Marguerite Yourcenar (1903-1987) fut la première femme autorisée à siéger à l'Académie française en …1980, pas très glorieux pour nos immortels en queue de pie.
Cette anthologie de la poésie antique grecque n'est pas une anthologie ordinaire. Paradoxalement, contrairement à ce que son titre et les flagrances qui jaillissent spontanément sur cette période, pourraient laisser augurer, elle n'a absolument rien de « classique ».
Il ne s'agit pas d'une compilation des « plus beaux textes », ce qui n'enlève rien à la beauté de nombre d'entre eux. En effet, comme le rappelle MY au fil des notes de présentation de chaque auteur, la majorité des oeuvres a disparu et seules quelques pièces, voire des nano-
fragments ont traversé l'histoire jusqu'à nous.
Ce n'est pourtant pas un vide grenier hétéroclite d'antiquaire qui est offert dans cette anthologie.
Tout le contraire et c'est le tour de force de l'auteure d'avoir créé ce livre. Car il s'agit d'une création dans toutes ses dimensions, une quasi alchimie archéologique.
D'abord, les textes ont été traduits par MY, et nombre d'entre eux étaient en mauvais état.
Ensuite, la fluidité de ce recueil est réelle, on se laisse porter par le courant. En tout cas c'est ainsi que je suis entré dans celui-ci. Et en dépit de toutes ces pièces mutilées qui affleurent comme ces dallages ou ces colonnes brisées, une lumière, un souffle bercent les pages.
Les textes ne sont pas exposés « en vitrine » mais in situ, ou presque ; davantage encore qu'une compilation de poésie ce livre est une allégorie de ce « miracle grec » par sa culture écrite, tout ce que MY a pu exhumer et y redonner sinon vie tout au moins souffle.
Et ce n'est pas le moindre des attraits du livre, je n'ai pas procédé à des recherches transversales, mais je n'ai aucun doute sur le fait que beaucoup de textes doivent être introuvables ailleurs, en tout cas en langue française pour le commun des mortels.
Mais on y trouvera aussi des passages plus connus de
Sappho, d'
Eschyle,
Sophocle,
Aristophane…à (re)lire encore et encore.
Les morceaux étant orchestrés selon un ordre chronologique, fatalement, en se rapprochant du terme de cette symphonie, c'est la perception de l'agonie d'une époque qui se fait de plus en prégnante.
Cette « anthologie » est par conséquent infiniment précieuse pour faire vivre cette culture, au-delà des dégâts des siècles, des vicissitudes de l'Histoire.