Chronique journalière d'un séjour en Israël, ou le réveil du lien avec ce pays, sur les traces de l'histoire familiale.
«Elle entretient avec Israël un rapport ambigu, douloureux, même, a toujours évité d'en discuter y compris, dans la mesure du possible, avec ses parents. Elle a souvent envié leurs convictions, cette position solide des persécutés qui consiste à s'estimer dans son droit, à justifier, du coup, tous les moyens, et de bonne foi. Il lui est arrivé de leur demander pourquoi ils n'avaient jamais souhaité émigrer vers cette terre qu'ils considéraient comme leur. Leur intérêt ? Ici, c'est Israël sans les guerres, plaisantait son père. Ce qui, au fond, choquait Suzan, la mettait mal à l'aise. Elle trouvait vaguement malhonnête de défendre, au nom d'un peuple auquel on dit appartenir, la nécessité et la légitimité d'un pays où on n'a pas le cran d'aller vivre. Alors elle se taisait. Et pourtant le lien est là, qui se réveille dès qu'il est question de l'Etat juif dans les médias ou les conversations.» (
Carole Zalberg, À défaut d'Amérique)
Sous-titré Journal de Tel-Aviv, paru en Janvier 2016 aux éditions Intervalles, «À la trace» est la chronique au jour le jour d'un retour en Israël au printemps 2015, après trente ans, sur «cette terre magnifique et compliquée», pour un projet de fiction inspiré de la vie de ses cousins germains, Ido, Itaï et Nadav.
Cette chronique, et la question centrale qui l'habite du rapport ambigu à la terre promise, était sans doute en gestation dans ses précédents livres, en particulier «
A défaut d'Amérique», et elle peut aussi se lire dans la continuité de «
Chez eux», un roman inspiré par l'histoire de sa mère, une enfant juive cachée pendant la Seconde Guerre Mondiale.
En racontant sobrement au jour le jour les rencontres multiples et heureuses, parfois inattendues, avec une curiosité et une générosité qui ne se démentent jamais, en évoquant en quelques lignes l'exil en Israël de sa tante Mina en 1948, et sa participation à la fondation du kibboutz Kfar Hanassi, avec les images et souvenirs de son précédent voyage en Israël qui ressurgissent, et l'évocation au fil de ces rencontres et de ses souvenirs des sujets douloureux ou nostalgiques, comme la place centrale et particulière de l'armée ou le sort des migrants, les traces que laisse l'exil qui sépare ou rapproche, l'atmosphère particulière et le rêve envolé du kibboutz, si bien évoqué par
Amos Oz dans «
Entre amis»,
Carole Zalberg réussit à rendre compte simplement de la complexité du rapport affectif à Israël, en particulier pour ceux qui aiment ce pays tout en le considérant sans complaisance, et à faire toucher du doigt les intrications de cette société, sa vitalité et les mouvements contraires qui l'agitent.
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