A jamais et pour toujours
Propos liminaires : l'arrivée de ce livre sur ma table a une histoire que je me dois de partager avec vous. L'Iconoclaste a organisé un concours pour faire profiter à un certain nombre de lecteurs d'une lecture en avant-première d'un des titres de leur rentrée littéraire. Seule condition : faire un retour à l'auteur sous quelque forme que ce soit de cette lecture. Et la possibilité d'être choisi par l'auteur pour le ou la rencontrer. Encore me fallait-il choisir un titre… j'hésitais entre « Neverland » de Timothée de Fombelle et ce «
Je me promets d'éclatantes revanches » de
Valentine Goby. Avec un fils d'une dizaine d'année et le plaisir d'avoir lu Tobie Lolness précédemment, le choix d'un livre sur l'enfance pouvait paraître plus logique ou plus simple. C'était sans compter sur le fait que ma chère et tendre épouse a croisé
Valentine Goby lors de leur année de classe préparatoire Khâgne. Au dernier moment, j'optais donc, malgré le thème impressionnant du livre, malgré une certaine timidité si ce n'est une timidité certaine quand il s'agit de croiser un ou une auteur(e) dans la vraie vie et malgré la pression que mettrait indubitablement ce passé-croisé sur mon billet, pour le livre de
Valentine Goby. Je voudrais remercier tous ces « malgré » qui m'ont fait choisir «
Je me promets d'éclatantes revanches ».
Parce qu'on ne ressort pas indemne de sa lecture. Parce qu'on y entre le coeur serré et qu'on en sort le coeur alourdi de tant de choses, mais toutes créant un bagage supplémentaire d'amours.
Je pourrais vous dire que
Valentine Goby a croisé la route de
Charlotte Delbo, « amoureuse, déportée, résistante et poète » il y a quelques années et qu'elle ne s'en est jamais vraiment remise.
Je pourrais vous dire que
Valentine Goby s'est livrée corps et âme à un double challenge : plaire et faire plaire, ambassadrice de sa propre écriture et de celle de
Charlotte Delbo.
Je pourrais vous dire que
Valentine Goby dresse le portrait d'une femme libre malgré son expérience des camps, notamment celui d'Auschwitz.
Je pourrais vous dire que
Valentine Goby, à travers cette figure de la littérature, à travers cette voie particulière, dresse le portrait de la littérature elle-même : elle interroge la littérature dans ce qu'elle a de plus primordial… Pourquoi écrire ? Pour quoi écrire ? Pour qui écrire ? Comment écrire ?
Je pourrais vous décortiquer le livre de
Valentine Goby pour analyser les propres réponses qu'elle donne à travers l'oeuvre, restreinte, de
Charlotte Delbo.
Je pourrais vous dire ce que
Valentine Goby montre de l'oeuvre de
Charlotte Delbo, ce qu'elle y puise et comment elle y étanche sa soif de littérature.
Je pourrais retranscrire les six pages de notes de mon petit carnet, prises au fur et à mesure de ma lecture, surtout au début… avant de lâcher prise et de me laisser porter par le récit de cette double vie.
Je pourrais vous dire que
Valentine Goby remporte haut la main son pari et qu'elle le perd aussi un peu en même temps. Elle gagne le coeur des gens et offre une troisième vie à
Charlotte Delbo, après celle des camps et celle d'après mais qu'en nous l'offrant, elle s'en prive et qu'en nous l'offrant comme elle le fait dans ces lignes, elle donne aussi bien envie de découvrir mieux
Charlotte Delbo que plus sa propre plume.
Je pourrais vous dire que
Valentine Goby crie son amour de la littérature à travers ce livre : ce qu'elle lui a apporté en tant que lectrice et en tant qu'écrivaine.
Je pourrais vous dire que
Valentine Goby est une parfaite transmetteuse, devenant elle-même amoureuse, déportée, résistante et poète : amoureuse transie de
Charlotte Delbo et de la littérature, déportée par ce que lui a procuré
Charlotte Delbo à travers son langage, résistante contre les préjugés et pour l'idée que la littérature peut toucher n'importe qui n'importe où n'importe comment, poète par l'entremise de son propre langage, de son propre style.
Je pourrais vous dire les réflexions de Valentine et de Charlotte sur les blancs de l'écriture qui ne sont pas sans rappeler « le silence [qui] fait partie de la musique commandant un tempo singulier. La toile [qui] par endroits laissée vierge s'intègre au tableau en une vibration particulière. » et n'est pas sans faire penser aux blancs entre les cases d'une bande dessinée qui contiennent tout ce que l'auteur laisse comme espace de liberté au lecteur tout en y mettant tout ce qui n'apparaît pas dans les dessins.
Je pourrais vous dire que la littérature est un miroir aux mille reflets : ceux de l'âme y côtoient ceux de l'être, de soi, de l'autre, des sentiments, des actes… et que le travail de l'auteur ne réside que dans sa capacité à les refléter dans son propre langage, dans sa propre lumière.
Je pourrais vous dire les rapports que tissait Charlotte Deblo entre ce qu'elle a vécu à Auschwitz et les ignominies passées et futures (par rapport à ce temps zéro de l'holocauste) aussi bien qu'avec les moments de bonheurs passés et futurs.
Je pourrais vous dire que ce livre est une mise en abyme de l'Auteur, de son Oeuvre.
Je pourrais vous dire que les revanches de
Charlotte Delbo sont portées par
Valentine Goby avec un panache et une classe incomparables.
Je pourrais vous dire tout cela…
Je devrais plutôt et surtout vous dire que de la nécessité d'écrire de certains, au premier rang desquels
Charlotte Delbo et
Valentine Goby, naît la nécessité de lire des autres. Et qu'il faut donc s'intéresser à
Charlotte Delbo avant tout et à
Valentine Goby ensuite pour ce qu'elles arrivent toutes les deux à toucher chez le lecteur d'humain, d'universel, de compassionnel, de liberté, bref de valeurs qui semblent parfois mises aux oubliettes de notre cerveau et de notre coeur.
Liens :
• Radioscopie
Charlotte Delbo de
Jacques Chancel 1/3, 2/3 et 3/3
• Emission Une vie, une oeuvre de France Culture du 21/12/2013
• Extrait de la pièce « Qui rapportera ces paroles ? » par la Compagnie La Pierre Blanche
Lien :
http://wp.me/p2X8E2-Q5