Intuitions a été une lecture très prenante. Thriller policier teinté d'une touche de fantastique, le dernier roman de
Paul Cleave traite de façon très particulière la mémoire cellulaire.
Que l'on y croit ou pas,
Que l'on y croit ou pas, euh ...
Et merde.
Ca devait probablement arriver.
Syndrome de la critique blanche.
Je regarde méchamment mes vilaines mains incapables d'aligner deux mots sur le clavier. J'en veux à mes gros doigts boudinés et plein d'arthrite. A cause d'eux mes lecteurs habituels vont se détourner de mes billets que je souhaite rendre originaux le plus souvent. Je vais devenir un paria de la communauté Babelio.
Non, je ne peux pas laisser une telle chose se produire.
Aux grands maux les grands remèdes. Il n'y a pas non plus beaucoup de solutions qui s'offrent à moi.
En fin de compte le livre m'inspire au moins dans mes actes. L'un de ses points de départ était l'horrible meurtre d'Andrea Walsh par Simon Bower, sociopathe notoire de la ville de Christchurh, Nouvelle-Zélande.
"Il n'y avait pas de place dans le monde pour les hommes qui découpaient les femmes en morceaux."
Rassurez-vous, moi je suis plutôt quelqu'un d'équilibré. J'ai donc décidé de combattre le mal par le mal et de me rendre en voiture à Seclin, au sud de Lille.
Une fois garé près du centre hospitalier universitaire réputé pour son service SOS Mains, je descends, je prends la scie électrique que j'avais pris soin de mettre dans mon coffre, et je mords très fort dans un bâton de réglisse pour contenir mes hurlements.
Pour la première main ça se passe à peu près bien. Enfin, entendons-nous bien, ça fait un mal pas possible et le sang arrose à gros jets ma personne et les alentours, mais la coupure est nette.
Pour autant je massacre les doigts et la chair de cette vilaine araignée pleine de doigts, encore palpitante. Je ne veux surtout pas qu'on me la remette !
La main droite s'avère plus difficile à trancher au vu des circonstances. J'hésite à demander de l'aide à un passant mais ils semblent tous effrayés par mon attitude et je n'ai pas le temps de leur expliquer que je demeure rationnel. Donc je laisse la scie tourner au sol et je fais passer de la paume au pouce, du poignet à l'auriculaire, la lame tranchante autant de fois que possible.
Tellement d'hémoglobine que je vois tout rouge.
Avant de basculer dans une parfaite obscurité.
Comme prévu je reprends conscience dans une chambre d'hôpital, les moignons bandés.
Un psychiatre passe rapidement me voir et me demande les raisons d'un tel geste. Sans doute veut-il s'assurer que je dispose de toutes mes facultés mentales.
Je lui confie tout : Babelio, mes mains qui ne voulaient plus écrire, mon inspiration envolée. Il comprend que je suis sain d'esprit.
- Bonjour, je suis le docteur Tounu Coleman, et je serai votre chirurgien. Grâce à moi vous aller retrouver de vraies mains de chroniqueur littéraire.
Il me voit essayer de dissimuler un sourire, mais trop tard.
- Normalement mes parents voulaient m'appeler Tony mais l'employé de la mairie était tellement bourré qu'il n'a pas réussi à se relire ... Fin de l'histoire.
Je retrouve mon sérieux et demande :
- Alors docteur, vous pensez que vous aller pouvoir me greffer des mains d'écrivain ?
- On va faire pour le mieux pour que vous puissiez retrouver votre inspiration et continuer à écrire des bêtises sur vos lectures. Suivez-moi, nous allons au sous-sol.
Au niveau -3 je me retrouve devant une gigantesque morgue. Enfin, pas vraiment une morgue puisque les tiroirs sont trop minuscules pour contenir des corps.
Sur chacun d'entre eux, une étiquette. Je peux lire "
Jean-Pierre Bacri" sur la première.
- Venez avec moi, les mains d'écrivains sont en bas à droite. Vous choisirez votre paire préférée.
- J'espère que tout ce que j'ai lu récemment sur la mémoire cellulaire s'avérera exact !
"La mémoire cellulaire, c'est un type qui veut se mettre au patin à glace après avoir reçu le coeur d'un patineur. C'est une femme qui veut se mettre à la peinture après avoir reçu le foie d'un peintre."
Chemin faisant, mes yeux s'arrêtent sur différents noms, m'imaginant comme étant le nouveau propriétaire de ces paluches. J'ignorais jusqu'au décès de nombreuses personnalités.
Michel Fourniret ... alias l'ogre des Ardennes. Que deviendrais-je avec la vision d'une des pires engeances que la terre ait connu ?
Nabilla Benattia ... J'en frissonne plus encore ... "Je viens de lire
Intuitions, et tout ce que je peux vous dire c'est : allo, nan mais allo quoi ?"
Michel Drucker, Daniel Balavoine,
Jeanne d'Arc,
Donald Trump,
Gad Elmaleh, Nicole Kidman ...
Finalement on arrive aux écrivains, ceux-là même qui pourraient m'aider dans ma quête.
Stendhal,
Agatha Christie,
Ernest Hemingway ... Oui mais non, je veux de vrais mains avec de la chair, pas juste des os.
Amélie Nothomb,
Anna Gavalda,
Paul Cleave ...
-
Paul Cleave est mort ? demandais-je au chirurgien Tounu, totalement abasourdi.
- Oui, il est passé sous un train. Ses mains dépassaient légèrement des rails, c'est tout ce qu'on a pu récupérer.
Avec des émotions partagées, la tristesse d'avoir perdu un des grands auteurs de thrillers de ce siècle accompagnée de la joie trépidante de pouvoir écrire avec une infime partie de son talent, je le choisis sans hésiter.
L'intervention a lieu sans tarder. Elle dure longtemps malgré les qualités du docteur Coleman très réputé dans ce domaine.
Je mets des heures à reprendre vraiment conscience après l'anesthésie. Mais l'opération s'est bien déroulée.
Le chirurgien me défait doucement mes bandelettes. Me demande de plier les doigts un à un tout doucement.
Aucun souci.
Ce qui me pose souci en revanche c'est que les deux mains ne se ressemblent pas du tout. L'une est belle, encore jeune, manucurée. La seconde est parsemée de rides et de tâches de vieillesse.
Les infirmières me disent que tout est normal.
- Au moindre souci monsieur n'hésitez pas à appuyer sur le bouton, juste là, nous viendrons aussi vite que possible.
Je devais rester encore deux bonnes semaines alité mais j'ai du sortir au bout de deux jours seulement. En effet je n'arrêtais pas d'appuyer sur le bouton rouge sans raison précise, c'était plus fort que moi. Comme si j'avais une petite voix dans la tête qui me disait qu'il fallait à tout prix le déclencher.
De retour chez moi, de mes nouveaux doigts encore hésitants, je suis retourné sur Babelio. J'étais un homme neuf. Inspiré. Enfin prêt à parler d'
Intuitions.
Moins drôle que
Ne fais confiance à personne, on y retrouve tout de même avec plaisir l'humour très sarcastique de
Paul Cleave. On ne voit pas les pages tourner ni le temps passer.
Il ne s'agit pas uniquement d'un polar avec de méchants tueurs de flics et des flics au-delà des lois tueurs de méchants.
En fond sonore, à la radio, j'entend que demain ce sera l'investiture de
Joe Biden aux USA. J'ai des nausées, je me précipite aux toilettes pour y vomir toutes mes tripes, je crie au scandale comme si j'étais possédé, aux élections truquées.
Et puis je vais mieux.
Petit contrecoup de l'opération sans doute.
Mais le roman de
Paul Cleave, initialement destiné à la jeunesse mais bien trop violent au final, a aussi pour personnage principal Joshua, un jeune adolescent de seize ans aveugle de naissance qui va recouvrer la vue grâce aux yeux légués par son père adoptif.
Et la vie de ce jeune homme qui découvre les formes et les couleurs, les joies du harcèlement scolaire, les balbutiements d'un premier amour, redonnent un peu de douceur et de normalité à ce livre qui a tendance à aller à cent à l'heure, surtout dans la seconde moitié où des rebondissements totalement inattendus s'enchaînent.
Mais d'où me vient ce dégoût de l'écologie, cette volonté de construire des murs tout autour de la France ?
Pourquoi j'ai envie de créer un compte twitter pour dire à mes partisans d'aller manifester devant le capitole ?
Je me secoue la tête pour me remettre les idées en place.
Je disais donc que
Paul Cleave, avec l'histoire de ce jeune homme au premier plan, était aussi parvenu à toucher le lecteur.
Beaucoup de suspense, de machiavélisme, mais aussi de questions d'ordre éthiques que j'ai trouvées très intéressantes. Un héros très attachant et des visions impossibles à expliquer. Beaucoup d'ingrédients réunis qui m'ont vraiment fait passer un excellent moment !
Cette nuit j'ai rêvé de prostituées russes urinant sur moi.
La fameuse douche dorée ...
Je regarde ma vieille main fripée, de plus en plus convaincu que mon chirurgien n'a pas réuni la bonne paire.
J'espère que ça n'a rien d'irrémédiable parce que tous ces rêves, toutes ces pensées étranges, semblent de plus en plus prendre le pas sur ma personnalité.
A moins que je ne me présente aux présidentielles de 2022 ?