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EAN : 9782253088981
128 pages
Le Livre de Poche (13/10/2010)
3.64/5   87 notes
Résumé :
"Quand tu te marieras, reprit le comte [...], n'accomplis pas légèrement cet acte, le plus important de tous ceux auxquels nous oblige la société. Souviens-toi d'étudier longtemps la caractère de la femme avec laquelle tu dois t'associer [...]. Le défaut d'union entre deux époux, par quelque cause qu'il soit produit, amène d'effroyables malheurs [...]."

Dans cette mise en garde adressée à son fils, c'est toute son histoire que résume le comte de Gra... >Voir plus
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Une Double Famille est un joli petit roman, très plaisant, très émouvant, qui sonde les mystères de la réussite ou de l'échec de la vie conjugale. Vous vous imaginez bien que qui dit « double » dit deux moments dans le déroulement du récit.

Honoré de Balzac se charge de nous faire naître une petite histoire de séduction entre une petite brodeuse, jeune, pauvre et courageuse et un inconnu, un passant habitué à passer deux fois par jour sous la croisée de la charmante brodeuse et de sa vieille mère.

De fil en aiguille (je ne pouvais pas m'empêcher de la caser celle-là), la brodeuse va peu à peu sentir monter, en son petit coeur de rabouilleuse, un sentiment qu'elle ne connaissait point et que l'on nomme ici-bas, l'amour.

Quelle douleur, quelle tristesse sans nom l'inconnu traîne-t-il après lui ? Les conjectures vont bon train sur l'identité et le statut de ce bel inconnu, qui semble réticent à faire aller les choses plus loin, bien que la jeune femme sente poindre en lui un sentiment analogue au sien.

Mais, les humains étant ce qu'ils sont et l'amour étant ce qu'il est, fatalement, il y eut un premier pas, puis un autre, puis quelques autres encore jusqu'à ce que Caroline puisse s'adonner pleinement à l'amour de Roger.

Balzac sait nous dépeindre, par touches, par nuances successives, l'éveil puis l'épanouissement de cet amour simple entre deux êtres qui ne recherchent rien de mieux qu'un petit bonheur simple, naturel, évident. Les années passent et rien de vient troubler la félicité du couple.

C'est le moment précis que choisit l'auteur pour nous éclairer de son fameux discours rétrospectif, cette deuxième vie, cette deuxième famille et c'est l'occasion pour lui de nous montrer son vrai visage d'auteur parfois cru, parfois atroce, mais toujours d'une incroyable honnêteté littéraire dans son vaste projet de la Comédie Humaine.

Balzac trouve au passage le moyen de sonner une charge de toute beauté contre la religion, dans ce qu'elle a de plus nul et dévastateur, à savoir, l'étroitesse de vue et d'esprit. Il lamine les excès de la dévotion — la dévotion devenue carcan — et contraire à l'idée même de vie que promeut pourtant cette même religion.

Selon lui (et je partage cet avis) la bigoterie n'a rien à voir avec la piété véritable et ne sert qu'à pourrir la vie de ceux qui fréquentent, de gré ou de force (lorsqu'il s'agit d'un membre de sa famille, par exemple), ces bigots-là, esclaves de leur aveuglement et de leur petit jugement.

Ce qui est intéressant aussi dans ce roman c'est le choix des individualités opéré par l'auteur. Tous les personnages sont, à leur façon, honnêtes et désireux d'arriver à une forme de bonheur conjugal. Aucun n'est particulièrement mauvais, ni retors, ni frivole, ni quoi que ce soit que l'on peut généralement accuser de faire capoter une histoire d'amour, et pourtant...

Je vous laisse le plaisir de découvrir la chute de cette odyssée dans les arcanes de la vie de couple sans toutefois vous faire accroire à un quelconque espoir ou une once d'illusion de la part de l'écrivain des moeurs sociales.

Vous avez affaire à du bon Balzac, du très bon même, peut-être pas le meilleur, mais du Balzac mature, désillusionné, du Balzac juste, d'une justesse admirable dans ses descriptions et observations millimétriques du comportement et du caractère humain.

C'est aussi du Balzac qui vous prend un peu aux tripes et qui peut, au coin d'une ou deux pages, vous arracher une petite larme, pudique, sans exagération de pathos, tout simplement parce qu'il nous touche droit au coeur, du moins c'est mon avis, mon ressenti fortement partial, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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C'est toujours un plaisir de retrouver un Balzac, c'est vieux, c'est mûr, c'est incisif, c'est satirique, c'est outrageusement descriptible et c'est aussi cyniquement agréable! Une double famille n'enrobe pas à ces règles. le tout petit roman nous entraine vers une rencontre silencieuse, juste le regard éblouit nos protagonistes. Et Balzac y met du sien, il vénère, avec son écriture, le lieu de la rencontre, la rue Tourniquet-Saint-Jean. Qui c'est, ce jeune homme qui, passe chaque jour sur ladite rue, regardant Caroline avec un air autant cafardeux que son visage parait tout noir?...Un mari affligé, accablé, excédé qui ne sait où demander secours...

On déplore aisément l'affliction d'une épouse mais on s'indigne devant le marasme d'un époux. Dans une double famille, Balzac abandonne la cause des femmes pour celle avec des hommes, hé oui, il nous fait connaitre leurs malheurs parfois insoupçonnés dans un mariage.
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Encore une nouvelle De Balzac qui traite des rapports entre amour, mariage, condition sociale, et…argent (chez lui, les questions d'argent ne sont jamais loin!)
C'est un thème qui traverse bon nombre d'oeuvres, et auquel les questions qu'il pose dans les histoires qu'il raconte, sont diverses, parfois de son temps, parfois en avance sur son temps. En tout cas c'est un sujet qui, à l'évidence, le préoccupe. Faut-il laisser les parents décider pour leurs filles, ou n'est-il pas plus judicieux de laisser les femmes choisir? L'adultère est il bénéfique ou pas pour le mariage? La différence de condition sociale entre époux est elle ou pas un obstacle au mariage? le mariage est il une tromperie dans ses buts et ses moyens? Faut-il privilégier l'amour-passion ou l'amour de raison?
Des réponses parfois contradictoires sont apportées dans ses nombreuses oeuvres, Physiologie du mariage, bien sûr mais aussi dans tant de romans ou de nouvelles, j'en cite quelques-uns, la liste n'est pas exhaustive, La Cousine Bette, Les illusions perdues, le contrat de mariage, Mémoires de deux jeunes mariées, La femme de trente ans, La Maison du Chat qui pelote, La bourse, La vendetta, Albert Savarus, La vieille fille, etc…

Dans la nouvelle Une double famille, Balzac utilise un procédé astucieux qui est de raconter successivement deux histoires qui vont finalement se rejoindre, puis une sorte de long épilogue aboutissant à une chute inattendue et saisissante. Une fois de plus, il nous surprend par son arrangement narratif.

Le premier récit est celui d'une jeune et jolie brodeuse , Caroline, qui va s'éprendre d'un homme un peu plus âgé, qu'elle voit passer devant ses fenêtres. Ce dernier va l'installer dans un magnifique hôtel particulier, vivre heureux avec elle, lui faire deux enfants, mais garder le secret sur ses nombreuses absences qu'il attribue à des déplacements professionnels.
Le second récit est celui d'un juge installé à Paris, Roger de Granville, dont le père, le comte de Granville, résidant à Bayeux, lui demande d'épouser Angélique, une jeune fille qui va hériter d'une grande fortune, et dont la beauté le séduit. Mais celle qu'il va rapidement épouser se révèle, pour son malheur, être une horrible bigote, et une femme froide, sans aucune tendresse.
La suite révélera, bien sûr, que l'amant de Caroline et l'époux d'Angelique ne font qu'un, que Roger décide de quitter Angélique, mais la fin, que je ne vous raconte pas, n'est pas du tout une « happy-end », et les ( presque) dernières phrases de la nouvelle, prononcées par Roger de Granville en donnent la clé : «Le défaut d'union entre deux époux, par quelque cause qu'il soit produit, amène d'effroyables malheurs; nous sommes, tôt ou tard, punis de n'avoir pas obéi aux lois sociales ».

Dans cette nouvelle, Balzac s'élève contre la bigoterie qui s'accompagne de la sécheresse du coeur, du défaut d'affection, et insiste sur l'importance d'y réfléchir à deux fois avant de s'engager dans le mariage.
Néanmoins, il revient, dans la conclusion de la nouvelle, à une idée l'idée qu'il a développé ailleurs, mais pas toujours, qui est que les différences de conditions sociales, les différences culturelles, ne peuvent conduire à des unions réussies.

En conclusion, encore une nouvelle remarquable du grand Balzac, ce créateur d'un monde prodigieux dont je suis loin d'avoir fait le tour, et surtout pour moi, un analyste exceptionnel de la psychologie des humains, de leurs travers et bien souvent de leurs turpitudes.
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La paix du ménage: "– Monsieur, j'accepte ce diamant avec d'autant moins de scrupule qu'il m'appartient... ... ...
... ... ..; Monsieur de Soulanges le prit dernièrement sur ma toilette et me dit l'avoir perdu.
– Vous êtes dans l'erreur, madame, dit Martial d'un air piqué, je le tiens de madame de Vaudremont.
– Précisément, répliqua-t-elle en souriant. Mon mari m'a emprunté cette bague, la lui a donnée, elle vous en a fait présent, ma bague a voyagé, voilà tout. Cette bague me dira peut-être tout ce que j'ignore, et m'apprendra le secret de toujours plaire. Monsieur, reprit-elle, si elle n'eût pas été à moi, soyez sûr que je ne me serais pas hasardée à la payer si cher, car une jeune femme est, dit-on, en péril près de vous. Mais, tenez, ajouta-t-elle en faisant jouer un ressort caché sous la pierre, les cheveux de monsieur de Soulanges y sont encore."
Le merveilleux personnage dans ce livre est la baque! Elle a connu un voyage circulaire comme courent souvent les scènes d'adultères; Comme elle a été pomme de discorde dans le couple Soulanges comme elle sera aussi le mobile de réconciliation après avoir parcourant de main en main Madame Soulanges qui l'offre à son mari, celui-ci l'offre à sa maîtresse, celle-ci l'offre à son amant, et celui-ci l'offre à madame Soulanges sans savoir que la bague lui appartient !
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J'ai lu rapidement, facilement et avec plaisir cette nouvelle un peu développée, dans laquelle nous entrons de plain-pied au sein de deux familles, ou ménages, comme dirait Balzac, qui, une fois de plus nous restitue à merveille l'ambiance visuelle de chacun de ces deux milieux intimes et conjugaux, avant que nous découvrions (quoique le titre soit assez limpide) en quoi ces deux foyers sont liés et se rejoignent.

Dans la vieille rue parisienne peu salubre, car humide et sombre, à peine éclairée par le jour hormis l'été, du Tourniquet-Saint-Jean, jetons un oeil par-dessus l'épaule de Mme Crochard veuve, dentellière, et de sa fille brodeuse Caroline : jour et nuit les aiguilles vont leur train, et la jolie Caroline se mêle peu de ce qui se passe dans sa rue. Sa mère, c'est autre chose - elle a les yeux aux aguets, car elle compterait bien sur la fraîcheur de sa fille pour s'assurer de vieux jours plus confortables. Un jour, passe un homme triste, tout de noir vêtu, dont le regard accroche celui de Caroline, et éveille l'intérêt de la mère. Sur le chemin du travail ou du retour, de signe en signe, la jeune fille et "l'homme noir" se rapprochent, jusqu'à un vrai rendez-vous à la campagne, avec le grand jeu : dîner au champagne, bal champêtre... Leur destin est scellé, on les retrouvera en ménage, puisqu'il a offert un appartement et une rente à sa maîtresse, laquelle s'épanouit dans le rôle de femme entretenue, puis de jeune mère toute dévouée à ses deux enfants. Roger, dont elle ne connaît que le prénom, est heureux, il a retrouvé le sourire, même s'il ne jouit pas de tout son temps libre, loin s'en faut.

C'est lorsque la vieille Madame Crochard révèle, alors qu'à l'agonie elle est pressée par un prêtre, le secret de sa fille Caroline, que le drame s'enclenche, et qu'on apprendra par un subtil retour en arrière, l'histoire d'un autre couple, l'envers de la famille lumineuse et charmante, celui d'un jeune avocat nommé Roger de Grandville et de sa jeune femme, jolie Provinciale et amour d'enfance. Malgré ses pressentiments, Roger s'est laissé convaincre par son père d'épouser Angélique Bontems, jeune fille élevée dans une stricte dévotion par sa mère, et qui lui fera vivre un enfer, quoique pavé de bonnes intentions.

L'ombre de la Physiologie du mariage plane de nouveau sur cet opus, dans lequel on apprend ce qui peut désunir un couple dans son intimité, lorsque le lit n'apporte son lot de bonheur que le temps d'une brève lune de miel. Nous sommes dans le schéma classique du couple dans lequel l'homme travaille dur pour tenir son rang, et s'attend à ce que sa femme soit agréable, complaisante, amoureuse... Ce n'est pas qu'Angélique n'aurait pas voulu essayer, mais elle a un esprit borné, manque de fantaisie, se méfie du plaisir comme d'une tentation diabolique, dont il faut à tout prix se prémunir. Par ailleurs, après avoir été élevée sous l'éteignoir par sa mère, elle est la proie de ses directeurs de conscience et autres vieilles grenouilles de bénitier. Angélique manque de goût, n'est pas attirée par le luxe, la mode, refuse d'aller au bal, au théâtre, de se mettre à son avantage, et l'on rit d'elle en société car elle est trop raide et sérieuse, alors qu'elle devrait être décorative et faire honneur à son juge de mari. En outre, elle a un caractère mesquin qui la fait pinailler sur tout et lancer d'aigres piques à son époux qui n'en peut mais, jusqu'à ce qu'il ne la supporte plus, et sombre dans la plus profonde dépression - ce n'est qu'avec Caroline qu'il retrouvera l'amour et la joie de vivre.

Certes, les personnages sont suffisamment complexes et n'ont rien de schématique, toutefois, à travers sa charge féroce contre la pruderie et la bigoterie remises au goût du jour sous la Restauration, Balzac m'a paru injuste envers Angélique. Il est pourtant le premier à dire qu'en quelque sorte, elle n'a pas eu le choix, pourtant tout l'échec du mariage semble être de sa faute, alors même que Roger l'a épousée pour l'argent, que ce"marché" arrangeait la mère d'Angélique en les faisant entrer, elle et sa fille, dans la noblesse, et surtout, qu'elle a été "mortifiée" par sa mère depuis l'enfance. Angélique n'a pu compter sur personne pour développer des facultés aimantes, un goût du beau et de la joie, on a peut-être même étouffé dans l'oeuf les qualités qu'elle pouvait avoir. Par son cynisme envers son épouse, lors d'une scène terrible, Roger de Grandville montre une morgue d'époux sûr de son bon droit plutôt glaçante.

Pour ce qui est du style, Balzac montre de réelles qualités de peintre en écriture, il sait mettre en valeur les contrastes, les harmonies de couleurs et convoquer tous les sens qui font apprécier la vie dans ce qu'elle a de naturel, de profond, de joyeux, mais il n'ignore rien non plus des drames et passions humaines, auxquels il nous fait adhérer par un art consommé de l'analyse psychologique.
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Citations et extraits (65) Voir plus Ajouter une citation
- Qui donc a pu vous amener à désirer ma mort ? à me fuir ? demanda la comtesse d’une voix faible en contemplant son mari avec autant d’indignation que de douleur. N’étais-je pas jeune ? Vous m’avez trouvée belle ! Qu’avez-vous à me reprocher ? Vous ai-je trompé ? n’ai-je pas été une épouse vertueuse et sage ? Mon cœur n’a conservé que votre image, mes oreilles n’ont entendu que votre voix. À quel devoir ai-je manqué, que vous ai-je refusé ?
- Le bonheur, répondit le comte d’une voix ferme. Vous le savez, madame, il est deux manières de servir Dieu. Certains chrétiens s’imaginent qu’en entrant à des heures fixes dans une église pour y dire des Pater Noster, en y entendant régulièrement la messe et s’abstenant de tout péché, ils gagneront le ciel ; ceux-là, madame, vont en enfer, ils n’ont point aimé Dieu pour lui-même, ils ne l’ont point adoré comme il veut l’être, ils ne lui ont fait aucun sacrifice. Quoique doux en apparence, ils sont durs à leur prochain ; ils voient la règle, la lettre, et non l’esprit. Voilà comme vous en avez agi avec votre époux terrestre. Vous avez sacrifié mon bonheur à votre salut, vous étiez en prières quand j’arrivais à vous le cœur joyeux, vous pleuriez quand vous deviez égayer mes travaux, vous n’avez su satisfaire à aucune exigence de mes plaisirs.
- Et s’ils étaient criminels, s’écria la comtesse avec feu, fallait-il donc perdre mon âme pour vous plaire ?
- C’eût été un sacrifice qu’une autre plus aimante a eu le courage de me faire, dit froidement Granville.
- Ô mon Dieu, s’écria-t-elle en pleurant, tu l’entends ! Était-il digne des prières et des austérités au milieu desquelles je me suis consumée pour racheter ses fautes et les miennes ? À quoi sert la vertu ?
- À gagner le ciel, ma chère. On ne peut être à la fois l’épouse d’un homme et celle de Jésus-Christ, il y aurait bigamie : il faut savoir opter entre un mari et un couvent. Vous avez dépouillé votre âme au profit de l’avenir, de tout l’amour, de tout le dévouement que Dieu vous ordonnait d’avoir pour moi, et vous n’avez gardé au monde que des sentiments de haine…
- Ne vous ai-je donc point aimé, demanda-t-elle.
- Non, madame.
- Qu’est-ce donc que l’amour, demanda involontairement la comtesse.
- L’amour, ma chère, répondit Granville avec une sorte de surprise ironique, vous n’êtes pas en état de le comprendre.
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Mon cher, ces femmes de qui vous dites : " C'est des anges ! " moi, je les ai vues déshabillées des petites mines sous lesquelles elles couvrent leur âme, aussi bien que des chiffons sous lesquels elles déguisent leurs imperfections, sans manières et sans corset : elles ne sont pas belles. Nous avons commencé par voir bien des graviers, bien des saletés sous le flot du monde, quand nous étions échoués sur le roc de la Maison-Vauquer ; ce que nous y avons vu n'était rien. Depuis que je vais dans la haute société, j'ai rencontré des monstruosités habillées de satin, des Michonneau en gants blancs, des Poiret chamarrés de cordons, des grands seigneurs faisant mieux l'usure que le papa Gobseck ! À la honte des hommes, quand j'ai voulu donner une poignée de main à la Vertu, je l'ai trouvée grelottant dans un grenier, poursuivie de calomnies, vivotant avec quinze cents francs de rente ou d'appointements, et passant pour une folle, pour une originale ou une bête. Enfin, mon cher, la marquise est une femme à la mode, et j'ai précisément ces sortes de femmes en horreur. Veux-tu savoir pourquoi ? Une femme qui a l'âme élevée, le goût pur, un esprit doux, le cœur richement étoffé, qui mène une vie simple, n'a pas une seule chance d'être à la mode.
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Si, pendant la journée, quelque passant curieux jetait les yeux sur les deux chambres dont se composait cet appartement, il lui était impossible d’y rien voir, car, pour découvrir dans la seconde chambre deux lits en serge verte réunis sous la boiserie d’une vieille alcôve, il fallait le soleil de juillet ; mais, le soir, vers les trois heures, une fois la chandelle allumée, on pouvait apercevoir, à travers la fenêtre de la première pièce, une vieille femme assise sur une escabelle au coin d’une cheminée où elle attisait un réchaud sur lequel mijotait un de ces ragoût semblables à ceux que savent faire les portières. Quelques rares ustensiles de cuisine ou de ménage accrochés au fond de cette salle se dessinaient en clair-obscur. À cette heure, une vieille table, posée sur un X, mais dénuée de linge, était garnie de quelques couverts d’étain et du plat cuisiné par la vieille. Trois méchantes chaises meublaient cette pièce, qui servait à la fois de cuisine et de salle à manger.
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Si un père ne doit pas compte de sa vie à ses enfants, il doit leur léguer l'expérience que lui a vendue le sort, n'est-ce pas une partie de leur héritage ? Quand tu te marieras, reprit le comte en laissant échapper un frissonnement involontaire, n'accomplis pas légèrement cet acte, le plus important de tous ceux auxquels nous oblige la société. Souviens-toi d'étudier longtemps le caractère de la femme avec laquelle tu dois l'associer.
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Quand, sur les cinq heures, le joyeux dîner fut terminé par quelques verres de vin de Champagne, Roger proposa le premier d’aller sous les châtaigniers au bal du village, où Caroline et lui dansèrent ensemble : leurs mains se pressèrent avec intelligence, leurs cœurs battirent animés d’une même espérance ; et sous le ciel bleu, aux rayons obliques et rouges du couchant, leurs regards arrivèrent à un éclat qui pour eux faisait pâlir celui du ciel. Étrange puissance d’une idée et d’un désir ! Rien ne semblait impossible à ces deux êtres. Dans ces moments magiques où le plaisir jette ses reflets jusque sur l’avenir, l’âme ne prévoit que du bonheur. Cette jolie journée avait déjà créé pour tous deux des souvenirs auxquels ils ne pouvaient rien comparer dans le passé de leur existence. La source serait-elle donc plus gracieuse que le fleuve, le désir serait-il plus ravissant que la jouissance, et ce qu’on espère plus attrayant que tout ce qu’on possède ?
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Vidéo de Honoré de Balzac
Deuxième épisode de notre podcast avec Sylvain Tesson.
L'écrivain-voyageur, de passage à la librairie pour nous présenter son récit, Avec les fées, nous parle, au fil d'un entretien, des joies de l'écriture et des peines de la vie, mais aussi l'inverse, et de la façon dont elles se nourrissent l'une l'autre. Une conversation émaillée de conseils de lecture, de passages lus à haute voix et d'extraits de la rencontre qui a eu lieu à la librairie.
Voici les livres évoqués dans ce second épisode :
Avec les fées, de Sylvain Tesson (éd. des Équateurs) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/23127390-avec-les-fees-sylvain-tesson-equateurs ;
Blanc, de Sylvain Tesson (éd. Gallimard) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/21310016-blanc-une-traversee-des-alpes-a-ski-sylvain-tesson-gallimard ;
Une vie à coucher dehors, de Sylvain Tesson (éd. Folio) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/14774064-une-vie-a-coucher-dehors-sylvain-tesson-folio ;
Sur les chemins noirs, de Sylvain Tesson (éd. Folio) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/14774075-sur-les-chemins-noirs-sylvain-tesson-folio ;
Le Lys dans la vallée, d'Honoré de Balzac (éd. le Livre de poche) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/769377-le-lys-dans-la-vallee-honore-de-balzac-le-livre-de-poche.
Invité : Sylvain Tesson
Conseil de lecture de : Pauline le Meur, libraire à la librairie Dialogues, à Brest
Enregistrement, interview et montage : Laurence Bellon
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Les Éclaireurs de Dialogues, c'est le podcast de la librairie Dialogues, à Brest. Chaque mois, nous vous proposons deux nouveaux épisodes : une plongée dans le parcours d'un auteur ou d'une autrice au fil d'un entretien, de lectures et de plusieurs conseils de livres, et la présentation des derniers coups de coeur de nos libraires, dans tous les rayons : romans, polar, science-fiction, fantasy, BD, livres pour enfants et adolescents, essais de sciences humaines, récits de voyage…
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