AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Pierre Reboul (Éditeur scientifique)
EAN : 9782070374564
410 pages
Gallimard (13/04/1983)
3.92/5   329 notes
Résumé :
« Noir et cher scélérat, à toute heure, je lis les Contes, depuis bien des jours ; j'ai bu le philtre goutte à goutte... Tu as mis en cette œuvre une somme de Beauté extraordinaire. La langue vraiment d'un dieu partout ! Plusieurs de tes nouvelles sont d'une poésie inouïe et que personne n'atteindra : toutes, étonnantes »
(Mallarmé à Viliers de l'Isle-Adam).

« J'ai connu un certain nombre d'hommes qui ne vivaient qu'aux cimes de la pensée, je... >Voir plus
Que lire après Contes cruelsVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (24) Voir plus Ajouter une critique
3,92

sur 329 notes
5
5 avis
4
8 avis
3
8 avis
2
0 avis
1
0 avis
"Pascal nous dit qu'au point de vue des faits, le bien et le mal sont une question de latitude. Ainsi en Europe, l'on chérit généralement ses vieux parents ; en certaines tribus de l'Amérique, on leur persuade de monter sur un arbre ; puis on secoue cet arbre"page 14.
Sur cette provocante rumeur, commence les Demoiselles de Bienfilatre, le premier récit des 36 Contes Cruels de Villiers de L'Isle Adam.


Cette oeuvre les contes cruels est sans doute l'un des plus délicieux breuvages que la littérature française du 19ème siècle a produit, "Antonie ne se verse t-elle pas un bouquet de violettes de Parme".


Par la variété des plats et des situations improbables, le lecteur pourra rêver, ironiser, se délectant de toutes les turpitudes humaines et retrouver ici ou là des figures de la vie mondaine d'aujourd'hui . La meilleure raison de lire ces Contes Cruels est de s'initier avec désinvolture à la mélancolie de notre condition.
La plume de Villiers de L'Isle-Adam aborde de nombreux projets puérils, lancés par de nobles citoyens ( docteur T Chevassus guérit les personnes qui entendent de travers...).

Tout était noir et cruel, combien d'espoirs déçus, de fantasmes ridicules alors que l'artiste est seul et incompris, parfois même raillé.
Cette mélancolie désabusée a fait le bonheur de quelques auteurs de nouvelles, de Richard Brautigan, ou de Bernard Quiriny par exemple, qui semblent avoir été comme contaminés par ces Contes Cruels cette ironie blessante, cette incapacité de communiquer, ou par la manière de se fourvoyer dans des combines désopilantes.


Les personnages des Contes Cruels sont taillés à la mesure des fantasmes mis en scène, des personnages dont ils s'inspirent, comme le cynique directeur de journal de " Deux Augures", où l'auteur dramatique fustigé dans "Sobre récit Compteur plus sombre".
Mais sa cible privilégiée reste les bourgeois et dans un autre registre les applications lumineuses et absurdes de certaines techniques, quelques prodigieuses inventions de l'ingénieur Bathybius Bottom : "mentionnons toutefois, les cris de femmes effrayées, les sanglots étouffés, les vraies larmes, les petits rires brusques, les hurlements, les suffocations, les bis, et les rappels...

Citons aussi l'appareil pour l'analyse chimique du dernier soupir, un instrument dédié aux petits-enfants, pour rendre la mort des parents moins effrayante, et surtout plus divertissante !


Certaines nouvelles sont restées célèbres comme Véra et le Comte d'Athol ;
" le jour de sa fête il plaça par plaisanterie une immortelle dans le bouquet qu'il jeta sur l'oreiller de Véra puisqu'elle se croit morte, dit- il !"
" Ah maintenant je me rappelle dit-il. Qu'ai-je donc ? Mais tu es morte !"
Sans oublier la diffusion télévisée du secret de l'échafaud, qui permis à Villiers de connaître une gloire posthume. Antoine Bourseiller évoquant le génie mal connu plutôt que méconnu, et d'abord aimé pour ses contes et accessoirement pour sa poésie.


Que souhaiter à un futur lecteur de Villiers de L'Isle-Adam sinon avoir un léger choc à la découverte de personnages farfelus, de bourgeois peu scrupuleux, et de situations toutes scabreuses.
Pénétrer l'univers de Villiers de L'Isle-Adam c'est aussi faire un saut dans le para normal abandonner le rationnel, s'aventurer dans les rivages de l'inconscient arpenter les pentes abruptes de nos fantasmes, c'est décoller telles des bernaches au dessus de nos savoirs.
Commenter  J’apprécie          270
Contes cruels, que ces contes sont cruels ! Toutes ces nouvelles de Villiers de l'Isle-Adam finissent mal. C'est très souvent la mort qui l'emporte.

Ces contes sont noirs. Ils décrivent la bassesse de l'âme humaine : lâcheté, cupidité, méchanceté. C'est le constat de la bêtise du genre humain, seul ou en groupe. Sombres et morbides, ces Contes cruels sont un recueil que l'on classe dans le genre gothique.

Villiers De l'Isle-Adam a du Maupassant, du Mérimée, du Baudelaire et du Edgar Allan Poe. Mais c'est avant tout un poète qui met tout son art à produire cette prose. Il s'introduit parfois dans ses nouvelles, exaspéré qu'il dut être au contact de ses contemporains : bourgeois, mondains, artistes, public et surtout les femmes. J'ai le sentiment qu'il a éprouvé des difficultés relationnelles avec ces dernières. Chez Villiers, le grand amour féminin est une morte et si la femme est vivante, c'est une monstruosité de sadisme et de cruauté.

Villiers est parfois visionnaire quand il imagine l'intrusion de la publicité dans la vie courante, dans la nouvelle « Affichage céleste ». Il décrit également dans le « Traitement du docteur Tristan » un appareil qui ressemble à l'électrochoc et qui supprime les voix que nous pourrions entendre, comme si nous étions des Jeanne d'Arc, en nous rendant sourds. Car Villiers semble accorder de l'importance à l'écoute des sons. Ces sons qui blessent par les mots qu'ils transportent. Pense-t-il que seuls ceux qui sont écrits sont les plus beaux et les plus purs ? Dans « L'Inconnue », il met en scène une sourde qui ne peut entendre les mots de tendresse d'un prétendant. Pour Villiers, l'Amour conserve sa pureté que quand il ne peut être que ressenti et non exprimé.

Si parfois, j'ai peiné à lire certaines nouvelles, Contes cruels est un recueil qui vaut le détour car il complète, dans le fond et dans la forme, d'autres lectures comme La Horla, la Vénus d'Ille ou les Histoires extraordinaires.
Commenter  J’apprécie          250
Villiers de l'Isle-Adam est à la littérature française ce que Satie est à la musique classique. Après avoir longuement cherché sa place au milieu d'écrivains illustres, Villiers compose les "contes cruels", un ensemble de nouvelles satyriques et pleines d'esprit.
Dans un français riche et parfaitement illustré, il dresse le portrait vitriolé et caricatural, mais non-moins vraisemblable, de la société de cette fin du XIXe siècle.
A lire avec gourmandise mais sans boulimie.
Commenter  J’apprécie          210
Recueils de petits contes noirs et cyniques à souhait... âmes sensibles s'abstenir.
Un bon moment en leur compagnie.
Commenter  J’apprécie          240
J'ai un peu pensé aux Diaboliques de Barbey d'Aurevilly - que j'ai largement préférées à ce recueil ici. Mais là où Barbey d'Aurevilly présente surtout des portraits de femmes sensuelles, manipulatrices, violentes, perverses... - les hommes sont en creux, Villiers de l'Isle d'Adam présente à la fois des hommes et des femmes. Mais sans aller aussi loin : ses personnages sont des pécheurs, certes, mais pas des démons.
Il y quelques touches de fantastiques dans son oeuvre, mais il met plus en avant les défauts des hommes, responsables de la souffrance d'autrui : la cruauté vient de l'avarice, du mensonge, de l'adultère, de l'envie, de l'hypocrisie... Beaucoup de contes tournent autour de l'argent. Car c'est sans doute une autre différence avec Barbey d'Aurevilly : ce recueil a dû être écrit plus tard ; ou, en tout cas, il s'inscrit dans un autre cadre, celui de la fin du XIXème siècle, le siècle du progrès, avec son éclairage au gaz, ses télégrammes, ses chemins de fer... Cela explique donc le fait que les récits soient pour la plupart contemporains de l'écriture, et donc qu'il y ait peu de fantastique - c'est donc l'adjectif "cruel" qui importe plus dans le titre que "conte".
Cependant, les contes sont justement tous assez courts, avec des thématiques parfois assez proches, même dans les "Nouveaux contes cruels". J'ai donc du mal à en retenir quelques uns qui m'auraient particulièrement marqué. A part celui sur les visions ou la transfiguration du roi David que j'ai trouvé décalé, en rupture avec les autres - ainsi que celui sur la Passion du Christ et la trahison, ou plutôt les trahisons de Judas et de Pierre, car la religion n'est pas un motif très présent dans le reste des textes.
Je retiens aussi l'avant-dernier des "nouveaux contes cruels", celui sur Daphnis et Chloé, deux citadins dégoûtés de la ville et de son artificialité, qui cherchent à retrouver une nature authentique. Mais les forêts sont exploitées, les montagnes sont fréquentées par le tourisme, les oiseaux disparaissent par la chasse, la nourriture devient industrielle... J'ai apprécié la conscience écologiste particulièrement moderne à l'intérieur de ce récit.
Commenter  J’apprécie          120

Citations et extraits (91) Voir plus Ajouter une citation
(Fleurs de ténèbres)

Il existe, sachez-le, souriantes liseuses, il existe, à Paris même, certaine agence sombre qui s'entend avec plusieurs conducteurs d'enterrement luxueux, avec des fossoyeurs même, à cette fin de desservir les défunts du matin en ne laissant pas inutilement s'étioler, sur les sépultures fraîches, tous ces splendides bouquets, toutes ces couronnes, toutes ces roses, dont, par centaines, la piété filiale ou conjugale surcharge quotidiennement les catafalques.

Ces fleurs sont presque toujours oubliées après les ténébreuses cérémonies. L'on n'y songe plus; l'on est pressé de s'en revenir; - cela se conçoit!...

C'est alors que nos aimables croquemorts s'en donnent à cœur-joie. Ils n'oublient pas les fleurs, ces messieurs! Ils ne sont pas dans les nuages. Ils sont gens pratiques. Ils les enlèvent par brassées, en silence. Les jeter à la hâte par-dessus le mur, dans un tombereau propice, est pour eux l'affaire d'un instant.

Deux ou trois des plus égrillards et des plus dégourdis transportent la précieuse cargaison chez des fleuristes amies qui, grâce à leurs doigts de fées, sertissent de mille façons, en maints bouquets de corsage et de main, en roses isolées, même, ces mélancoliques dépouilles.

Les petites marchandes du soir alors arrivent, nanties chacune de sa corbeille. Elles circulent, disons-nous, aux premières lueurs des réverbères, sur les boulevards, devant les terrasses brillantes et dans les mille endroits de plaisir.

Et les jeunes ennuyés, jaloux de se bien faire venir des élégantes pour lesquelles ils conçoivent quelque inclination, achètent ces fleurs à des prix élevés et les offrent à ces dames.

Celles-ci, toutes blanches de fard, les acceptent avec un sourire indifférent et les gardent à la main, - ou les placent au joint de leur corsage.

Et les reflets du gaz rendent les visages blafards.
Commenter  J’apprécie          110
IV

AU BORD DE LA MER


Au sortir de ce bal, nous suivîmes les grèves ;
Vers le toit d’un exil, au hasard du chemin,
Nous allions : une fleur se fanait dans sa main ;
C’était par un minuit d’étoiles et de rêves.

Dans l’ombre, autour de nous, tombaient des flots foncés.
Vers les lointains d’opale et d’or, sur l’Atlantique,
L’outre-mer épandait sa lumière mystique ;
Les algues parfumaient les espaces glacés ;

Les vieux échos sonnaient dans la falaise entière !
Et les nappes de l’onde aux volutes sans frein
Écumaient, lourdement, contre les rocs d’airain.
Sur la dune brillaient les croix d’un cimetière.

Leur silence, pour nous, couvrait ce vaste bruit.
Elles ne tendaient plus, croix par l’ombre insultées,
Les couronnes de deuil, fleurs de morts, emportées
Dans les flots tonnants, par les tempêtes, la nuit.

Mais, de ces blancs tombeaux en pente sur la rive,
Sous la brume sacrée à des clartés pareils,
L’ombre questionnait en vain les grands sommeils :
Ils gardaient le secret de la Loi décisive.

Frileuse, elle voilait, d’un cachemire noir,
Son sein, royal exil de toutes mes pensées !
J’admirais cette femme aux paupières baissées,
Sphynx cruel, mauvais rêve, ancien désespoir.

Ses regards font mourir les enfants. Elle passe
Et se laisse survivre en ce qu’elle détruit.
C’est la femme qu’on aime à cause de la Nuit,
Et ceux qui l’ont connue en parlent à voix basse.

Le danger la revêt d’un rayon familier :
Même dans son étreinte oublieusement tendre,
Ses crimes, évoqués, sont tels qu’on croit entendre
Des crosses de fusils tombant sur le palier.

Cependant, sous la honte illustre qui l’enchaîne,
Sous le deuil où se plaît cette âme sans essor,
Repose une candeur inviolée encor
Comme un lys enfermé dans un coffret d’ébène.

Elle prêta l’oreille au tumulte des mers,
Inclina son beau front touché par les années,
Et, se remémorant ses mornes destinées,
Elle se répandit en ces termes amers :

« Autrefois, autrefois, — quand je faisais partie
» Des vivants, — leurs amours sous les pâles flambeaux
» Des nuits, comme la mer au pied de ces tombeaux,
» Se lamentaient, houleux, devant mon apathie.

» J’ai vu de longs adieux sur mes mains se briser ;
» Mortelle, j’accueillais, sans désir et sans haine,
» Les aveux suppliants de ces âmes en peine :
» Le sépulcre à la mer ne rend pas son baiser.

» Je suis donc insensible et faite de silence
» Et je n’ai pas vécu ; mes jours sont froids et vains ;
» Les Cieux m’ont refusé les battements divins !
» On a faussé pour moi les poids de la balance.

» Je sens que c’est mon sort même dans le trépas :
» Et, soucieux encor des regrets ou des fêtes,
» Si les morts vont chercher leurs fleurs dans les tempêtes,
» Moi, je reposerai, ne les comprenant pas. »

Je saluai les croix lumineuses et pâles.
L’étendue annonçait l’aurore, et je me pris
À dire, pour calmer ses ténébreux esprits
Que le vent du remords battait de ses rafales

Et pendant que la mer déserte se gonflait :
— « Au bal vous n’aviez pas de ces mélancolies
» Et les sons de cristal de vos phrases polies
» Charmaient le serpent d’or de votre bracelet.

» Rieuse et respirant une touffe de roses
» Sous vos grands cheveux noirs mêlés de diamants,
» Quand la valse nous prit, tous deux, quelques moments,
» Vous eûtes, en vos yeux, des lueurs moins moroses ?

» J’étais heureux de voir sous le plaisir vermeil
» Se ranimer votre âme à l’oubli toute prête,
» Et s’éclairer enfin votre douleur distraite,
» Comme un glacier frappé d’un rayon de soleil. »

Elle laissa briller sur moi ses yeux funèbres,
Et la pâleur des morts ornait ses traits fatals.
— « Selon vous, je ressemble aux pays boréals,
» J’ai six mois de clartés et six mois de ténèbres ?

» Sache mieux quel orgueil nous nous sommes donnés
» Et tout ce qu’en nos yeux il empêche de lire…
» Aime-moi, toi qui sais que, sous un clair sourire,
» Je suis pareille à ces tombeaux abandonnés. »

- Conte d'amour
Commenter  J’apprécie          30
Nous appartenons tous, aujourd'hui, à la grande Famille humaine ; c'est démontré. Dès lors, pourquoi regretter celui−ci plutôt que celui−là ? ...
Concluons : puisque tout s'oublie, ne vaut−il pas mieux s'habituer à l'oubli immédiat ? − Les grimaces les plus affolées, les sanglots, les hoquets les mieux entrecoupés, les hululations et jérémiades les plus désolées ne ressuscitent, hélas ! personne.
Et fort heureusement, même, à la fin ! ... Sans quoi ne serions−nous pas bientôt serrés, sur la planète, comme un banc de harengs ? − Prolifères comme nous le devenons, ce serait à n'y pas tenir.
L'inéluctable prophétie des économistes s'accomplirait à courte échéance ; le digne Polype humain mourrait de pléthore, − et, − les débouchés intermittents des guerres ou des épidémies une fois reconnus insuffisants, − s'assommer, réciproquement, à grands coups de sorties de bal, deviendrait indispensable si l'on persistait à vouloir respirer ou circuler sur ce globe, − sur ce globe où la Science nous prouve, par A plus B, que nous ne sommes, après tout, qu'une vermine provisoire.

(L'appareil pour l'analyse chimique du dernier soupir)
Commenter  J’apprécie          110
A Monsieur le comte d’Osmoy. Le Gardien du Palais−des−Livres dit : "La reine Nitocris, la Belle aux joues de roses, veuve de Papi Ier, de la 10e dynastie, pour venger le meurtre de son frère, invita les conjurés à venir souper avec elle dans une salle souterraine de son palais d’Aznac, puis, disparaissant de la salle, ELLE Y FIT ENTRER, SOUDAINEMENT, LES EAUX DU NIL." MANETHON. Vers 1404 − (je ne remonte si haut que pour ne pas choquer mes contemporains) − Ysabeau, femme du roi Charles VI, régente de France, habitait, à Paris, l’ancien hôtel Montagu, sorte de palais plus connu sous le nom de l’hôtel Barbette. Là se projetaient les fameuses parties de joutes aux flambeaux sur la Seine ; c’étaient des nuits de gala, des concerts, des festins, enchantés tant par la beauté des femmes et des jeunes seigneurs que par le luxe inouï que la cour y déployait. La reine venait d’innover ces robes "à la gore" où l’on entrevoyait le sein à travers un lacis de rubans agrémentés de pierreries et ces coiffures qui nécessitèrent d’exhausser de plusieurs coudées le cintre des portes féodales. Dans la journée, le rendez−vous des courtisans (qui se trouvait proche du Louvre) était la grand’salle et la terrasse d’orangers de l’argentier du roi, messire Escabala. On y jouait sur table chaude et, parfois, les cornets de passe−dix roulaient des dés sur des enjeux capables d’affamer des provinces. On gaspillait quelque peu les lourds trésors amassés, si péniblement, par l’économe Charles V. Si les finances diminuaient, l’on augmentait les dîmes, tailles, corvées, aides, subsides, séquestres, maltôtes et gabelles jusqu’à merci. La joie était dans tous les coeurs. − C’était en ces jours, aussi, que, sombre, se tenant à l’écart et devant commencer par abolir, dans ses Etats, tous ces hideux impôts, Jean de Nevers, chevalier, seigneur de Salins, comte de Flandre et d’Artois, comte de Nevers, baron de Réthel, palatin de Malines, deux fois pair de France et doyen des pairs, cousin du roi, soldat devant être désigné, par le Concile de Constance, comme le seul chef d’armées auquel on dût obéir sans excommunication et aveuglément, premier grand feudataire du royaume, premier sujet du roi (qui n’est, lui−même, que le premier sujet de la nation), duc héréditaire de Bourgogne, futur héros de Nicopolis − et de cette victoire de l’Hesbaie où, déserté par les Flamands, il s’acquit l’héroïque surnom de Sans Peur devant toute l’armée en délivrant la France d’un premier ennemi ; − c’était en ces jours, disons−nous, que le fils de Philippe le Hardi et de Marguerite II, que Jean sans Peur, enfin, déjà songeait à défier, à feu et à sang, pour sauver la Patrie, Henri de Derby, comte de Hereford et de Lancastre, cinquième du nom, roi d’Angleterre, et qui, − lorsque sa tête fut mise à prix par ce roi, − n’obtint de la France que d’être déclaré traître.
Commenter  J’apprécie          30
Jeunes gens de France, âmes de penseurs et d’écrivains, maîtres d’un Art futur, jeunes créateurs qui venez, l’éclair au front, confiants en votre foi nouvelle, déterminés à prendre, s’il le faut, cette devise, par exemple, que je vous offre : « Endurer, pour durer ! » vous qui, perdus encore, sous votre lampe d’étude, en quelque froide chambre de la capitale, vous êtes dit, tout bas : « Ô presse puissante, à moi tes milliers de feuilles, où j’écrirai des pensées d’une beauté nouvelle ! » vous avez le légitime espoir qu’il vous sera permis d’y parler selon ce que vous avez mission de dire, et non d’y ressasser ce que la cohue en démence veut qu’on lui dise, — vous pensez, humbles et pauvres, que vos pages de lumière, jetées à l’Humanité, payeront, au moins, le prix de votre pain quotidien et l’huile de vos veilles ?
(Deux Augures)
Commenter  J’apprécie          70

Videos de Auguste de Villiers de l'Isle-Adam (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Auguste de  Villiers de l'Isle-Adam
Auguste VILLIERS DE L'ISLE ADAM – Relecture (France Culture, 1981) L'émission "Relecture", par Hubert Juin, diffusée le 1er mai 1981 sur France Culture. Présences : Patrick Besnier, Pierre Citron et Jean Claude Renault. Lecture : Jean Topart, Manuel Denis, Catherine Sellers.
autres livres classés : nouvellesVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (1139) Voir plus



Quiz Voir plus

Les Chefs-d'oeuvre de la littérature

Quel écrivain est l'auteur de Madame Bovary ?

Honoré de Balzac
Stendhal
Gustave Flaubert
Guy de Maupassant

8 questions
11120 lecteurs ont répondu
Thèmes : chef d'oeuvre intemporels , classiqueCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..