Québec, dans les années 50... Au pensionnat du Bois Vert, Jonas compte, non sans une certaine impatience, le nombre de jours, d'heures, qu'il lui reste avant de pouvoir quitter définitivement les lieux. Impatient de laisser derrière lui le père Seguin et les soeurs, leurs préjugés coloniaux et racistes, ce numéro 5 qui le déshumanise, cette éducation punitive qui le force à abandonner ses racines et sa culture amérindienne. Heureusement, la forêt alentour, dense et profonde, lui sert de refuge et d'échappatoire. C'est ici, quelques heures par jour, qu'il aide Samson à couper du bois. C'est ici aussi qu'il se rappelle les jours heureux auprès de sa mère, avant que les autorités blanches ne l'enlèvent 6 ans plus tôt...
Nathalie Bernard s'inspire de la véritable histoire de ces pensionnats qui existèrent au Canada, du début du XIXème siècle jusqu'en 1996 (date de fermeture du dernier pensionnat autochtone), et qui accueillirent plus de 150000 enfants. Ces écoles, financées par le gouvernement fédéral et dirigées par des religieux, n'avaient qu'un seul but : leur faire délaisser leurs traditions, leurs pratiques culturelles et leurs langues. À partir de là, l'auteure, s'inspirant de témoignages, nous raconte l'histoire de Jonas, mais aussi celle de Gabriel, un Inuit. Arraché à sa mère malade, soumis aux mauvais traitements du père Seguin (tout comme ses camarades), le jeune Jonas, à tout juste 16 ans, s'est jusqu'ici plié aux rudes règles, hermétique à ce qui l'entourait. Jusqu'à ce qu'un événement tragique lui fasse réellement comprendre ce qui se passe. Découpé en deux parties bien distinctes, "Dedans" puis "Dehors", ce roman explore avec une grande justesse et beaucoup d'émotions, le sort réservé à ces enfants enfermés et maltraités. Un roman émouvant, bien rythmé et fort utile...
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De l'acculturation du 'sauvage', au nom de la prétendue supériorité de l'homme blanc chrétien.
« Je ne parlais pas algonquin mais français. Je n'étais plus un Indien, mais je n'étais pas encore un Blanc. Je n'étais plus Jonas, mais un 'numéro'. »
Le Département des Affaires Indiennes a encouragé les internats pour autochtones pendant près de deux siècles pour favoriser leur « assimilation » (1827-1996). Ces institutions étaient destinées à scolariser et évangéliser les enfants autochtones pour qu'ils s'intègrent mieux. Cette pratique a été décrite comme le fait de « tuer l'indien dans l'enfant ».
Ce récit en est une terrible illustration, à travers l'histoire commune de deux adolescents, l'un Indien, l'autre Inuit.
Jonas et Gabriel auront bientôt seize ans, et quitteront alors ce pensionnat du 'Bois Vert' où ils sont entrés de force à dix ans, enlevés à leur famille, à leur environnement.
Petits, faut pas craquer. ♪♫
Pas dans la dernière ligne droite...
Si la série Harry Potter a pu donner envie à des jeunes d'être scolarisés en internat, ce roman en présente une vision cauchemardesque, qui rappelle ce qu'ont pu subir (et subissent encore ?) des enfants pris en charge par des religieux (hommes ou femmes) : anonymisation (nom remplacé par un numéro), 'rééducation' linguistique et spirituelle, privations, brimades, sévices corporels, parfois sexuels.
Le sujet est aussi intéressant que révoltant, et le récit évidemment bouleversant. Je regrette que l'auteur donne autant de place à l'action et à l'aventure, au détriment des sentiments des protagonistes et de leurs échanges.
Junior m'avait davantage touchée que Jonas.
Cf. 'Le premier qui pleure a perdu', de Sherman Alexie.
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Histoire pleine de suspense, Sauvages est malheureusement découpé en chapitres qui ponctuent le temps, et entrecoupé de souvenirs heureux ou lyriques en italique. La lecture y perd parfois en fluidité, alors que le propos était suffisamment dense pour s’enchaîner avec richesse. Ce détail excepté, le roman touche par son réalisme sans fard.
Lire la critique sur le site : Ricochet
Ce que l’on découvre dans ce roman de Nathalie Bernard colle à cette terrifiante réalité : pas de concessions ni de poussière qui passerait sous le tapis. L’effroyable condition de ces enfants est rendue dans un récit qui rapidement révolte, écœure, stupéfie d’horreur.
Lire la critique sur le site : Actualitte
Avant-propos
J’ai imaginé que cette histoire se déroulait quelque part au Québec, dans les années 1950. Elle m’a été inspirée par certains témoignages sur les pensionnats autochtones qui ont existé entre 1827 et 1996 dans tout le Canada, dans le but d’assimiler la race et la culture amérindiennes.
Le mardi 15 décembre 2015, le Premier ministre canadien Justin Trudeau a demandé solennellement pardon aux Autochtones du pays au nom de l’État fédéral.
J’ai lu, regardé et écouté un grand nombre de témoignages des survivants de ces pensionnats. Ils m’ont profondément émue et je m’en suis largement inspirée pour écrire cette histoire.
Au demeurant, et même si pour moi ils sont bien vivants, je tiens à préciser que ce roman ne met en scène que des personnages et des lieux fictifs.
Nathalie Bernard
[ enfant amérindien de 10 ans, années 1950 ]
Le bonheur que je connais depuis ma naissance disparaît en l'espace d'un mois. D'abord, ma mère tombe malade. Son état se dégrade rapidement et je ne sais pas quoi faire. Puis, comme si cela n'était pas suffisant, la gendarmerie royale du Canada vient m'enlever à elle.
- C'est mieux pour lui, madame ! Au pensionnat du Bois Vert, il recevra une bonne éducation et il apprendra le français, lui assurent-ils en tentant de m'arracher à ses bras.
Pendant qu'elle me serre de toutes ses forces entre ses bras amaigris ils ajoutent :
- De toute façon, vous n'avez pas le choix. Si vous refusez, vous agissez contre la loi !
(...)
Lorsqu'ils m'emportent loin d'elle, je ne pleure pas.
Mon cri est intérieur et je sens qu'il m'abîme de manière irréversible.
Je sens que mon enfance se termine pile à ce moment-là.
- Tu sais, je déteste la réserve moi aussi... Les autres ne m'aiment pas parce que ma mère m'a fabriquée avec un Blanc. Pour eux, je suis une... 'pomme', me confie-t-elle brusquement en poussant plus fort sur la perche.
(...)
Plus tard, j'avais compris que la mère de Stella passait ses journées à boire et que l'alcool avait le pouvoir de délier les langues. Sachant cela, depuis mon départ vers le pensionnat, je n'avais jamais cessé de me demander si c'était elle qui avait parlé de notre campement à l'agent indien.
- Ils vont me punir ! C'est sûr ! Mais je veux pas aller dans la Geôle ! Je veux pas y aller ! Je ne suis pas un assassin ! Tu le sais toi, Jonas, que je suis pas un assassin ! Tu leur expliqueras ce qu'ils me faisaient, hein ?
Comme d'habitude, le cours d'Histoire me mit en colère. Lorsque le père Tremblay s'en chargeait, je pouvais trouver ça intéressant, mais les cours de soeur Clotilde semblaient uniquement destinés à faire naître en nous un sentiment de haine à l'égard de nos ancêtres ! Elle nous serinait avec la prétendue violence de nos anciens, qu'elle appelait à tout bout de champ les 'sauvages', et nous montrait des photos de victimes et de prêtres égorgés ou scalpés...
Pour une lecture qui donne envie d'aller plus loin