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EAN : 9782253259626
336 pages
Le Livre de Poche (09/05/2019)
3.68/5   34 notes
Résumé :
En 1998, Gabriel et Ariane se croisent dans un musée du Havre, face à un figuratif argentin. Ils l'ignorent encore, mais l'Argentine et l'amour viennent de se poser là, entre eux. Chacun croit reprendre le cours de son existence. Pourtant Gabriel va voir ressurgir les douloureux fantômes, qu'il croyait avoir abandonnés à Buenos Aires, vingt ans plus tôt. Quant à Ariane, femme de diplomate, qui a vécu aux quatre coins du monde, Buenos Aires –; loin de la violence qui... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (13) Voir plus Ajouter une critique
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Pour bien des gens,dont je fais partie,évoquer l'Argentine,c'est avoir immédiatement sous les yeux des couples souriants et gracieux exprimant des sentiments merveilleux au rythme d'un tango effréné. Il n'en sera pas question dans ce roman.
Pour bien d'autres gens,dont je fais toujours partie,l'Argentine c'est ce pays porté sur le "toit du monde"du foot ball par un génie virevoltant,Maradonna.Il n'en sera pas question non plus,Non,la "main de Dieu"qui,ce jour là provoquait la fierté de tout un peuple,avait choisi le stade plutôt que des bâtiments tout proches d'où jaillissaient des cris de douleur et d'effroi.Là,tout près ,d'anciens fascistes,nazis,tortionnaires d'Algérie et autres exécutaient avec zèle
les basses oeuvres du dictateur Videla.
C'est d'ailleurs à cette époque qu'il faut resituer les événements sur lesquels s'appuie ce roman.Les femmes enceintes victimes d'arrestation sont gardées jusqu'à la naissance et,dès leur accouchement,disparaissent à jamais,emportées par les sinistres "vols de la mort",leurs enfants confiés à leurs tortionnaires,en récompense des services rendus,ou contre de l'argent,voire....
Clara est une enfant adoptée par Bertrand et Ariane et fait le bonheur de ses parents.Elle est l'un de ces enfants....
La rencontre d'Ariane et Gabriel va venir perturber un agencement fragilisé par la mésentente du couple et nous allons être entraînés à la rencontre des Grand-mères qui se sont organisées pour la recherche de leurs petits enfants..La quête identitaire de Clara est lancee.
Voici la trame de ce roman âpre ,dur,bouleversant qui nous place face à l'une des nombreuses exactions commises au cours de cette dictature.,sous le regard"fuyant"de nations dites "civilisées.
Les deux principaux protagonistes,Ariane et Gabriel vont bien entendu s'aimer mais leur relation retiendra bien moins notre attention que tout le contexte politique et social si bien développé en arrière-plan.
Le livre de Frédéric Couderc n'est pas facile à lire,on imagine mal une relation amoureuse dans pareille histoire.Elle sera évoquée avec pudeur et tact.On se met plus à douter de l'humanité, à désespérer, à s'interroger sur les causes d'une telle barbarie.
Cet ouvrage n'a sans doute pas non plus été facile à écrire et pourtant il s'avère être un document exceptionnel sur un pan de l'histoire mondiale contemporaine.
Oui,ce roman est très dérangeant mais le message qu'il délivre est fort,à condition d'être compris,ce qui est loin d'être acquis.
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la dictature argentine, j'ignorais tout, ou presque. Bien sûr, comme beaucoup d'entre nous, j'avais eu connaissance, de loin, de cette abomination, du Proceso, de la « Plaza de Mayo ». Bien sûr, je me souviens des images de ces mères, de ces grands-mères à la recherche des cinq cents bébés volés et distribués, tels des marchandises, dans les familles des militaires proches du pouvoir, des trente mille disparus dont elles brandissaient désespérément les photos, demandant Justice.

Le roman de Frédéric Couderc, « Aucune pierre ne brise la nuit », paru aux Editions Héloïse d'Ormesson, est une plongée apnéique dans les bas-fonds les plus sordides de cette période-là.

Tout commence autour d'un tableau exposé au Musée du Havre, oeuvre d'un peintre français vivant en Argentine, Ferdinand Constant, devant lequel Gabriel et Ariane se retrouvent. Un tableau, une rencontre, deux personnages qu'à priori rien ne lie. Lui est un argentin exilé, il porte les cicatrices d'un passé douloureux. Elle est française, mariée à un diplomate, mère d'une jeune fille Clara. Leur trait d'union sera l'Argentine, pays dans lequel Ariane et son époux ont vécu au plus sombre des années noires, de l'autre côté de la barrière, celui des privilégiés.

Il y a eux. Et il y a l'ombre de Véro, fiancée à Gabriel vingt ans plus tôt, et victime innocente (comme tant d'autres) d'une arrestation arbitraire, d'une détention inhumaine à l'ESMA, et d'une exécution atroce. Véro torturée, assassinée. Véro qui était enceinte. Qui portait l'enfant de Gabriel. Cet enfant qui lui a été arraché, comme tant d'autres .

« Il n'y a plus ni loi, ni espérance. Au fond de son abîme, elle cherche un nom à ces monstres, ces nazis. Ils sont cruels, sanguinaires, inhumains, mais elle ne trouve pas comment les qualifier, il n'y a pas de mot » .

Alors qu'Ariane apprend, par un concours de circonstances que sa fille est un bébé volé, Gabriel part à la recherche de son enfant. Tous deux, unis par un amour puissant, par une évidence que seul le coeur reconnaît, se lancent dans une quête de leurs vérités. Celles-là mêmes qui vous laissent pantois, tant elles vous surprennent, tant le fil conducteur de l'intrigue est savamment mené.

Le roman s'ouvre sur un tableau (on apprendra plus sur son auteur, au fil des pages). Moi, lectrice, j'apparente l'écriture de Frédéric Couderc à une oeuvre picturale. Une oeuvre au couteau. Pour donner ce relief indispensable à la puissance née d'une ignoble réalité. Un tableau, oui, dont les personnages, tout en nuances, oscillent entre scrupules, peur, colère, envie de vengeance, pardon.

Un tableau avec , à l'arrière-plan, l'horreur. Comme elle est indicible, alors il la suggère. A la perfection. Avec cette retenue qui en fait toute la grandeur. Avec émotion. Avec cette question lancinante sur l'identité qu'il faut construire quand on n'est pas qui on croyait être. Il peint ces femmes qui se battent au nom de la Vérité. Envers et contre tout.

« La vérité n'est pas toujours un soulagement, elle peut te mener à une impasse redoutable »

Aucune pierre ne brise la nuit est une lecture aussi marquante que nécessaire. J'ai beaucoup beaucoup appris. Des horreurs dont je ne soupçonnais pas l'existence. Des ignominies enterrées. Ce lien vomitoire entre l'OAS et le Proceso. L'Algérie comme terre d'apprentissage.

C'est le coeur retourné que j'ai refermé ce splendide plaidoyer pour la Liberté, cette belle histoire d'Amour , que je vous recommande plus que vivement, par ces temps ambiants.

« Certaines rencontres ont l'air programmées, comme si la roue du destin nous téléguidait, mais c'est une illusion Oui, des cascades de coïncidences peuvent profondément changer une vie, peut-être même qu'elles obéissent à leur propre logique, mais inutile de les interpréter. On doit juste se débrouiller avec ça, à l'instinct. »
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Il y a des romans qui vous touchent plus personnellement, plus intensément. Ce fut le cas pour moi avec le dernier opus de Frédéric COUDERC qui nous offre un récit terriblement romanesque et documenté sur les enfants volés d'ARGENTINE sous la dictature militaire et le combat des Grands-mères de mai.

Une histoire bouleversante et un contexte historique terrifiant qui m'ont captivée.

Ariane et Gabriel contemplent tous les deux la toile d'un grand peintre de BUENOS AIRES lors d'une exposition au HAVRE. Entre le réfugié argentin et la belle quadragénaire, la discussion s'engage et très vite l'attirance naît. Outre leur intérêt pour la peinture, ils partagent leur expérience de la capitale argentine, puisque Ariane, femme de diplomate, a vécu quelques années en tant qu'expatriée dans la mégapole. Gabriel, hanté par la disparition de sa fiancée 20 ans plus tôt sous la dictature de VIDELA, a été bouleversé par cette rencontre furtive mais intense et il provoque à nouveau un rendez-vous inopiné. Ariane sous le charme de ce beau brun, traverse une période difficile, envahie de doutes, elle se confie à lui. Suite à la découverte de documents compromettants concernant l'adoption en ARGENTINE de sa fille, Clara, Ariane soupçonne son mari d'avoir orchestré cette procédure illégale. Très vite, Gabriel et Ariane arrivent à la conclusion que Clara est peut-être une enfant volée d'ARGENTINE et c'est en couple, plus forts que jamais, qu'ils décident de tout révéler à la jeune fille et de partir à BUENOS AIRES pour découvrir ses origines aussi terribles soient elles… Cette quête de vérité fera ressurgir les fantômes et les atrocités du passé pour Gabriel et Ariane.

Frédéric COUDERC réussit le tour de force de nous conter une très belle histoire d'amour sur fond de tragédie humaine qui nous captive et nous bouleverse. Dans les années 70 en ARGENTINE, il nous explique les enjeux du régime militaire, dénonce ses acteurs et n'hésite pas à pointer du doigt la France qui a intrigué sous VIDELA. Impossible de rester insensible au récit macabre des vols de la mort, ces vols pendant lesquels les opposants au régime militaire étaient « balancés » des avions pour voir leur corps se disloquer à leur arrivée au contact de l'océan, impossible de ne pas imaginer les horreurs de la torture que les victimes ont dû endurer avant leur assassinat et enfin impossible de ne pas partager les angoisses d'Ariane à la recherche des origines obscures de sa fille Clara. Surtout lorsque, comme moi, vous êtes mère adoptive d'une princesse venue d'ailleurs.

Mais le roman de Frédéric COUDERC, c'est aussi une rencontre magnifique entre deux solitudes, entre deux âmes en quête, entre Ariane et Gabriel qui se reconnaissent au premier regard et ne pourront vivre l'un sans l'autre jusqu'à la découverte de la vérité pour l'un et pour l'autre, qui deviendront au fil des pages amants et confidents. J'ai aimé leur intimité, leur enquête pour savoir, pour enfin découvrir comment Véro, le premier amour de Gabriel est morte et comment Clara a pu être confiée à l'adoption et dans quelles conditions.

AUCUNE PIERRE NE BRISE LA NUIT a été pour moi une magnifique lecture que je vous invite à partager, un roman sur le deuil, les origines et les barbaries humaines perpétrées par la junte argentine …mais aussi une formidable histoire d'amour !



MYMY

Lien : http://cousineslectures.cana..
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Très beau récit, de Frédéric Couderc, ancien reporter, relatant un terrible pan de l'histoire, sous la dictature militaire en Argentine. Des militants d'extrême droite, des nazis, ont commis des atrocités dans ce pays, et nombreux sont les pays qui ont fermé les yeux et les ferment encore aujourd'hui... Des milliers de bébé ont ainsi été volés à leur naissance, leurs mères tuées. Ces bébés ont été vendus sans que les parents adoptifs ne connaissent leur origine. C'est le cas de Clara, la fille d'Ariane. Elle a 20 ans lorsque Ariane découvre qu'elle fait partie de ces bébés volés.
Gabriel, un réfugié argentin, a fui le drame, la mort de sa femme. Tandis que Clara part à la recherche des origines de sa fille, Gabriel va chercher son enfant. Par un curieux hasard, ils se rencontrent dans un musée et leur idylle commence.
Leur histoire d'amour les porte et apporte à l'histoire un souffle romanesque et tempère les horreurs racontées.
Un récit dur, mais nécessaire!
On y sent l'expérience et les connaissances inhérentes au journaliste.
Les « abuelas » , ces grand mères à la recherche des bébés volés ont fait un travail de recherche absolument remarquable pour que les familles puissent enfin se réunir et rétablir leur filiation.

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A la fin des années 90, dans un musée au Havre, deux personnes contemplent le même tableau. Il s'agit de l'oeuvre d'un inconnu, mais apparemment tous deux connaissent soit l'auteur du tableau, soit l'époque et le pays, l'Argentine, sujet de l'exposition temporaire « Français d'Argentine ». Lorsque Gabriel propose à Ariane de boire un verre, il ne s'attend certainement pas à tout ce qui va suivre.
Lui est argentin, émigré en France depuis de nombreuses années, il a fui la dictature, les années sombres, et s'est réfugié dans une vie de marin solitaire. Elle est femme de diplomate, les pérégrinations de son mari l'on emmenée à Buenos Aire aux pires moments de la dictature. C'est d'ailleurs là qu'elle a eu le grand bonheur de pouvoir adopter sa fille chérie, Clara. Leurs destins se sont d'ailleurs peut-être croisés à ce moment-là, tout comme ils se croisent à nouveau aujourd'hui.
Attiré par cette femme qui lui rappelle tant Veronica, son amour perdu d'Argentine, Gabriel le solitaire va nouer rapidement des liens étroits avec Ariane.
De discussions en découvertes, Ariane s'éveille à la réalité d'une vie dont elle ne soupçonnait rien, elle qui vivait dans le cocon douillet des expatriés aisés et protégés. Elle comprend au contact de Gabriel les horreurs et la douleur qu'ont vécus les argentins lors de la dictature dans les années 70/80, celles des jeunes enlevés par la junte, victimes de tortures, disparus à jamais lors des vols de la mort pratiqués par l'ESMA (Escuela de Mecánica de la Armada), celle aussi des grands-mères de place de mai, qui tentent aujourd'hui encore de retrouver leurs petits-enfants, bébés volés par le pouvoir et la plupart du temps adoptés par les nantis protégés par la junte militaire.
De découvertes en soupçons, Arien comprend que Clara, peut-être… Mêlant adroitement une belle et intense histoire d'amour, parfois trop belle pour être possible d'ailleurs, tant la douleur et le chagrin peuvent être des obstacles puissants à accepter le bonheur quand il se présente, à une réalité historique édifiante et douloureuse. le rôle des militaires, la violence de la dictature, les tortures subies par les desaparecidos, le rôle des français de l'OAS en soutien aux tortionnaires argentins, rien ne nous est épargné et c'est tant mieux. Et si le récit foisonne de détails, ils ne sont jamais prégnants et n'effacent pas le plaisir de la lecture, même si avouons-le ils nous tirent parfois quelques larmes et nous procurent de grandes émotions.
Ce que j'aime particulièrement dans les romans de Frédéric Couderc, c'est qu'il arrive à créer un subtil équilibre entre l'intrigue romanesque qui fait que l'on s'attache aux personnages et le thème et la vérité historique particulièrement maîtrisée, et qui nous rendent un peu moins ignorants.
Chronique complète sur le blog Domi C Lire : https://domiclire.wordpress.com/2018/06/12/aucune-pierre-ne-brise-la-nuit-frederic-couderc/
Lien : https://domiclire.wordpress...
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critiques presse (1)
Actualitte
27 juillet 2018
Avec beaucoup de finesse et de sensibilité, Frédéric Couderc nous rappelle que des milliers d’enfants sont encore à la recherche de leurs racines et que les Abuelas de la Place de mai luttent sans relâche pour donner aux victimes de la dictature les réponses depuis si longtemps attendues.
Lire la critique sur le site : Actualitte
Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Dans le musée étincelant de soleil, Ariane ne fut d’abord qu’une illusion. À sa place, Gabriel imagina Véro, ses yeux tendres et ses lèvres pulpeuses. Cette femme lui ressemblait tant qu’on eût dit sa fiancée, à l’époque où il étudiait aux Beaux-Arts : sa silhouette haut perchée sur ses talons Bally, sa façon de croiser les jambes, de sourire, tout cela le percutait de plein fouet. Malgré les années, ses souvenirs le pétrifiaient encore. Et puisque l’horreur s’infiltrait toujours jusqu’à l’os, il endura un instant sa terreur, le cauchemar de tout ce qu’elle avait vécu.
Gabriel crispa les poings pour ne pas trembler comme une feuille. Il jeta un coup d’œil circulaire à la mezzanine et tâcha de se reprendre en fixant la mer par-delà le port et la capitainerie. Il releva la tête et inspira profondément. C’est ainsi qu’il repoussait les courants du passé et retrouvait son souffle. Lui parvint un parfum de femme, des effluves de fleurs blanches. Bientôt l’odeur recouvrit tout. Elle prit le pas sur ses rêveries. Véro se dilua. Ariane s’imposa dans son champ de vision.
Ils se trouvaient à moins d’un mètre l’un de l’autre, admirant le tableau d’un figuratif argentin. Chacun de leur côté, ils détaillaient avec attention les dockers à l’ouvrage, les grues, les bateaux, les sacs de blé et de charbon. Rien ne manquait à ce spectacle coloré du Nouveau Monde parti pour ravitailler l’ancien.
– Le grupo de La Boca, murmura soudain Ariane.
Intriguée, elle se pencha pour lire une notice à moitié retranscrite, accrochée au panneau mobile avec ce titre énigmatique : « Quand vous traversez le port, évitez les condamnés à mort ! »
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Constant déboulait d’Oranie. Il avait un repère : la troisième bougie de Véronique, soufflée à la ferme avant son départ. On était à la mi-58, il se présentait pour un semestre à l’Ecole de guerre, un piston « au nom de l’Art » qu’il devait à Hardy, tout juste nommé « Père Légion » à Sidi-Bel-Abbès. Jusque là incorporé au QG du quartier Vienot, il savait exprimer en quelques traits les sentiments et émotions des légionnaires. Exercice, manoeuvre, casernement, campement, reconnaissance, progression, déplacement, tirs d’artillerie, observation… Ses dessins, aquarelles et croquis, d’inspiration orientaliste, s’éloignaient de la gloire militaire pour isoler le combattant dans une scène de brousse ou de vie quotidienne. Depuis les Beaux-Arts d’Alger, sa réputation le plaçait au niveau d’un Roger Jouanneau-Irriera dont les toiles décoraient le mess du square Bresson, tout près de l’Opéra. Au titre reculé de peintre des batailles, il avait reçu celui de peintre aux armées, avec rang de capitaine. Son insigne brandissait le laurier, le chêne et l’épée basse – emblème des hommes présents sur les théâtres d’opération, mais dépourvus d’armements.
Paris s’était présentée au détour d’une interview du conservateur de l’École militaire, publiée par l’hebdo de la soldatesque, Le Bled. « Si seulement l’École du Louvre n’était pas ce repaire de gauchistes », s’apitoyait le maître des lieux. Selon l’article, les grands tableaux du salon des Maréchaux étaient jaunis par le temps. Les médaillons au-dessus des portes pâlissaient, les dorures grisaient… Constant avait su lire entre les lignes. Le brave gradé ne pouvait compter sur aucun atelier de restauration. On avait d’autres chats à fouetter à l’état-major. Il avait donc fait sa proposition de nettoyage : si on lui confiait un tel chantier, il ôterait les repeints des précédentes restaurations et allègerait les vernis. Pour mettre toutes les chances de son côté, il avait eu l’audace de suggérer à Hardy de le recommander là-bas. Ainsi s’était-il retrouvé un semestre entier à Paris à redonner de la transparence et une nouvelle jeunesse aux oeuvres du peintre Jean-Baptiste Paon. Depuis plus d’un siècle, l’École supérieure de guerre sélectionnait les meilleurs officiers des armées françaises, amies et alliées. L’état-major n’en avait alors que pour Massu et ses huit mille paras. Lancée dans Alger avec tous les pouvoirs, sa 10e division venait de réduire à néant le FLN.
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Certaines rencontres ont l’air programmées, comme si la roue du destin nous téléguidait, mais c’est une illusion Oui, des cascades de coïncidences peuvent profondément changer une vie, peut-être même qu’elles obéissent à leur propre logique, mais inutile de les interpréter. On doit juste se débrouiller avec ça, à l’instinct.
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Venganza. Les fois où il s’interrogeait sur son désir de réparation, Gabriel tournait en rond. La justice fonctionnerait peut-être un jour en Argentine, des politiques auraient le cran d’abolir les lois d’amnistie, et alors les bourreaux de Véro seraient entendus par un juge, et même punis… Mais comme il l’avait dit à Esteban, Gabriel ressassait toujours les mêmes doutes. Jamais les coupables ne subiraient la souffrance des disparus et de leurs proches. À ses yeux, un jugement public importait peu. Depuis le temps qu’il se repliait sur lui-même, son costume de paria lui collait trop à la peau pour qu’il réclame justice. Il s’y refusait, même, car il n’avait plus aucun idéal à défendre ni à préserver. Des réparations ? Il ne pouvait rien réparer du tout car le crime contre Véro débordait la conduite des tortionnaires : la société argentine dans son ensemble avait failli à la protéger. Ils étaient tous coupables, lui inclus. Trente mille disparus, c’était impardonnable.
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Dans la cabine, la montée fut un petit miracle : l'engin fonctionnait, bien que frottant sur les cloisons. Arrivés au septième étage, ils se retouvèrent directement propulsés sur les toits de Paris. La vue s'ouvrait théâtralement à trois cent soixante degrés sur la Ville Lumière, les plaçant dans un halo clair-obscur. Ils n'entendaient plus rien des bruits de la rue. Une paix de colossse au repos.
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Vidéo de Frédéric Couderc
Retrouvez le live du Camion qui Livre pour cette quatrième étape 2019 à Collioure avec Frédéric Couderc et Mickaël Thévenot.
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