Lecture Jeune, n°132 - décembre 2009 - Paris 1980, une foule s'est rassemblée au cimetière Montparnasse pour rendre un dernier hommage à celui que l'on devine être
Jean- Paul Sartre. Michel, le narrateur, y retrouve Pavel, un vieux monsieur qu'il n'a pas revu depuis quinze ans. Commence alors le récit de son adolescence parisienne, de 1959 à 1964. Très jeune, il cherche à échapper à l'atmosphère familiale contraignante. Il partage son temps entre le lycée Henri IV et le café le Balto, place Denfert-Rochereau où il devient un as du baby-foot. C'est un garçon passionné de littérature, de photographie et en admiration devant son frère aîné, Franck, et ses amis Pierre, le révolté et sa soeur Cécile. Mais sa vie bascule quand il découvre, dans l'arrière-salle du café, «
le club des incorrigibles optimistes ». Ce sont des exilés des pays de l'Est qui ont fui la terreur stalinienne et les régimes communistes pour sauver leur peau, abandonnant leur famille, leurs biens et leur statut social. Chacun ra
conte sa vie de déclassé, contraint à la misère et aux petits boulots dans une France qui ne veut pas les intégrer. Dans ce bistrot chaleureux, tenu par un couple d'auvergnats, ils se livrent à leur passion, les échecs, tout en discutant bruyamment politique. Michel y croise
Sartre et entend parler de
Kessel, de Noureev. Il y découvre que, malgré leurs engueulades, ces hommes sont généreux et solidaires. Son initiation se poursuit sur fond de guerre d'Algérie, la désertion de son frère, et le divorce de ses parents, mal assortis. C'est dans ce chaos qu'il rencontre l'amour et Sacha, personnage étrange dont la mort atroce lui donne la clé de tous ces mystères.
C'est un roman-fleuve ambitieux qui rend sensible toute une époque dans son quotidien comme dans ses enjeux politiques historiques. Cette abondance de références peut constituer un obstacle à la compréhension sauf si on se laisse emporter par les récits d'amours romanesques, des parties d'échecs mémorables, des fêtes russes à tout casser. L'auteur a su maîtriser son récit, trouver le ton juste, l'humour, pour exprimer la formidable énergie et la profonde humanité qui permet de survivre aux idéaux perdus. Colette Broutin