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Jérôme Beaujour (Collaborateur)
EAN : 9782070387175
192 pages
Gallimard (26/08/1994)
3.92/5   167 notes
Résumé :
Ce livre n'a ni commencement ni fin, il n'a pas de milieu. Du moment qu'il n'y a pas de livre sans raison d'être, ce livre n'en est pas un. Il n'est pas un journal, il n'est pas du journalisme, il est dégagé de l'événement quotidien. Disons qu'il est un livre de lecture. Loin du roman mais plus proche de son écriture - c'est curieux du moment qu'il est oral - que celle de l'éditorial d'un quotidien. J'ai hésité à le publier mais aucune formation livresque prévue ou ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (20) Voir plus Ajouter une critique
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Ce que j'aime par dessus tout : sa pudeur, elle me touche lorsqu'elle parle de choses graves sans jamais se complaire. Ce qui me fait sourire : sa mégalomanie lorsqu'elle parle d'elle même à la troisième personne. Ce qui me rend triste : qu'écrire, indissociable de l'être "Marguerite Duras", indissociable de l'alcool, indissociable de la maison, fut autant ce qui l'aidait à vivre que ce qui la noyait.. L'écriture comme surface de contact avec autrui, comme prison tout autant. Je voudrais et espère me tromper, aimerais que l'écriture ait davantage été ce qui la guidait.
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Si je me suis plongée dans ce recueil de textes de Marguerite Duras, c'est parce que l'adaptation théâtrale de l'un de ses extraits m'a particulièrement touchée.
En effet, j'avais été bluffée en mars dernier, par l'interprétation de Corinne Mariotto, pour La Compagnie de la Dame dans la pièce intitulée La Maison, d'après La Cuisine de Marguerite et La Vie matérielle de Marguerite Duras.
Ne connaissant cette auteure que par L'Amant, je sentais bien alors que j'étais passée à côté de l'essentiel la concernant…

Je découvre dans La Vie matérielle une femme proche et abordable, avec ses moments de faiblesse et de lucidité, avec sa vision aiguisée du monde qui l'entoure… une femme qui avait l'âge d'être ma grand-mère… (Mais ma grand-mère avait une vie beaucoup plus rangée et ne picolait pas…).
Ici, Marguerite Duras ne cache rien de sa façon d'être, de ses retards, de certaines de ses rencontres, de son regard et de ses opinions sur les hommes, sur l'homosexualité et l'hétérosexualité, sur le handicap… Elle écrit sur sa maison de Neauphle, sur la vie parisienne des années 80 notamment dans le sixième arrondissement où elle habitait ; elle ne dit pas tout mais parle, par exemple, de la mort de sa mère, de l'Indochine, de Yann Andréa, du « look Duras » (gilet, col roulé, jupe droite), de son fils, de certaines de ses relations amicales ou amoureuses, de ses manies, de ses angoisses, de ses visions délirantes, de sa façon de conduire... Elle ne cache ni le sexe, ni l'alcoolisme, ni la maladie, ni les mauvais jours et les mauvaises rencontres.
Elle évoque des faits divers, dont l'affaire Villemin, autour de notions comme le sublime ou le pouvoir ultime du langage, donnant la prédominance au littéraire sur l'évènementiel.
Elle nous parle aussi de ses lectures du moment, de littérature en général, de Proust, du théâtre, du jeu superflu des acteurs, des autres femmes auteures ou dramaturges comme Nathalie Sarraute… ; elle évoque l'écriture autour de ses oeuvres déjà publiées, partage ses doutes et ses interrogations, analyse la parole journalistique ou télévisuelle. Elle nous livre des réflexions sur l'art, sur la musique et naturellement sur le cinéma.

Son écriture est encrée, au sens de l'encre qui sert à écrire, dans une forme d'oralité : c'est un dire à lire, un livre à lire et à dire ou à écouter, à méditer aussi. L'auteure le définit bien mieux que moi dans la quatrième de couverture de l'édition Folio et dans son prologue : « cette écriture flottante […], ces aller et retour entre moi et moi, entre vous et moi dans ce temps qui nous est commun ».
C'est un partage, une conversation, un échange à un moment précis sur certains sujets… Ainsi, pour « La Maison », Marguerite Duras est dans la cuisine de sa maison de Neauphle et prépare une soupe de poireaux tout en pensant tout haut. Tous les sujets qu'elle aborde sont très actuels et toujours d'actualité malgré le temps passé ou, du moins ils nous concernent et nous parlent même si la société a un peu changé depuis 1986. C'est intimiste et, dans la mise en scène dont je parlais en introduction, l'odeur des poireaux qui cuisent, les quelques rires en sourdine dans le public, les hochements de tête appréciatifs, les réactions spontanées, les coups d'oeil partagés traduisent bien cette forme de communion dans le temps commun revendiquée par l'auteure…
Marguerite Duras est né en 1914 ; en 1986, elle avait 72 ans… Ce que je ressens est très personnel… En 1986, j'étais mère pour la première fois et ma grand-mère était venue passer quelques temps chez nous pour m'aider un peu. C'était une femme admirable : en 1986, elle avait 82 ans mais était d'une rare vaillance et nous étions très complices toutes les deux… Voir la pièce citée plus haut et lire le texte dans ce livre m'a fait penser à elle. Je découvre Marguerite Duras comme une grand-mère soucieuse de son entourage, du bien-être de chacun et de la bonne marche de la maison tout en ayant un regard aiguisé sur le monde qui l'entoure. « La Maison » figure parmi mes textes préférés de ce recueil, même s'il n'en est pas le plus représentatif.

La lecture de la Vie matérielle est une formidable rencontre et l'occasion pour moi de me pencher très vite sur d'autres textes et livres de Marguerite Duras.
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En une mosaïque dont les fragments ne tiendraient ensemble que par l'encre de la plume de Marguerite Duras, ce recueil nous donne à entendre des réflexions très diverses, tous azimuts.

Ce volume présente la particularité d'avoir été conçu, à son origine, comme un dialogue avec l'ami-écrivain Jérôme Beaujour. Mais rapidement les deux complices ont gommé du texte toutes les questions. Il nous reste par conséquent : un monologue, et... une absence !
Un monologue... qui s'adresse à quelqu'un... nous, finalement.

Comme souvent avec Duras, le style et les mots choisis pourraient s'accorder aussi bien au récit d'un événement réel qu'à une fiction (voire à un rêve ?) ... Si bien qu'on flotte ici parfois entre deux eaux, ne sachant pas toujours très bien de quoi relèvent les lignes qui défilent. Et c'est très bien ainsi ! Impression de cheminer sur la crête sinueuse qui sépare fiction et réalité, au bon vouloir de l'auteure.

Se succèdent alors des sujets variés : l'écriture, les hommes, le désir, l'amour, les maisons, la condition des femmes, l'injustice, les rencontres, et puis l'enfance -un peu-, l'alcool -beaucoup-... Ce dernier s'infiltre et sourd entre les lignes de la fin du livre, et donne l'impression d'assister en direct à un naufrage, et aux tentatives de l'auteure de ne pas sombrer. Elle parle très crûment de ce combat. Ne pas laisser la mosaïque voler en éclats...

Une lecture intéressante mais qui n'est pas parvenue à me passionner tout à fait, peut-être parce que les fragments ne dépassent pas deux ou trois pages maximum, ce qui ne laisse pas le temps d'y pénétrer entièrement ? Ou peut-être parce que l'ensemble m'a paru un peu froid, comme désabusé ? J'ai peiné à retrouver le souffle qui me porte habituellement si vivement chez Duras, de page en page et de roman en roman !
Ce texte s'adressera surtout, me semble-t-il, aux familiers de l'oeuvre de l'auteure, les références aux personnages et situations des romans étant assez présentes.
Mais si certains peuvent y trouver une introduction à Marguerite Duras, ce sera tant mieux !
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N°1848 – Mars 2024.

La vie matérielle – Marguerite Duras- Gallimard.

La quatrième de couverture m'interpelle. L'auteure nous présente ce livre comme n'en étant pas un. D'ordinaire, quand je choisis un ouvrage, j'aime qu'il ait du sens, mais après tout pourquoi pas et j'aime aussi beaucoup être étonné.
Au fil de ma lecture je m'aperçois que Marguerite Duras nous parle surtout d'elle à travers un texte confié à Jérôme Beaujour. Pourquoi pas et nombre d'écrivains de renom tels que Philippe Besson, Patrick Modiano, Annie Ernaux, ces deux derniers nobélisés, n'ont pas fait autre chose. le danger est bien évidemment le solipsisme de l' écrivain, mais bien peu ont échappé à ce travers. J'ai donc lu ce livre qui n'en est pas un, cette « vie matérielle », cet « aller et retour entre moi et moi, entre vous et moi-même » comme elle le dit elle-même.
L'ouvrage refermé, il m'a semblé que je venait de lire un amalgame de textes courts qui correspondent à des moments de sa vie, de ses réflexions, une sorte de journal si on veut le caractériser ainsi et qui emprunte à ce mode d'expression informatif son style brut sans beaucoup de recherches littéraires. Un peu en vrac, elle nous parle donc d'elle, de ses livres, le l'alcool, de l'Indochine, de la douleur, de la mort, de la solitude, de l'écriture et de des paradoxes de cet exercice, de l'inspiration et de ses manifestations, de l'intimité qui existe entre un auteur et les personnages qu'il a crées et qu'un lecteur, même attentif ne pourra jamais connaître. Elle évoque le souvenir des ses amours, de ses amants, dont évidemment Yann Andréa, de ses films, des maisons où elle a habité, de sa mère, des écrivains qu'elle a connus et d'autres qu'elle a admirés, des hommes et des femmes, du désir, du fantasme, de sa folie aussi. J'ai eu l'impression qu'elle voulait tout dire d'elle, ne rien cacher, un peu comme si elle ressentait ce besoin de se confier… ou de parler d'elle tout simplement, comme s'il était nécessaire que son lecteur soit informé de tout ce qui la concerne, jusque dans les moindres détails … ou peut-être une volonté d'ajouter un titre supplémentaire à sa bibliographie personnelle…
Je ne suis pas un admirateur inconditionnel de Marguerite Duras mais je la lis par curiosité, pour pouvoir m'en faire une idée parce qu'elle fait partie du paysage littéraire.
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Faut-il être très cultivé pour lire Margueritte Duras ou pour parler d'elle? Non, il faut la lire pour se cultiver, et tous peuvent parler d'elle, tant elle se livre à tous! Je ne souhaite à personne de se livrer comme elle le fait ici, non sans pudeur il est vrai, mais avec tant de sincérité semble-t-il, et de transparence. Comment n'a-t-elle été mangée toute crue? Peut-être l'a-t-elle été, peut-être est-ce là une façon de vivre davantage. Comment rester en vie? Peut-être l'alcool, peut-être l'écriture? Mais, si je ne le souhaite à personne, je l'en remercie. Merci de m'avoir permis d'entrevoir une vie d'artiste comme si j'y étais, comme si j'étais, moi aussi, l'artiste de ma vie... Et je m'interroge, comment peut-on vivre sa vie et l'écrire simultanément, puisque c'est toujours sa propre vie qu'on écrit. Merci de s'être rendue vulnérable pour nous rendre plus forts, plus conscient de nos faiblesses (à nous, les hommes, les vrais! ;-)).
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Citations et extraits (65) Voir plus Ajouter une citation
Moi ce n'était pas la peine que je me recouvre de beaux habits parce que j'écrivais.C'est valable même avant d'écrire, ces choses- là. Les hommes aiment les femmes qui écrivent.Ils ne le disent pas.Un écrivain c'est la terre étrangère.

( P.O.L, 1987, p.76)
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Ce que voulait cette femme, ma mère, c'était nous assurer à nous, ses enfants, qu'à aucun moment de notre vie, quoi qu'il arrive, les événements les plus graves, la guerre par exemple, on ne serait pris de court.
Du moment qu'on avait une maison et notre mère, on ne serait jamais abandonnés, emportés dans la tourmente, pris au dépourvu. Il pouvait arriver des guerres, des isolement dus aux inondations, à la sécheresse, pour nous il y aurait toujours eu une maison, une mère, à boire et à manger.Je crois que jusqu'à la fin de sa vie, elle a fait des confitures pour la troisième guerre qui allait venir.
Elle a empilé le sucre, les nouilles.Il s'agit d'une arithmétique pessimiste qui procède d'un pessimisme de base, dont j'ai totalement hérité.

( P.O.L, 1987, p.54)
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Ça se passe tous les jours comme ça dans la vie, au moment d'un départ, d'une mort, d'un suicide que les gens ne soupçonnent pas.Les gens oublient ce qui a été dit , ce qui a précédé et aurait dû les alerter.

( P.O.L, 1987, p.107)
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Qu'est-ce qui est arrivé. C'est comme si j'apprenais que tout ne peut pas relever de l'écriture, que celle-ci s'arrête qu'on le veuille ou non devant des portes qui sont fermées alors que je crois le contraire, qu'elle traverse tout, les portes fermées aussi, peu importe la raison pourquoi.

( P.O.L, 1987, p.90)
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J'ai ce goût profond de gérer la maison.J'ai eu ce goût toute ma vie.Et il m'en reste encore quelque chose.Maintenant encore, il me faut savoir ce qu'il y a à manger dans les armoires, s'il y a tout ce qu'il faut, à tout moment, pour durer, vivre, survivre.Moi aussi je cherche encore l'autarcie du bateau, du voyage de la vie, pour les gens que j'aime et pour mon enfant.

( P.O.L, 1987, p.55)
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