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EAN : 9782253114857
220 pages
Le Livre de Poche (11/10/2006)
3.82/5   98 notes
Résumé :
Les dames de la Diguière tirent le diable par la queue. Propriétaires désargentées d'un domaine qu'elles n'ont plus les moyens d'entretenir, elles se battent pour conserver leur héritage, une maison du XVIIIe siècle belle à couper le souffle. Ces princesses déguenillées couronnées de liseron règnent sur les orties, changent la pauvreté en fantaisie et vivent de maigres salaires en attendant mieux. En attendant quoi? Elles ne laisseront pas le hasard décider de leur ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (26) Voir plus Ajouter une critique
3,82

sur 98 notes
Pour sauver le patrimoine, tous les moyens sont bons, encore faut-il le faire En toute impunité...

En fait de patrimoine, il s'agit plutôt, ici,  d'un "matrimoine" ...

Il faut savoir que les  La Diguiere,  de la grand'mère, encore séduisante, aux petites-filles, deux étudiantes prometteuses,  en passant par les filles, toutes deux actives et salariées, et jusqu'à la gouvernante, une La Diguiere de coeur qui refuse ses gages par dévouement,  ont, toutes les six, un manoir du XVIIIe à la place du coeur.

Mais un manoir qui se délabre et se dégrade, inexorablement..

C'est un organe vital mais vorace : non content de vampiriser leurs énergies, leur débrouillardise et leurs maigres ressources, il réclame du sang neuf,  de toutes ses tuiles, lambris, salons , galeries, trumeaux et  verrières. ..

Chaque année, les six femmes se voient obligées de sacrifier pour la vendre une pièce rare du mobilier d'époque  qui y subsiste encore . Les pièces , une à une, lentement se vident. Bientôt il n'y aura plus rien ...Et il y a cette toiture à refaire...

C'est une évidence: le château a besoin d'un mécène riche, docile et,  si possible, convaincu.

Bref, amoureux.

Du château mais,  avant lui, de sa propriétaire, Madame la Diguière en personne, vieille dame indigne et tout à fait charmante,  que sa tribu envoie chasser l'oiseau rare dans le seul endroit qui  regorge encore de vieux messieurs riches et égrotants: une ville d'eau, Vichy.

On aimerait donc que l'élu ait le portefeuille bien rempli, le coeur tendre et la santé un peu fragile. Qu'il n'aille surtout pas se figurer qu'il devient le "maître du château" en épousant sa propriétaire...

Sujet léger,  presque futile , traité avec élégance et charme par une Jacqueline Harpman qui se projette malicieusement  dans cet "Arsenic et Vieilles Dentelles" à la française et dans cette vieille dame si délicieusement immorale.

Le lecteur savoure vieilles pierres, et modernes manigances sans rechigner.

Une lecture plaisante, à consommer,  à l'heure du thé , dans une vieille bergère en chintz décolorée par le soleil...
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Il est des romans qui commencent sur un coup du sort quand, après avoir acheté en librairie « le bonheur est dans le crime », un architecte tombe en panne vers minuit au bord d'un mur longeant une vaste propriété pour, par la suite, découvrir peu à peu son état de décrépitude, ses habitants et familiers. Celle-ci s'avèrera s'appeler la Diguière, seul lieu d'hébergement à la ronde. Mais le hasard existe-t-il ?

Une connaissance à qui j'ai offert l'autobiographie d'Irvin Yalom, car elle-même fait partie des psy-quelque-chose, m'a conseillé en retour de découvrir un ou l'autre des romans d'une psychanalyste belge, Jacqueline Harpman. J'avais le choix, parcourant rapidement ses titres sur notre site, je reconnus immédiatement Magritte en couverture d'En toute impunité. Or, j'aime beaucoup Magritte et L' empire des lumières. Alors qu'il fait plein jour, seuls quelques blancs nuages ornent un ciel inhabituellement bleu pour notre petit pays, rien en apparence ne peut expliquer cette pénombre recouvrant la maison et ses abords au point de nécessiter éclairage à l'extérieur comme à l'intérieur.

Surréalisme typiquement belge ou lumineux appel magrittien à nous pencher sur les sombres secrets que cachent à toute heure les grosses maisons bourgeoises ? Quels pourraient-ils bien être, pour étendre ainsi leur noirceur, hormis ces lourds secrets de famille conduisant aux névroses intergénérationnelles ? La maison et sa maisonnée, un cercle aussi clos que les volets du rez-de-chaussée ? M'enfin, si rien qu'avec la couverture je savais déjà tout cela (juste ! j'avais vu le tableau auparavant, j'avoue), pourquoi emprunter celui-là ? le titre évidemment, annonciateur d'un policier psychologique : pour une fois le coupable devrait s'en tirer, d'où une curiosité à assouvir sans modération en toute impunité.

L'écriture aime à se rouler par moments dans un parfait usage d'anciens subjonctifs, en une étonnante simplicité et d'une telle élégance qu'elle procure la sensation au lecteur de pouvoir indéfiniment surfer sur la poudreuse alors qu'il dévale dans les profondeurs de l'âme humaine sans vraiment en prendre pleinement conscience. Un talent rare dans la manière de croquer la psychologie d'un personnage "Elle était issue d'une vieille famille bourgeoise pourvue depuis des générations et trouvait tout naturel de dépenser l'argent de son mari. [...] Elle considérait que sa tâche était de recevoir et de régler la vie mondaine de son mari, et son devoir d'être élégante, ainsi que lui avait montré sa mère."p.225-226, ou "Madeleine avait dit : Elles sont la Diguière. C'était sans doute encore plus exact que Je suis une la Diguière."p.237… de même pour les tensions qu'un comportement peut engendrer "- Il est tellement généreux qu'il va nous étouffer de gratitude"p.224 [...] "Il ne concevait pas que l'on pût avoir des désirs différents des siens"p.227. Jusqu'au conflit, jusqu'au meurtre.

Je serais bien indigne de ne pas mentionner l'humour, attention pas gras comme le papier d'un cornet de frites après usage. Non, non, non. Un humour à la belge, fin et finaud, flirtant avec l'ironie et j'allais dire naturellement (ah cette gentillesse innée à prêter à tous, par amour du partage, nos qualités spécifiques) allez fieu je corrige : et chez nous l'autodérision. "j'ouvris mon Barbey d'Aurevilly. Je compris dès les premières lignes que je ne serais pas en compagnie de Hauteclaire et Savigny : quel usurpateur sans vergogne s'était permis de s'approprier le titre de ce chef-d'oeuvre pour sa consommation personnelle ?" p.18 Bon, comprend qui peut car j'avoue mon manque total de culture, n'allez pas me demander qui cache Orlanda par exemple, je n'ai pas lu Virginia Wolf. Souvent dans les conversations je finis par me cacher derrière le rideau, cramoisi.
Certain(e)s auront tout de suite compris que si « elles sont la Diguière », elles sont aussi « les Diaboliques ». Ce clin d'oeil ne serait néanmoins que de peu d'intérêt, s'il était gratuit. Cependant : fin et finaud, ai-je dit. Méfiez-vous du titre ! Voilà l'avertissement.

"Il y a peut-être des coupables sans remords, on nous le cache pour nous faire peur et nous tenir dans le droit chemin, la petite tache qui terrifie Lady Macbeth est un effet littéraire et Raskolnikov avait la tête mangée par la névrose. le sentiment de son bon droit soutient le terroriste, il recommence, aucun démon ne lui montre l'enfer et ses feux, qui ne sont promis qu'à ses victimes."p.271
Le hasard existe-il quand je viens de terminer Maudit soit Dostoïevski, autre roman s'interrogeant sur le bien et le mal, la culpabilité ? Pas de misérabilisme chez Harpman et, comme chez Magritte : quelle profondeur parée d'humour et de légèreté !

Quant à mon esprit disruptif il s'est délecté en appliquant une grille de lecture systémique (observant principalement les interactions dans cette famille singulière ici et maintenant) sur ce roman qui recherche le comment et le pourquoi en sondant le passé et l'histoire de cette maison de la grande bourgeoisie dont le mimétisme des comportements sur la noblesse conduit à des alliances contre nature pour déboucher sur un crime des plus fourbes.
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Un roman au charme féminin entêtant et immoral.
Jean, le narrateur, tombe en pleine nuit en panne de voiture. Il est accueilli par Sarah et hébergé en toute simplicité à la Diguière, un domaine ancestral qui tombe en ruines. Les dames de la Diguière, mère, fillesjet petites-filles sont d'ailleurs prêtes à tout pour le sauver.
Très vite, il tombe sous le charme des propriétaires en partageant quelques jours leur quotidien. Il sera le témoin privilégié du plan de sauvetage ultime du domaine : Madame de la Diguière prend les eaux à Vichy, à la recherche d'un mari au portefeuille bien garni.
Quelques mois plus tard, Jean rend visite à cette famille qu'il n'a pu oublier : le domaine et les perspectives ont bien changé. La fidèle Madeleine lui contera une nuit toute l'histoire...

Jacqueline Harpman nous offre un récit à l'écriture ciselée, au ton léger, drôle et cynique, à l'immoralité assumée; Elle joue avec les codes pour notre plus grand plaisir à travers ces portraits de femmes libres, sensuelles, fières et décidées.

Une très jolie découverte, grâce au challenge solidaire.
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Ça alors, voilà que Jaqueline Hapman nous fait le coup de la panne !
En l'occurrence, c'est son narrateur qui se voit contraint, pour cause d'ennuis mécaniques, d'abandonner son véhicule en rase campagne et de passer une nuit "chez l'habitant", façon "j'irai dormir chez vous".
Toutefois, à la différence d'Antoine de Maximy, notre naufragé de la route ne trouve pas refuge dans une modeste fermette sur un clic-clac douteux, mais dans un vaste domaine du XVIIIe siècle : La Diguière.

Plutôt sympa, me direz-vous ! Ben oui mais non, pas vraiment.
D'abord parce que la bâtisse, qui jadis fut somptueuse, tombe peu à peu en décrépitude, ensuite parce que les propriétaires du lieu (grand-mère, filles et petites-filles) semblent prêtes à tout pour sauvegarder leur patrimoine et rendre à ce joyau architectural sa majesté d'antan. Charmé dans un premier temps par cette famille d'aristocrates sans le sous, pour le moins atypique et exclusivement féminine, notre narrateur découvre peu à peu l'envers du décor... La Diguière se révèle être la seule raison de vivre de ces drôles de dames pas vraiment fréquentables, et l'emprise qu'exerce le domaine sur cette fratrie, sur son visteur (et sur le lecteur ?) est étonnante !

Ce qui démarrait gaiement comme une comédie champêtre riche en rebondissements et en dialogues percutants tourne bientôt à la farce vaguement malsaine mais non dénuée d'un humour à la fois fin et féroce et émaillée de réflexions subtiles sur la nature humaine, la culpabilité et l'absence de scrupules, la frontière parfois confuse entre le bien et le mal...

Avec son écriture toujours vive et élégante, la romancière belge qui m'avait déjà conquis avec "Moi qui n'ai pas connu les hommes" propose donc ici - dans un genre radicalement différent - une histoire a priori moins extravagante mais tout aussi prenante et toujours centrée sur des personnages féminins assez charismatiques.
Jaqueline Hapman n'a décidémment pas fini de me séduire !
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La rentrée des classes a eu lieu voici un peu plus d'une semaine, et je peine, depuis à m'intéresser à un livre et à rédiger un avis complet. En toute impunité est tombé à un mauvais moment.
C'est ma première rencontre avec cette autrice et je ne sais pas s'il y en aura une seconde, ne serait-ce que parce qu'un seul de ses livres est disponible.
J'ai presque envie de dire que le narrateur est extérieur au récit. Nous sommes presque dans une histoire désuète, avec un homme qui tombe en panne et passe la nuit en tant qu'invité (même s'il paye pension) à la Diguière. Il n'est pas tout jeune, il est célibataire, presque endurci, et il jette un regard assez tendre sur cette famille entièrement composée (à cette époque de femmes, y compris si l'on compte la Diguière, ce manoir tentaculaire pour lequel les six femmes de la famille (je compte Madeleine, la domestique, qui sait absolument tout sur la famille comme membre de la famille) ne cesse de trouver des moyens ingénieux pour réparer et pour survivre, quitte à vivre quasiment en autarcie et à ne pas céder aux sirènes de la modernité. Bien que l'histoire soit quasiment notre contemporaine, j'ai eu l'impression de me retrouver plonger dans une époque plus lointaine, presque surannée, tant leur mode de vie, leur unique obsession est hors du temps.
Je ne dirai pas que j'ai vu venir le dénouement, non, je dirai qu'il est parfaitement cohérent avec la logique et l'obstination des personnages féminins.

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Citations et extraits (29) Voir plus Ajouter une citation
Je rentrais de F*** où j’avais eu à faire. La nuit était assez claire. Pour me distraire je regardais la lune en tentant, ce devait être la millième fois, de retrouver le moyen mnémotechnique qui permet de savoir si elle est en phase ascendante ou descendante, et je commençais à me demander si je ne m’étais pas trompé de chemin au carrefour précédent, car il me semblait que j’aurais dû être arrivé à l’autoroute depuis un moment. C'est alors que le moteur se mit à faire des bruits inquiétants. Je ne connais rien à la mécanique, je tentais de me rassurer avec l’idée que ma voiture était presque neuve quand plusieurs lampes s’allumèrent sur le tableau de bord.
Je savais que la batterie de mon téléphone portable était vide. C'était trop, je me sentis guetté par un fou rire nerveux. Je ne pouvais que continuer à avancer aussi longtemps que possible en espérant arriver dans une région plus habitée que la campagne déserte où je roulais depuis un quart d’heure.
Je me rendis compte que la lumière des phares faiblissait. La panne complète s’annonçait. Il y avait quelques centaines de mètres que je longeais un mur de pierres couvert par endroits de ronces, c’était peut-être l’enceinte d’une grande propriété et j’hésitais à m’arrêter quand tout s’éteignit. La voiture avança encore un peu sur sa lancée, puis s’immobilisa doucement.
Pour ce que j’en savais, j’étais au milieu de nulle part, entre ailleurs et ailleurs.
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Elles ne connurent pas les cours de danse classique, les leçons de tennis ou d'équitation de leurs compagnes et s'en moquèrent : elles avaient la Diguière. Princesses déguenillées couronnées de liseron, elles régnaient sur les orties, changeaient les citrouilles en Rolls-Royces, les chats en princes et la pauvreté en fantaisie.
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On l'arrête, on le juge, on le condamne : il n'entend rien. Un prête lui propose les remords, il sera absout par la justice de Dieu, sinon par celle des hommes : il ne sent pas qu'il soit coupable.
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-Je suis le voyageur égaré, en quête de repères, qui arrive au milieu de la nuit, dis-je d'un ton enjoué.
Sans doute la jeune femme, pieds nus poussa sur quelque commande : plusieurs lampes s'allumèrent.
-Vous êtes à la Diguière, dit-elle, comme s'il était évident que cette dénomination m'instruirait.
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Je ne vis d'abord qu'Albertine. Je me doutais qu'elle devait être belle, mais à ce point-là.

Les cheveux gris mêlés d'argent encadraient un visage au teint amré, que l'âge marquait à peine.

Elle portait des boucles d'oreilles de perles grises, certainment fausses, mais qui mettaient en valeur les yeux clairs, à peine fardés.

La robe était grise aussi, lumineuse, coupée dans un tissu souple, qui dessinait sans révéler, une perfection de délicatesse et de discrétion. p 87
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Videos de Jacqueline Harpman (5) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jacqueline Harpman
Lectomaton, extrait de "La plage d'Ostende", de Jacqueline Harpman, lecture par une étudiante IESSID, bibliothécaire documentaliste.
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