendre le retour de la voiture, peut-être avec une réponse, ou avec Sabine elle-même qui aurait décidé de venir chercher ce fiancé indécis. (…) Elle ne vint pas, elle n’envoya pas de lettre et Graesler ne revit la voiture que beaucoup plus tard, au crépuscule. (…) Graesler dormit mal, d’un sommeil agité, et le matin, grelottant et morose, il partit pour la gare tandis qu’une pluie aiguë fouettait la capote de sa voiture.

("Docteur Graesler", p. 179)
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Le chef de gare passa et le salua avec courtoisie. D’un point qu’il ne put déterminer, Robert entendit le chant des fils télégraphiques. Les rochers bleus pointaient dans la nuit. « Quelle paix ! pensa-t-il. Si tout allait s’arranger ? Otto ne pourrait-il pas guérir dans ce calme ? Il faut qu’il guérisse, il le faut. Comment pourrais-je jouir de la vie, respirer, s’il ne recouvrait pas la santé ? » Et il comprit qu’il n’aimait personne au monde autant qu’Otto. Une fois de plus, il sentit qu’il n’existait aucune autre relation, aussi intense, aussi stable par nature que celle de frère à frère. Ce qu’il ressentait pour Otto, chevillé aux fibres les plus profondes de son âme, était plus fort que l’amour paternel et filial, plus grand que ne pouvait l’être l’amour pour une femme. Et il résolut de maîtriser le destin qui menaçait de détruire ce lien si mystérieux et si puissant entre deux êtres humains.

("L’appel des ténèbres", p. 126)
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Elle ne savait rien de lui, c’était la pierre d’achoppement et, sous l’angle de cette incompréhension, il aperçut son existence entière dans un éclairage nouveau. Il se rendait compte que jamais personne ne l’avait compris, ni homme ni femme. Ses parents ne l’avaient pas compris, sa sœur non plus, pas plus que ses confrères ou ses malades. Sa réserve était taxée de froideur, son amour de l’ordre, de manie, sa gravité, de sécheresse. Ainsi, depuis toujours, la solitude était-elle son lot parce qu’il manquait d’entrain et de brio. Tel il était et ne pouvait changer, et, en plus, bien plus âgé que Sabine ! Voilà pourquoi il n’avait pas le droit d’accepter le bonheur qu’elle était prête à lui offrir, ou se croyait prête à lui apporter, alors que ce bonheur était peut-être illusoire.

("Docteur Graesler", p. 177)
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Que de fois un dément s’acharnant à prouver la folie d’un homme bien portant réussit-il à le faire interner ! Robert se souvenait de maints exemples de cette espèce. (…) Sa vie durant, toutes sortes d’obsessions, de méchants délires l’avaient torturé, surtout depuis la maladie de Höhnburg et non seulement il l’avait avoué à à son frère, mais il l’avait même supplié de le tuer si jamais tout cela s’avérait une atroce réalité. Il le lui avait demandé, il lui avait même délivré un document qui attestait cette obligation d’Otto et mettait sa responsabilité à couvert.

("L’appel des ténèbres", p. 102)
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Robert, sans avoir vraiment pris conscience de son acte, en pressentait néanmoins l’irrémédiable atrocité. (…) Il traversa la place du marché, emprunta la longue rue du village et gagna la campagne. Là, ses pas s’enfonçaient dans la neige épaisse. Il jeta son manteau qui entravait sa course démente et alla plus loin, plus loin encore. Il n’avait qu’une volonté ferme : ne jamais reprendre conscience, fuir toujours, plus loin, fuir à travers la nuit bleue, la nuit qui chantait, à travers la nuit qui pour lui ne finirait jamais. Et il savait qu’il avait déjà parcouru mille fois ce chemin, qu’il le parcourrait encore mille fois, cent mille fois, éternellement, à travers une infinité de nuits mélodieuses et bleues.

("L’appel des ténèbres", p. 131-132)
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Vidéo de Arthur Schnitzler
Le grand roman d'Arthur Schnitzler mis en images par Manuele Fior, ce sera en janvier 2023. Quand, pour sauver son père de la ruine, une jeune femme convoitée sollicite l'aide d'un ami de la famille, celui-ci exige une faveur : voir Else nue pendant un quart d'heure. Cédera-t-elle ? Dans une ambiance crépusculaire, Manuele Fior livre une interprétation magistrale de l'oeuvre du Viennois Schnitzler. Il convoque les grands artistes de l'époque et c'est somptueux.
>Littérature (Belles-lettres)>Littérature des langues germaniques. Allemand>Romans, contes, nouvelles (879)
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