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EAN : 9782228898744
444 pages
Payot et Rivages (01/04/2005)
4.35/5   10 notes
Résumé :

"Elle avait sur le visage une indéfinissable expression douloureuse." Carson McCullers décrivait ainsi celle qui lui inspira un amour fou et que Roger Martin du Gard remerciait "de promener sur cette terre son beau visage d’ange inconsolable". Après avoir mieux fait connaître en France cet auteur majeur (La Mort en Perse, PBP n° 342 ; Orient exils, PBP n° 384 ; Loin de New York et Où est la terre des promesses ?, PB... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
J'avais déjà croisé Annemarie Schwarzenbach dans "Le tournant" l'excellente autobiographie de Klaus Mann, puis quelque temps plus tard dans un récit de voyages d'Ella Maillard et enfin il y a à peine un mois dans " L'ombre de la route de la soie" de Colin Thubron, le travel writter anglais qui a parcouru une partie de la route qu'avaient empruntée Annemarie et Ella dans les années 30 à bord de la Ford payée par le papa de la suissesse. J'étais intrigué par la destinée de cette petite fille de "riches" (une des plus grosses fortunes de Suisse amassée dans le négoce du textile) , à la beauté longiligne et androgyne , morte à 34 ans d'une banale chute de vélo.
La biographie qu'en offre Dominique Laure Miermont est en tous points exemplaire. L'auteure est d'ailleurs la principale traductrice en français des oeuvres d' Annemarie Schwarzenbach.
Sa vie peut être comparée, même si c'est un lieu commun, à une météorite. Un cours passage flamboyant dans la nuit des Temps.
Comme l'on dit d'une personne choyée par les Dieux à sa naissance : elle avait tout pour réussir ; autre lieu commun...Etudes plutôt brillantes à Zurich et à Paris, riche, belle, son avenir était tracé conformément aux voeux de sa famille très conservatrice : beau mariage, belle maison, et pleins d'enfants ! le système KKK à l'allemande qui convient parfaitement à cette Suisse alémanique encore plus corsetée que la francophone.
Au désespoir de ses parents la jeune Annemarie va , une fois ses études terminées, se réapproprier sa vie. Sa grande ambition sinon sa grande passion c'est l'écriture...et les voyages.
Dans l'Europe de l'après première guerre mondiale une grande partie du l'intelligentsia sonnée par ce qui apparaît comme un suicide collectif va essayer de trouver de nouveaux moyens d'action pour éviter "que cela se reproduise". Et il est temps car les années trente voient l'émergence de nouvelles forces politiques en Allemagne, en Italie, mais aussi dans la Mittel Europa si proche de la Suisse. En Allemagne Hitler est déjà au pouvoir et les juifs comme les gens un tant soit peu de gauche sont indésirables. On ouvre des camps.
Annemarie Schwarzenbach sera de ce combat là. Elle fera connaissance des enfants Mann, Klaus et Erika, (qui sont à la pointe du combat contre Hitler, leur père Thomas Mann étant déjà réfugié en Suisse ), avec qui elle conservera toujours des liens très forts , même si sa biographe ne peut s'empêcher de regretter à demi-mots que ces rencontres eurent lieu. En effet ce sont les deux enfants Mann qui lui feront découvrir les paradis artificiels, notamment la morphine dont elle ne pourra jamais plus se passer et qui est sans doute un élément de son décès.
Pour comprendre la destinée de cet "ange foudroyé" ,comme l'appelle Dominique Laure Miermont, il faut avoir à l'esprit la profonde et constante insatisfaction qui taraude Annemarie. Insatisfaction dont les ressorts sont certainement à chercher dans son enfance mais pas uniquement.
Annemarie est doublement en porte-à-faux. Par ses choix amoureux, elle préfère les femmes et son besoin maladif de se faire aimer se solde souvent par des échecs répétés . Par ses choix de vie elle est écartelée entre le besoin d'indépendance ( d'où de nombreux articles qu'elle écrivit dans les journaux suisses) et le besoin récurrent de retrouver sa famille à Zurich. Famille dont les subsides contribuent au train de vie très aisé d 'Annemarie.
Pendant la courte douzaine d'année de sa vie "publique" , le lecteur est sidéré par l'instabilité vibrionnante qui préside à son existence. Alors que les voyages étaient moins faciles et plus longs qu'aujourd'hui, Annemarie est continuellement en déplacement : Berlin, Prague, Paris, Turquie, Perse...Perse où elle trouve le moyen de se marier avec un diplomate français ; un mariage à éclipses puisque Annemarie est perpétuellement en "quête".
Elle fait quelques voyages aux Etats-Unis où elle retrouve Klaus et Erika Mann. Les liaisons amoureuses ne durent jamais longtemps et l'emprise des drogues est plus forte que jamais : elle enchaîne les cures de désintoxication. A fonds perdus.
Avec une auto achetée par son père , elle part avec la déjà célèbre Ella Maillart sur la Route de la soie. Un exploit. Mais, même si sa biographe ne s'appesantit pas trop là dessus, on comprend bien que beaucoup de choses séparent l'alémanique romantique de la positive et pratique genevoise ! Elles se quittent en Afghanistan. Et toujours cette impérative nécessité de trouver le bonheur, l'équilibre. Par tous les moyens : l'écriture bien sûr, mais aussi l'amour, l'amitié, et hélas les drogues.
Peu avant sa fin tragique, alors que le monde est à nouveau en guerre, elle entreprend un voyage en Afrique pour plusieurs journaux helvétiques auxquels elle a promis des articles et des photos. Huit mois de voyage difficile au coeur des ténèbres. C'est peu de temps après son retour dans sa maison de Sils, dans les Grisons, qu'elle décèdera des suites d'une chute de vélo.

Ce livre , s'il rend justice à Annemarie Schwarzenbach, vaut autant pour moi par l'évocation de la vie intellectuelle dans les années trente. On y croise bien sûr tous les écrivains allemands et suisses (beaucoup d'inconnus...), des musiciens....On y croise Claude Bourdet qui fut l'ami d'Annemarie, Carson Mc Cullers la grande écrivaine américaine qui tomba amoureuse d'Annemarie. Au fil de ses innombrables voyages c'est toute l'Europe intellectuelle qui défile. C'est ce qui m'a le plus intéressé , car je l'avoue, je n'ai pas eu d'empathie avec l'héroïne. Certes c'est une jeune femme talentueuse (musicienne, écrivaine, journaliste,photographe...), mais décidément sa personnalité a eu le don de souvent m'irriter. Cela tient peut-être au fait que, comme l'on dit, "elle est née avec une cuiller d'argent dans la bouche" ! même si à la fin de sa courte vie les ennuis d'argent apparaissent , la fortune familiale étant obérée par la guerre. Ce n'est pas tant le fait qu'elle fut riche qui m'indispose (il faudrait alors mettre à la trappe tous les Proust, Gide,Mauriac etc..) mais son attitude souvent d'enfant gâtée devant les aléas de la vie. Elle me fait diablement penser à notre Françoise Sagan nationale ! même vie à cent à l'heure (Annemarie adore les voitures et c'est elle qui conduira la majeure partie du temps lors de son voyage avec Ella Maillart ) , même origines bourgeoises, même addiction aux drogues les plus diverses, et à la clope qui leur ronge les poumons ,même "bougeotte" de voyages. La différence entre les deux tient à la considération des milieux littéraires . Françoise Sagan est très vite reconnue , au contraire de la suissesse qui peinera toujours à se faire reconnaître comme écrivain. de là vient certainement une part non négligeable de son mal être.
Cette belle biographie est agrémentée de nombreuses photos d 'Annemarie , des photos d'elle bien sûr, et des photos de ses voyages dont elle est elle même l'auteur.




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J'ai découvert Annemarie Schwarzenbach en lisant La voie cruelle d'Ella Maillart( sacré personnage aussi, mais beaucoup plus solide) , le récit du voyage qu'elles ont fait toutes deux en Afghanistan en 1939. C'était un voyage: " essai de sauvetage", Annemarie s'était engagée à ne pas se droguer, et Ella Maillart y croyait..
Je l'ai retrouvée en lisant Klaus Mann.
Dominique Laure Miermont est la traductrice attitrée de Annemarie Schwarzenbach pour Payot. Elle a utilisé pour cet ouvrage un important fonds comprenant de nombreux inédits déposés aux Archives littéraires suisses à Berne.Hélas, presque toute sa correspondance, très abondante, a été détruite par sa mère après sa mort.

C'est une biographie passionnante d'un personnage qui l'est aussi. En elle-même, mais aussi par ce qu'elle représente inscrite dans son époque.
Comme l'écrit Klaus Mann dans le tournant:
"Toute vie humaine est à la fois unique et représentative; dans chaque destin individuel, dans chaque drame personnel se reflète et se module le drame d'une génération , d'une classe, d'un peuple et d'une époque."

En ce qui concerne la biographie elle-même, elle est très complète , et, effectivement, y insérer certains extraits de textes écrits par Annemarie Schwarzenbach permet d'encore mieux la découvrir, et donne envie de la lire.
Le personnage lui même.. c'est le propre d'une biographie de raconter et de ne pas expliquer, ni interpréter. . J'ai complété par la vision d'un documentaire qui m'a semblé apporter quelques éléments supplémentaires.
On la décrit comme étant en rupture avec les images dominantes de l'identité suisse de l'époque, rebelle très engagée contre l'inertie des autorités suisses .
Oui, bien sûr..
Elle est en tout cas d'une lucidité extrême et d'une intelligence remarquable. Douée pour tout, magnifique, et on se dit pourquoi ce gâchis, car sa vie est un gâchis intégral.
Sans doute parce que tous ces talents ne sont pas suffisants pour résister à l'emprise de la tradition familiale. Et qu'elle n'arrivera jamais à se situer, continuellement en recherche de ce qui lui manque quelque part, toujours en demande, et des demandes tellement fortes que personne ne peut y répondre:
"Il faudrait choisir ses ennemis comme ses buts, en fonction des forces dont on dispose."

Et oui, et quelle force mentale il faut pour résister , se couper complètement de son identité première. Elle ne l'avait pas, visiblement , et était elle-même son propre drame.
Elle a été en tout cas très mal traitée par sa famille ( vers laquelle elle se retournait en permanence.. là était son problème comme lui avait longuement expliqué Ella Maillart dans le courrier échangé) et il y a dans cette biographie une lettre de son frère qui fait frémir. Calculant le prix à payer , prix demandé par une institution psychiatrique américaine pour lui permettre d'éventuellement rebondir , et concluant qu'Annemarie ne valait pas ce prix..

Quant au titre, "Le Mal d'Europe"? Il vient d'une lettre de Catherine Pozzi adressée à son fils , Claude Bourlet, amoureux d'Annemarie:
"On a auprès d'elle un sentiment d'instabilité curieux. Elle vous donne le mal d'Europe."


Lien : http://www.youtube.com/watch..
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Une femme à (re)découvrir.
La trajectoire éclair d'Annemarie Schwartzenbach est sidérante.
Amie des Mann, Klaus, Érika et leur magicien de père Thomas, de Roger Martin du Gard, Erich Maria Remarque, Carson Mc Cullers, Ella Maillart...
Elle parcourt le monde à la recherche de l'absolu, elle exige l'amour ou l'amitié exclusive tout en voulant être indépendante
Elle ira au coeur des ténèbres, les siennes, au Congo, en Perse, en Allemagne, aux USA, à l'HP, dans le thon (la drogue)
Et elle écrira compulsivement
À donner envie de lire ses écrits
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