Les tabous de l'Histoire/
Marc Ferro
Un tabou, c'est ce sur quoi on fait silence par crainte ou par pudeur. Par exemple, ce fut longtemps le cas d'une façon générale en France pour ce qui concerne la vie privée et la fortune des hommes publics. Ce fut aussi le cas de la torture pratiquée en Algérie durant la guerre, la censure ayant dans un premier temps imposé un silence total. Et puis le cas de la sexualité de Jeanne d'Arc n'a jamais est toujours resté un sujet tabou absolu.
L'autorité que s'est attribuée la papauté fait partie aussi de ces tabous et
Marc Ferro nous explique par quel tour de passe - passe l'évêque de Rome obtint la, prééminence sur les autres évêques. En effet la Donation de Constantin qui confirme l'évêque de Rome Sylvestre 1er (314-335) dans sa fonction de pape est un faux avéré !
Autre exemple : sur les origines du pouvoir bolchévik en 1917 régna un vrai tabou traduit par le comportement de
Lénine ainsi que des historiens soviétiques. Toujours au sujet de
Lénine, il était tabou d'évoquer ses ancêtres allemands, juifs et tatars, les trois peuples ennemis de la Russie.
Je ne peux citer tous les tabous ayant trait aux deux guerres mondiales et qui ne furent levés bien souvent que très récemment.
Marc Ferro les aborde avec une grande connaissance de l'Histoire.
Un certain nombre de tabous entourent aussi l'assassinat de la famille impériale russe en juillet 1918 par les bolcheviks. Est très intéressant dans le détail le récit de l'exécution de la famille impériale faite par les deux seuls témoins oculaires, Medvedev et Jurovski. Témoins oculaires dont le témoignage aboutit au rapport Sokolov publié en 1924.
Mais certains membres de la famille auraient échappé au massacre et même
Nicolas II n'aurait pas été exécuté comme il est précisé. Voir aussi l'affaire Anastasia. L'affaire rebondira jusqu'en 1987. On découvre que l'affaire ne s'est pas du tout passée comme le dit le rapport Sokolov.
Un autre thème est souvent resté tabou à savoir l'histoire des juifs berbères d'Afrique du Nord.
Marc Ferro développe ce sujet en montrant que les juifs espagnols étaient d'origine berbère et non issus de la diaspora. de même, la plupart des juifs d'Europe centrale ne sont pas d'origine sémite et seraient descendants du royaume khazar dont le monarque s'était converti au judaïsme à partir du IX é siècle.
Marc Ferro montre qu'il n'y a pas de « race juive », les juifs étant issus de divers horizons. le musée de la diaspora à Tel-Aviv montre l'infinie variété des communautés juives qui ont existé : de la Lituanie au Yémen et à l'Inde, de l'Éthiopie à la Khazarie, de la Grèce au Maroc ou à Boukhara en Asie centrale.
Ensuite,
Marc Ferro aborde l'oeuvre du cinéaste Fassbinder qui abonde en sujets tabous.
Un livre bien documenté et instructif, parfois un peu touffu, évoquant la part d'ombre et de lumière de l'Histoire, avec ses silences, ses mensonges, ses oublis. Un livre qui donne l'envie d'en savoir plus, car en définitive peu de sujets sont abordés en profondeur dans cet ouvrage, l'histoire des Romanov en occupant près de la moitié. le titre « Quelques tabous de l'Histoire, » eut été plus approprié.