Des essais, je n'en lis pas souvent, je dois bien l'avouer. Moi, ce que j'aime, c'est qu'on me raconte des histoires.
Je parcourais la liste des ouvrages de non fiction proposés par Masse critique lorsque mon attention a été attirée par ce titre surprenant. Il me semble bien connaître
Jean-Jacques Rousseau. Mon professeur préféré à l'université était un spécialiste du philosophe et c'est pour son cours que j'ai lu pratiquement toute son oeuvre. Et pourtant, je ne savais même pas qu'il était un adepte du bilboquet !
Qui est
Alexis Ferro ? Eh bien, je n'en sais rien. Mis à part les maigres trois lignes que lui consacre la quatrième de couverture, je ne trouve rien sur le net qui me donne matière à mieux l'appréhender. Je ne saurai donc que deux choses : il a écrit un premier roman et collabore à une revue littéraire. Mais la lecture de son livre m'autorise à déduire qu'il s'agit d'un véritable érudit. Il a sélectionné dix-neuf auteurs dont j'imagine qu'il est un fervent admirateur et il a lu la totalité de leur production. Non pas d'un oeil distrait, mais avec une acuité peu banale, qui lui permet de repérer leurs dadas, dont il se sert comme porte d'entrée pour nous offrir une amusante mais non moins sérieuse étude de leurs idées. Chacun a droit à six pages en moyenne et ces pages sont brillantes. Je prendrai l'exemple de
Jean-Philippe Toussaint. Pour entrer dans ses romans,
Alexis Ferro choisit de les relier grâce aux pays qui leur servent de décor, « une poignée de pays, toujours les mêmes », comme s'il « avait arraché consciencieusement » presque toutes les cartes de son atlas. « Les trois quarts de sa géographie universelle gisent chiffonnées dans sa corbeille. » Ces lignes justifient mon impression:
Alexis Ferro est un savant, certes, mais non dénué d'humour !
Mon regret : ne pas connaître tous les écrivains présentés (
Frédéric Berthet ou
Frederick Exley, par exemple). Quant aux autres, hélas, je n'ai pas lu leur oeuvre entière. Aussi, il me semble que je passe à côté de certains aspects. C'est pourquoi le chapitre que j'ai le plus apprécié est celui consacré à
Emmanuel Carrère dont tous les titres cités m'étaient familiers.
En revanche, je me suis aperçue que, même pour des auteurs que j'aime, tels
Jean Echenoz ou
Jean-Philippe Toussaint, ma culture a de sérieuses lacunes !
Le bandeau présente ce travail comme « un parcours subjectif et ludique à travers les romans » d'un choix très éclectique, tels Salinger,
Proust ou
Dostoïevski, mais il n'y a pas seulement des romans,
Alexis Ferro évoque également
la correspondance ou les études psychanalytiques de
Freud.
Attention, ludique ne veut pas dire futile, il s'agit d'une fameuse somme de recherches, connaissances et réflexions intelligentes qui ont dû demander à
Alexis Ferro un labeur colossal, alors qu'il permet à son lecteur de survoler, en quelques minutes, des oeuvres dont il tirera sans effort la quintessence.
Alexis Ferro établit également des rapprochements avec des écrivains dont les idées sont voisines ou qui ont parlé des précédents.
Un recueil magnifique, donc, que je suis contente d'avoir lu. Je remercie Babelio et les éditions
Anne Carrière de m'avoir permis cette découverte.