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Critiques (983)
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Ippon

Lecture Jeune, n°129 - mars 2009 - Flash-back sur un braquage : quatre coupables et une seule arrestation. Plusieurs années se sont écoulées lorsque Dominique venge Claude, qui a fini par se suicider, après un long séjour derrière les barreaux. L'ambiguïté des prénoms, masculin ou féminin, est un habile procédé, qui permet de centrer le récit autour de Claude, une femme courageuse qui n'a pas voulu dénoncer ses trois complices. L'univers carcéral s'est refermé sur elle, jusqu'à la pousser à un acte irrémédiable. le lien entre les personnages est peu à peu dévoilé : le frère a décidé de rendre « justice » à sa soeur et le déroulement est inéluctable, comme dans une tragédie antique. Jean-Hugues Oppel dénonce ici l'enfer de la prison et les humiliations quotidiennes. le roman met aussi en cause la « vendetta », mécanisme de la haine qui ne peut tenir lieu de justice. Ce texte peut amorcer un débat sur la justice et la prison. Un exemple de roman noir réussi ! ? Cécile Robin-Lapeyre
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Demandons l'impossible

Lecture jeune, n°127 - le titre de l'oeuvre nous plonge d'ores et déjà d'emblée dans l'univers de mai 1968 et de ses slogans devenus célèbres... Hervé Hamon nous raconte les aventures d'une famille parisienne modeste, avec un père cheminot syndicaliste, une mère au foyer, deux fils brillants – un interne en médecine et un futur normalien, maoïste convaincu –, une fille lycéenne, un oncle gaulliste et un prêtre en mal de mariage. La famille va partiellement imploser, chacun intimement touché par les événements, chacun vivant ses propres expériences. le récit est porté par la mère, Mélina : d'abord spectatrice, elle va vivre une incroyable émancipation tandis que le père de famille va, lui, s'effacer en une sorte de gardien du foyer, créant une amusante inversion des rôles. Hervé Hamon, longtemps auteur d'essais et de documentaires – dont le fameux Génération sur mai 68, coécrit avec P. Rotman et réédité cette année –, s'est tourné vers le roman en 2007 et récidive avec cet ouvrage. Il choisit la forme du feuilleton car la multiplicité des dialogues, des péripéties et des points de vue permet d'approcher sans lourdeur le foisonnement et les contradictions de l'époque. La famille qu'il nous présente reflète assez fidèlement les lignes de fracture et les orientations politiques de la société française d'alors. Les personnages vivent tous, parfois dans la douleur, la remise en question des rapports humains (homme-femme, employeuremployé, parent-enfant, enseignant-élève...) et des valeurs d'ordre et d'autorité. Violences et fêtes improvisées, solidarité et sectarisme se côtoient. Dans ce grand tourbillon romanesque, très peu de célébrités : le feuilleton restitue sous une apparence légère, humoristique et avec justesse l'atmosphère de ce mois de mai et sa complexité. Une grève générale, une libération de la parole et de l'imagination, un soulèvement des jeunes, la violence, l'angoisse de la droite, l'émancipation des femmes, rien n'est oublié. Voici donc enfin une approche de mai 1968 documentée mais sans prétention, pleine de tendresse mais sans nostalgie, ni poncifs ni manichéisme.

Marie-Françoise Brihaye
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Paroles clandestines : Les étrangers en situa..

Lecture jeune, n°126 - À l'heure où l'immigration fait débat dans notre société, ce nouveau titre de la collection engagée et militante des éditions Syros, traite sans langue de bois de la situation des sans-papiers dans l'hexagone. Tout d'abord, cinq témoignages rendent compte de situations diverses et des souffrances liées à leur reconnaissance sur le territoire français. Ainsi, J., d'origine camerounaise, qui ne parvient pas à faire venir sa femme en France, bien qu'il ait lui-même un travail ici ; ou encore K., en France depuis 15 ans, qui fait partie des « ni-ni », c'est-à-dire, ni régularisé ni expulsable et qui effectue régulièrement des séjours en prison. Leurs propos sont complétés par un dossier qui rappelle l'histoire de l'immigration, les règles pour entrer et séjourner en France et le statut des sans-papiers. Enfin, l'entretien avec Serge Daniel, journaliste béninois qui a enquêté sur les candidats africains à l'immigration en Europe, apporte un point de vue pertinent sur ce qui se passe en amont en Afrique. À la fin de l'ouvrage, des définitions, une bibliographie, des sites Internet, etc. sont proposés pour aller plus loin sur le sujet.

Ce titre se veut fidèle à l'état d'esprit de la collection en dénonçant des rouages administratifs et juridiques occultant la plupart du temps, une dimension humaine qui sous-tend le parcours des sans-papiers. Enfin, il n'y a pas d'idées préconçues, dans cet ouvrage à vocation pédagogique, mais une évidence : c'est par nécessité et non par plaisir, que l'on devient un immigré.

Anne Clerc
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Lucille

Lecture jeune, n°118 - Lucille a seize ans. Elle est anorexique. Arthur a dix-sept ans. Enfant, il accompagnait son père au bar et comptait les verres. Depuis, il dénombre toujours tout et a pris l'habitude d'aller chercher son père trop saoul. Jusqu'au jour où cet homme tourmenté se suicide. Arthur et Lucille se rencontrent, se comprennent et décident de partir. Ensemble, au fil de leur voyage, ils se renforceront et s'épanouiront, libres et amoureux. L. Debeurme accorde à ses personnages plus de cinq cent pages pour tenter de se construire et de s'aimer. le temps aussi pour le lecteur de trouver la bonne distance et de gérer la proximité offerte, la confrontation avec des corps abîmés, visages angoissés et cauchemars révélés. L'ouvrage pourrait se rapprocher du graphic novel, mais ici c'est bien l'illustration qui façonne le récit. Pleine page, dessin au trait, le livre comme espace de liberté... La voix des adolescents, leurs interrogations et échanges sont justes. le personnage d'Arthur, fils d'un marin polonais violent et alcoolique, pose douloureusement la question de la filiation et parvient à nous émouvoir. Parfois pourtant on peut ressentir un petit manque de sincérité de l'auteur, un peu trop « appliqué ». _ Hélène Sagnet
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Little Boy : La passion

Lecture jeune, n°117 - George Kane est l'aviateur qui largua sur Hiroshima cette bombe H au nom de code dérisoire : Little boy. Acclamé en héros aux Etats-Unis, George réalise qu'il n'a plus de repères, plus d'identité : il choisit alors de se faire appeler Little boy. Son univers familier est irrémédiablement détruit, au même titre que la région laissée dévastée derrière lui. En son pays, il devient L'Etranger. Hanté par son crime odieux et par le doux visage d'une japonaise qu'il a peut-être aimée là-bas, il se mure peu à peu dans la folie. Sa mémoire et son esprit sont aussi fendillés que les verres des lunettes qu'il porte. A son retour, son premier geste fut de les fouler du pied. Ainsi, il ne voit plus la réalité qu'à travers ce prisme. Quelle réalité ? le lecteur la saisit par fragments dans les monologues de George, les récits de l'amoureuse japonaise fantasmée, les témoignages croisés de l'épouse démunie, de l'instituteur admiratif, des voisins fiers mais inquiets. Une écriture virtuose sert cette pièce magnifique à la construction kaléidoscopique. Gaëlle Glin
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Little Boy : La passion

Lecture jeune, n°117 - Par quel processus absurde une nation en arrive-t-elle à aduler un meurtrier au bord de la folie ? Antihéros, le personnage de George évoque indéniablement L'Etranger d'Albert Camus. George admire d'ailleurs tant l'oeuvre du romancier qu'il en vient à se lancer à sa recherche en France. Mais, ironie du sort, Camus est aux Etats-Unis pour une série de conférences et les questions de George resteront sans réponse. L'émotion est intense : le sujet tragique est traité dans un registre poétique et permet une plongée dans l'imaginaire d'un être aliéné mais aussi passionné. Anne-Solène Lescaille
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L'étrange vie de Nobody Owens

Lecture Jeune, n°130 - juin 2009 - L'Étrange vie de Nobody Owens s'ouvre sur un massacre sanguinaire. Alors que toute sa famille est assassinée par « le Jack », seul un tout-petit âgé de 18 mois parvient à s'échapper et à se réfugier dans le cimetière voisin. Un couple de fantômes, Mr et Mrs Owens, décide d'adopter l'enfant et de l'élever à l'écart des dangers du monde. Chapitre après chapitre, le lecteur découvre l'univers fascinant du cimetière. Mais l'intrigue met du temps à reprendre le dessus. Il faudra attendre une centaine de pages pour que « le Jack » revienne à la poursuite du jeune survivant, Bod... Avec ce roman d'apprentissage sombre et émouvant, Neil Gaiman rend hommage au Livre de la jungle de Rudyard Kipling. S'il s'inspire ouvertement de grands auteurs - Coraline était la petite soeur d'Alice de Lewis Carroll - son talent de conteur crée des univers oniriques uniques. Neil Gaiman nous entraîne dans une histoire surnaturelle, macabre et poétique où les cimetières sont des sociétés communautaires et où les fantômes se révèlent sages, affectueux et solidaires. C'est dans cette enclave protégée que Bod va grandir et acquérir son autonomie. Peu à peu, il va découvrir les résidents de cet étrange village et explorer des pierres tombales qui s'ouvrent sur des mondes parallèles et des caveaux dont on ne revient jamais... le roman est superbement mis en valeur par les illustrations de Dave McKean. L'Étrange Vie de Nobody Owens va être adapté au cinéma par Neil Jordan, le réalisateur du film Entretien avec un vampire. Il ne reste qu'à espérer que le film fasse honneur à l'ambiance mélancolique et fantaisiste de ce roman. Rozenn Muzelec
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Pendant le reste du voyage, j'ai tiré sur les..

Lecture Jeune, n°130 - juin 2009 - le narrateur, Emil, est un jeune Roumain de 13 ans, seul à Turin. Ce fils d'immigré clandestin entreprend un long périple jusqu'à Berlin, puis Madrid, en passant par Toulouse, pour rejoindre son grand-père, comédien ambulant et contestataire qu'il n'a jamais vu, mais dont il rêve. Emil a pour seul viatique son sac de sport, ses bandes dessinées de Tex et les lettres de son père et de son grand-père. le roman épouse l'imaginaire et la sensibilité du garçon mêlant, sans transition, les péripéties de son voyage et des scènes de ses bandes dessinées favorites auquel il s'identifie. C'est un récit foisonnant et baroque, version moderne des romans picaresques, où le héros côtoie toutes sortes de personnages et séjourne dans des lieux emblématiques d'une Europe en pleine mutation : la gare de Turin et les bandes de zonards, les squats de Berlin, Madrid et son quartier Lavapiés multiethnique. Comme ce voyage, le fil du récit est chaotique et déroutant. Une autre histoire s'y intercale, elle aussi à la première personne, donnant progressivement les clés du comportement du héros. Des digressions laissent place à des contes, des récits de vie des divers personnages, des descriptions dignes du guide du Routard. On y retrouve l'influence de Georges Perec et le goût pour les références culturelles. Il s'agit bien d'un voyage initiatique dont Emil sort enrichi de rencontres généreuses, d'instants au goût de bonheur. Car le charme de ce personnage, c'est aussi son plaisir pour les mots parce qu'ils permettent de communiquer mais aussi de se construire dans une dimension poétique. C'est un livre pour bon lecteur, à l'écriture résolument moderne. Colette Broutin
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Rocher rouge

Lecture Jeune, n°130 - juin 2009 - Une joyeuse bande de vacanciers accoste sur une île paradisiaque, sous les Tropiques. Ils sont jeunes, ils sont beaux et ils sont déterminés à laisser libre cours à leurs pulsions et à leurs envies. le début prend des allures de vaudeville ; l'ambiance est légère, propice à la séduction et à la sensualité exacerbée... Mais le lecteur n'est pas dupe : à peine les héros ont-ils posé le pied sur l'île que le lecteur retient sa respiration. Une légende ancestrale veut que ce petit coin de paradis abrite un monstre ! le terrible Maboukou qui décapite ses victimes et leur dévore le crâne. Mais la menace n'est pas nécessairement là où l'on croit. On entre d'emblée dans l'intrigue magistralement construite. le lecteur se laisse porter par un rythme effréné, un ton de narration cru et violent et un graphisme saisissant. le scénario pioche sans modération dans les codes des « teen movies» et les adapte avec énergie à la bande dessinée. Comme dans les pastiches de films d'horreur façon Scream, le lecteur assiste le coeur battant et la mine réjouie, à un véritable massacre. À noter également les références aux émissions de télé-réalité comme Koh-Lanta et L'île de la tentation. L'auteur et le dessinateur assument pleinement ces emprunts et les clichés qui les accompagnent, grossissant le trait avec jubilation. Ainsi les scènes d'horreur et de sexe se répondent, l'adrénaline grimpe en flèche ! Une lecture aisée, mais pour lecteurs très avertis. Marie-Lys de Cerval
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Le journal d'Aurore, Tome 3 : Rien ne va plus

Lecture Jeune, n°131 - septembre 2009 - Aurore n'a rien perdu de son mauvais caractère dans ce troisième et dernier tome, où elle relate son quotidien alors qu'elle est désormais en classe de 2de. Pour le plus grand plaisir des lecteurs, elle porte toujours lettres qui tente désespérément de lui donner goût à la littérature, sa petite soeur Sophie qui s'avère très bonne cuisinière, son groupe de musique Blanche-Neige et les sept nains, dont elle est le leader, etc. À 15 ans, Aurore commence à voler de ses propres ailes et l'amour pointe le bout de son nez. Une vie (trop) remplie qui rend difficile la rédaction de son journal.
Ce dernier volet est réussi et on se surprend à rire à de nombreuses reprises, notamment lorsqu'Aurore partage ses analyses littéraires impertinentes comme elle le fait pour La Princesse de Clèves : « Je pense que ce livre est très intéressant pour une jeune fille qui est soit déjà mariée, soit amoureuse, soit très proche de sa mère, soit à la cour d'une famille royale, soit morte depuis plus de trois cents ans. Dans mon cas, je suis vivante et ma famille n'est pas royale du tout. » Enfin, l'auteur en profite pour distiller çà et là une critique à l'égard des détracteurs de la littérature jeunesse, notamment lorsqu'Aurore prend plaisir à lire Des fleurs pour Algernon, ce que réprouve son professeur estimant que ce n'est pas de la littérature... Un dernier tome qui défend les oeuvres pour la jeunesse, drôles, impertinentes, légères et modernes. Anne Clerc
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On s'est juste embrassés

Lecture Jeune, n°131 - septembre 2009 - « Je m'appelle Aïcha Boudjellal. Mais c'est seulement mon nom qui est arabe. Moi, je ne le suis pas. » La jeune fille, âgée d'une quinzaine d'années, partage un petit appartement avec sa mère, qui l'élève seule. Elle est secrètement amoureuse de Walid, le frère de sa meilleure amie Sabrina. Ce dernier raconte qu'ils ont fait plus que simplement s'embrasser. le scandale éclate lorsque la rumeur se répand dans la cité, jetant l'opprobre sur Aïcha. Il en découle une situation dramatique. L'adolescente quitte le collège et sa mère sombre dans une profonde dépression. Au fil du roman, le lecteur découvre qu'il ne s'agit pas que d'une question d'honneur mais d'une histoire familiale où les femmes sont honteusement rejetées.
Les auteurs français se font rares dans la collection « Scripto » et les romans qui se font écho de notre société sont peu nombreux chez Gallimard Jeunesse. Isabelle Pandazopoulos propose une oeuvre à l'écriture singulière où la rumeur n'est qu'un prétexte. le roman décrit les difficultés qui se présentent aux jeunes femmes dans certains milieux fermés de la banlieue. Il s'agit également de démontrer l'importance de la filiation, de lever le voile sur les secrets de famille afin que les scénarios ne se répètent pas. le récit est très sombre, parfois maladroit, mais de nombreux lecteurs seront séduits par le style et le destin d'Aïcha. Anne Clerc
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Sac à dos

Lecture Jeune, n°131 - septembre 2009 - Plus d'une trentaine de poètes sont présentés dans cette anthologie qui dresse un panorama - non académique - de la poésie actuelle. La sélection comporte des poèmes en vers et également des textes en prose. Chaque poème est précédé d'une notice biographique de l'auteur. L'introduction argumentée de Jean-Michel Espitallier s'adresse, elle, aux adultes « passeurs » et ne laisse aucun doute : la médiation est indispensable en ce qui concerne la poésie. Les textes gagneront à être lus à haute voix, ou écoutés pour capter l'attention des adolescents. du cri poignant « Passionnément » de Gherasim Luca, au texte humoristique « L'apparition de mammère » de Pierre Alféri, la plupart ne laisseront pas les adolescents indifférents. L'objet livre est attirant sous sa forme de répertoire ; il invite le lecteur à se familiariser et à s'approprier les textes poétiques en glanant ici et là un poème au gré de ses envies. le recueil s'achève sur des liens Internet de sites et de blogs de poésie. Une belle réussite d'un petit éditeur ! Cécile Robin-lapeyre
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L'Homme Bonsaï

Lecture Jeune, n°131 - septembre 2009 - Durant une tempête, le capitaine O'Murphy et deux marins abordent un navire en perdition dans lequel est planté un arbre colossal. Ils s'étonnent, et l'arbre leur raconte son destin tragique. Il s'appelle Amédée et fut enrôlé de force sur un navire pirate, puis abandonné sur une île. Là, une graine lui est tombée sur la tête, et, très lentement, elle s'est transformée en arbre. Alors qu'il manque de mourir, des pirates chinois vont le recueillir et tailler le bonsaï qu'il arbore au sommet de son crâne. Peu à peu, il retrouve force et vigueur. Son pouvoir est tel qu'il devient une arme à part entière et sert les intérêts des corsaires. Jusqu'au jour où le bateau accoste à Hoï An, dans le golfe du Tonkin, où Amédée tombe amoureux de la belle Changaï Li.
Cette bande dessinée est l'adaptation de l'album éponyme paru chez Albin Michel, et co-réalisé avec François Roca. Fred Bernard a ajouté ici une dimension dramatique et érotique, tout en restant fidèle à l'histoire originale. Et ce conte nous éblouit. Outre le récit, Fred Bernard propose un découpage mettant en valeur cet homme bonsaï avec de nombreuses pleines pages qui constituent en elles seules des tableaux, comme celle représentant Changaï Li ensevelie sous une nappe de fleurs. Chaque motif est soigné, qu'il s'agisse des tatouages sur le corps d'Amédée ou des tissus, et le choix des couleurs crée des contrastes saisissants et lumineux. L'Homme Bonsaï est un conte philosophique qui suscitera de nombreuses questions chez le lecteur. Enfin, il est intéressant d'effectuer un travail d'analyse sur la question de l'adaptation en mettant en regard la bande dessinée et l'album. Anne Clerc
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Le Remplaçant

Lecture Jeune, n°131 - septembre 2009 - Talentueuse conteuse, Agnès Desarthe nous entraîne dans une tendre et singulière évocation de son grand-père. Mais, nous explique-t-elle, « mon grand-père n'est pas mon grand-père ». L'homme aux multiples prénoms - Bouz, Boris, Baruch, « BBB (...) pour faire plus court » - est celui avec qui sa grand-mère a refait sa vie, après la guerre et la disparition de leurs époux respectifs dans les camps d'extermination. « Triple B avait le bon goût de n'être pas à la hauteur du disparu ; ni aussi beau, ni aussi intelligent, ni aussi poétique que le mort qu'il remplaçait. On avait perdu au change et c'était parfait ainsi, moins culpabilisant. »
L'auteur convoque, ou plutôt recompose, ses souvenirs d'enfance : instants partagés, se résumant parfois à des sonorités, des couleurs ou des odeurs, à des objets, réinventés par le regard d'une petite fille curieuse, puis d'une adulte rêveuse. Elle dresse ainsi le portrait d'un homme discret, parfois lâche, qui laisserait indifférent ; un « remplaçant » qui a su se raconter et devenir un grand-père aimé. Ce n'est pas de lui pourtant dont l'auteur voulait parler : l'ouvrage devait être consacré au pédagogue Janusz Korzack, en réponse à une commande de son éditeur sur son héros favori, pour la collection « Figures libres ». C'est ainsi, Agnès Desarthe écrit « toujours l'histoire d'à côté, jamais celle que j'avais prévue ».
Les jeunes lecteurs se laisseront totalement séduire par ce court récit à la langue si savoureuse et vivante. Ils seront sans aucun doute émus par la tendresse qui émane de liens familiaux à la fois ordinaires et un rien originaux.
« Ces derniers temps, la réalité gagne de plus en plus de batailles contre la fiction. » le texte d'Agnès Desarthe rappelle joliment le pouvoir de la littérature. Il constitue un parfait éloge de l'imagination et du romanesque. Il est également certainement ce « détour nécessaire », pour évoquer une histoire familiale meurtrie par la Shoah. Hélène Sagnet
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Déroute sauvage

Lecture Jeune, n°131 - septembre 2009 - En cette rentrée littéraire, Guillaume Guéraud nous propose son dernier « livre d'horreur », empruntant ses références aux maîtres cinématographiques du genre. Wes Craven, Tobe Hooper ou encore Rob Schmidt sont ceux à qui il dédicace son roman, ses « maîtres à penser ». Sur une route de montagne sinueuse, entre la France et l'Espagne, un bus scolaire circule. Nous sommes au coeur de la nuit et la plupart des élèves de la classe de 4eE sont endormis. Romain, Laure, Najib, Elias ou Nina ne se doutent de rien, jusqu'au moment fatal : le car s'engouffre dans un ravin, tuant la plupart des passagers sur le coup et laissant une dizaine des rescapés. Mais s'agit-il d'un banal accident ? Elias a bien entendu un coup de feu avant que le bus quitte la route, mais personne ne lui prête attention. Pourtant, plus haut dans la forêt, trois individus, des hommes sanguinaires, sauvages et irréels se rapprochent pour tuer les derniers survivants...
Guillaume Guéraud ne nous épargne aucun détail et Déroute sauvage tient le lecteur en haleine dès les premières pages. Impossible de le refermer sans aller à la dernière ligne. La violence est telle qu'elle en devient irréelle et saisissante. Les détracteurs de Guillaume Guéraud pourront lui reprocher un roman noir supplémentaire, une violence gratuite ; pourtant, il excelle dans ce genre. Et ce roman de la rentrée rappelle qu'il est avant tout un écrivain de talent : l'écriture est « ciselée », les mots employés précis, le rythme tenu à chaque paragraphe, entraînant le lecteur dans cette horreur jubilatoire. Enfin, en contrepoint de ce carnage, le personnage de Romain, lumineux et courageux qui porte à bout de bras sa camarade, Laure, inconsciente, et le cadavre de l'un des trois meurtriers, « sinon on ne [le] croira pas ». L'adolescent comme le souligne l'auteur, à l'issue de cette boucherie, a traversé « les dernières angoisses qui lui restaient ». Anne Clerc
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