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EAN : 9782370550163
157 pages
Le Tripode (10/04/2014)
4.25/5   73 notes
Résumé :
Historien de formation, gros consommateur de littérature et de bandes dessinées depuis mon adolescence, j’ai, sur la quarantaine, traversé une drôle de crise: durant plus de cinq ans, je ne suis pratiquement arrivé à lire que des livres de linguistique, essentiellement des grammaires de langues rares et lointaines. Aujourd’hui le gros de l’orage est passé, mais je persiste à consommer nettement plus de linguistique que de romans. Je n’apprends pas ces langues: à par... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (24) Voir plus Ajouter une critique
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COMME UN POLAR...

Chez Jean-Pierre Minaudier, la crise de la quarantaine a revêtu une forme particulière. Historien de formation, gros lecteur de romans et de BD, il n’a plus réussi, pendant cinq ans, à ouvrir autre chose que des livres de linguistique.

Il s’est mis à collectionner les grammaires de langues rares. Il en possède aujourd’hui 1 163, concernant 864 langues. Et convient aisément qu’il y a « un plaisir pervers à posséder la bibliothèque la plus snob de Paris ». Mais pas seulement :

« Une grammaire est une espèce de grand sudoku : par déductions successives, il faut rassembler les pièces d’un puzzle logique [...] Mais il y a bien plus : ma conviction profonde est qu’une grammaire, c’est avant tout du rêve et de la poésie. »

Dans « Poésie du gérondif », il compare aussi la lecture d’une grammaire à celle d’un roman policier :

« A l’issue d’une haletante démonstration dont la conclusion est que “toutes les voyelles brèves du khakha sont en réalité des schwas épenthétiques” (les garces !), le lecteur convenablement excité éprouvera une volupté proche de celle du tchékiste démasquant un nid de saboteurs hitléro-trotskystes dans une usine biélorusse en 1937. »

Avec Minaudier, on oublie la torture scolaire. On sourit de bout en bout. Pour tout vous dire, il y avait longtemps qu’un livre ne nous avait pas réjoui à ce point !

On apprend notamment que :

- le !xoon (langue parlée en Namibie et au Botswana) aligne au moins 117 consonnes ;
- les mots les plus longs se trouvent dans les langues esquimaudes (« en voici un, de taille raisonnable pour la langue concernée : “Tuktusiuqatiqarumalauqpuq”, qui veut dire en inuit : “Il désira avoir un compagnon de chasse au caribou.” ») ;
- à l’inverse, on trouve majoritairement des mots d’une seule syllabe dans de nombreuses langues d’Asie du Sud-Est et en goemai (langue du Nigéria) ;
- Géronimo s’appelait Go Khla Yeh en apache, Sitting Bull se dit Thathanka Iyothanka en Iakota et le vrai nom de Chief Joseph, en nez-percé, était tout simplement Hinmahtooyahlatkekht.

A peine remis de ces découvertes, contaminé par l’enthousiasme communicatif de l’auteur pour « l’odorante fleur du langage », on découvre encore que :

- certaines langues ne distinguent pas le genre, « comme le mandarin, le japonais, le turc, le basque, l’estonien » ;
- en bilua (langue des îles Salomon), en kurde et en cèmuhi (langue de Nouvelle-Calédonie), c’est le féminin qui l’emporte ;
« dans la plupart des langues afroasiatiques [...], faire passer un nom au féminin sert à indiquer que la chose dont on parle est de petite taille, alors qu’en nama, une langue khoïsane de Namibie, c’est exactement le contraire » ;
- certaines langues d’Amazonie « possèdent la catégorie du passé non seulement pour les verbes, mais aussi pour les noms » : un élément permet d’indiquer que « l’être ou l’objet désigné est mort, abîmé ou inutilisable ».

Etonnant, non ? La diversité des grammaires reflète celle des systèmes de pensée et des visions du monde. De ce livre, on sort donc vacciné contre tout penchant universaliste et uniformisateur. Avec un petit défi pour la route :

« Voici comment on dit “J’ai vu un animal de ce type”, en kalam, une langue papoue de Nouvelle-Guinée orientale : Knm nb nnnk. Toute personne capable de prononcer cette phrase gagnera une chaussette d’archiduchesse séchée sur une souche sèche. » (En réalité, l'auteur donne la "solution" à cette lecture pour nous autres impossible un peu plus avant dans ce bref mais généreux et jovial petit bouquin.

Et que vive encore pour longtemps cette incroyable diversité pour laquelle l'auteur nous rappelle qu'elle est autant de manière de voir, de comprendre et d'appréhender le monde qui nous entoure.

Sans jamais tomber dans le catastrophisme de bon aloi - Jean-Pierre Minaudier rappelle que, de tout temps, des langues sont nées, ont vécu, on finit par mourir ; qu'à certaines époques, sous certains régimes, dans certains empires, ces morts se sont accélérées, que ce sont là des mouvements assez naturels et que l'énorme différence avec les temps jadis c'est que depuis un peu plus d'un siècle, tout cela est répertorié, étudié, enregistré, et ce qui passait inaperçu hier est bien visible aujourd'hui -, l'auteur nous en rappelle les richesses, les surprises, pour tout dire le passionnant intérêt.

Sans être aussi pointu, précis, historique ni scientifique que les ouvrages même vulgarisateurs d'une Henriette Walter ou d'un Claude Hagège, pour n'en citer que deux, c'est peu de dire qu'avec ce petit opus d'un amateur linguiste parfaitement assumé et revendiqué, on se laisse complètement embarquer vers des ailleurs aussi imprévus que parfaitement poétiques. Et on en redemande !
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Poésie du gérondif ou comment mesurer toute la richesse des langues de notre monde, un vol tout en grammaire, ou l'équation littéraire se mesure à la structure des nombreux parlés de notre planète, c'est bref comme bouquin, un éternuement, un balbutiement de sa passion, celle de l'auteur et de sa curiosité…

Tellement d'interprétations, de théories, au bon vouloir des linguistes, nous bégayons les prémices du langage écrit aux quatre coins du monde, car nous l'ignorons il me semble…l'auteur nous invite au voyage, à la tolérance de ces nombreuses cultures qui peuplent cette ouverture d'esprit qui se pauvretise dans le racisme, l'intolérance, l'indifférence même des minorités, nous méprisons l'égalité, on transforme les trésors en tas de merde sous couvert d'être les rois de l'or noir… toute en digression hein…

J'aime la langue française qui se conjugue à la complexité de ses conjugaisons, de ces jeux de mots, de cette poésie qui se dégage des rimes, des syllogismes, des aphorismes, nous sommes des bavards de l'écriture, des artistes du romantisme parlé, on s'empoisonne de synonymes, d'homonymes et de règles harmonieuses qui se fleurissent d'émotions, d'une orthographe complexe qui se perd dans une modernité décadente, ou l'effort n'est plus à la culture mais perdu dans une bêtise qui m'échappe.

En musique j'y préfère l'anglais, vous m'en voyez navré, il y a quelques magies dans l'accord des sons entre la voix et les instruments, pas chauvin pour un cul je ne me plais point dans la variétoche française, j'y plongerai bien dans les nuances car il y a de belles exceptions évidement, mais à quoi bon justifier mes subjectivités, je ne suis qu'un pauvre homme bien né un beau jour de février, dans l'abondance occidentale, dans le confort d'une misère moins pire qu'ailleurs, est-il possible de prendre la mesure de cette chance, l'égoïsme culturelle, aux frontières suivant des lignes toutes bien tracées, de cette pauvreté intellectuelle qui s'enrichit de nos différences, c'est moche d'y vivre dans l'incompréhension…un passé donneur de leçons, façonneur de morales, qui ne tiennent pas bien la route devant la réalité, on ne retient pas les enculeries d'antan, on se répète le bout de saloperie, on cultive cette connerie de croire que l'individualité est plus heureuse que la solidarité, on se meurt des autres pour notre salut qui veut s'éterniser seul dans l'abondance de rien, mais pourtant on veut le tout de chacun.

Non vraiment je ne m'y fais pas, la montée des extrêmes, l'appauvrissement intellectuel, la culture de l'égoïsme, au XXI siècle on en sait assez pour être moins CON pourtant nous devenons de plus en plus demeurés. Allez comprendre ce qui ne nous tourne pas rond chez les humains ? et ne me répondez pas la Gravité, sinon je prends ma guitare et je vous en joue un air ….

“Say it ain't so Joe, please say it ain't so
That's not what I want to hear Joe
Ain't I got a right to know
Say it ain't so Joe, please say it ain't so
I'm sure they're telling us lies Joe
Please tell us it ain't so”

https://www.youtube.com/watch?v=7zZzjVCGFo4

A plus les copains

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«En un mot, ce livre chantera la poésie de la grammaire. Car il est des êtres dans la vie desquels cet art occupe la place de la lune pour Hugo, de la mer pour Valéry, de Lou pour Guillaume et de Verlaine pour Rimbaud ; enfin il en est au moins un et il se trouve que c'est moi.»

Autodidacte de la linguistique et acheteur et obsessionnel des livres traitant du sujet, Jean-Pierre Minaudier possède à ce jour 1163 ouvrages de linguistique concernant 864 langues, qu'il dévore « comme d'autres dévorent des romans policiers ». Et cet amoureux de la culture et passionné par la découverte de l'autre s'y nourrit de son amour pour les langues parlées, aux antipodes de la rigidité des normes et des règles de grammaire dont nous fûmes nourris sur les bancs de l'école.

Il faut accepter dans cette lecture de voguer entre les genres, et de vagabonder soi-même, de prendre ce que l'on peut saisir dans l'érudition phénoménale de Jean-Pierre Minaudier. Alors on prend le livre, on le pose, on le reprend avec étonnement et un plaisir grandissant, d'abord avec la découverte de la poésie des noms des langues, du basque au kilikilibamba, de leurs sonorités et de leurs migrations. Puis s'ouvre la partie la plus passionnante du livre, la partie proprement linguistique où l'on découvre ce qui nous apparaît comme des bizarreries ou des objets fascinants, témoignages de l'inépuisable variété de l'esprit humain et de la multiplicité des visions du monde – avec par exemple la découverte des «impressifs, très utilisés notamment en japonais, des sortes d'adverbes inexistants chez nous et qui servent à donner une coloration particulière à une phrase - comme « butu-butu » qui évoque un grommellement ou « nyoro-nyoro » les contorsions d'un serpent.

«… dans une grammaire, les exemples présentent le charme de n'avoir pas été arrangés en fonction d'une progression, d'une démonstration : le charme de l'imprévu et de la variété, le charme du corail. Leur désordre aussi radical que possible, puisqu'ils sont rangés non en fonction de leur sens, mais des leçons grammaticales qu'on peut en tirer, produit sur le lecteur bien disposé le même effet poétique qu'une classification des animaux selon Borges, et parfois il se dégage de cette anarchie quelque chose comme un mystérieux sens global, fait d'allusions et de sensations confuses plus que de démonstrations, d'affirmations et de structures – telles ces taches au dos d'un jaguar ou un prisonnier délirant déchiffre l'écriture d'un dieu dans une autre nouvelle de Borges

En vagabondant dans la «Poésie du gérondif», on refoule l'ennui mortel du Bescherelle pour aimer à son tour les langues comme des êtres vivants. On en ressort émerveillé par «la diversité radicale, la poétique et féconde anarchie des langues réelles», «fruit de millénaires d'élaboration collective et pour l'essentiel inconsciente», que Jean-Pierre Minaudier nous fait toucher du doigt avec beaucoup d'humour et de subtilité.
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Mont Dore, Nouvelle Calédonie, le 30 août 2014
Monsieur
Foin de minauderies, il n'est point dans ma nature d'accepter les injures gratuites et injustifiées de la part de quidams impudents, qu'il fussent bêta ou lambda voire pensent être l'alpha et l'oméga de la culture.
Hors donc, je viens ici vous entretenir de vos propos, parus à la page 19 de votre livre " La Poésie du Gérondif". En cette oeuvre qui se veut spirituelle - et l'est parfois, il m'en faut convenir - vous expliquez au lecteur vos affections grammaticales, ce qui pourrait être signe de grande culture . Mais, car, vous remarquerez que si je vous ai ci-avant décerné quelque fleur, il y a un mais, de quel droit, de quel esprit saugrenu faites vous état en qualifiant, sans pudeur, ni même le plus élémentaire respect pour son travail titanesque, M. Zamenhof de grotesque et de hideux, voire de producteur de patois latin dégénéré.
Pour votre gouverne, si tant est que vous acceptiez un avis différent du vôtre, je vous informe, à toutes fins utiles, que l'Espéranto, bien plus que le lituanien ou le danois, est parlé , lu et écrit par une dizaine de millions de personnes, dans tous les pays du monde, de la Chine au Nunavut, en passant par les Philippines, Zanzibar, Andorre et même la France .
A moins que vous ne considériez Jules Verne, Umberto Eco, Élisée Reclus, ou votre collègue enseignant et grammairien André Cherpillod , et tant d'autres génies, comme d'aimables hurluberlus voire de doux dingues, vous ne pourrez que reconnaître que votre qualification de l'Espéranto - permettez à mon indignation de me répéter - de hideux et de grotesque, n'est pas la plus brillante idée qui ait germé dans votre grammatical esprit.
J'admets, et, si vous avez le moindre petit souffle de bonne foi, vous serez bien obligé d'admettre aussi, que la grammaire de l'Espéranto permet d'apprendre cette langue sans difficulté. Et son but n'était et n'est toujours pas de torturer les neurones des vrais gens, (ceux qui ne font pas de bruit littéraire mais permettent vraiment au monde de continuer à fonctionner ) mais seulement de les aider à communiquer pacifiquement.
Et permettrait de fort substantielles économies, par exemple au parlement Européen, où quelques espérantistes suffiraient pour remplacer efficacement les très onéreux bataillons d'interprètes et de traducteurs qui sont hélas indispensables pour que les parlementaires des 28 états membres puissent presque s'entendre.
Je ne professe qu'un très relatif intérêt pour les plus ou moins tortueuses circonvolutions des diverses grammaires dont vous vous délectez. Mais j'ai été élevé dans le respect des opinions des autres, et je ne me permettrais pas de prétendre que vos propos démontrent la moindre hideur ou la plus petite bouffonnerie. Quoi que...
Par contre, je m'élève, et s'élèvent aussi tous les Espérantophones du monde contre votre insultante appréciation de ce qu'ils considèrent comme un moyen de communication, de compréhension et par conséquent de paix.
Mais il faut bien admettre que tous les tyrans et tyranneaux, de hitler à staline, en passant par mussolini, batista, franco et tant d'autres monstres ( sans majuscule, ces nobles lettres n'allant qu'à ceux qui les méritent ) ont poursuivi, condamné et même exterminé de nombreux espérantistes, car ils craignaient la propagation de leurs idées pacifistes.
Loin de moi l'idée de vous assimiler à ces dégâts collatéraux de l'humanité, mais j'en aurais presque eu la tentation lors de ma première lecture.
Vous souhaitant bonne réception et une meilleure acceptation des idées de vos contemporains, je vous salue d'un simple mais distant
Cordialement.
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Ouvrir cet essai, c'est pénêtrer dans un bien singulier cabinet de curiosité !
Avec l'enthousiasme du passionné J.P Minaudier nous y nous invite à découvrir " l'odorante fleur du langage " dont il possède des spécimens aussi rares qu'exotiques.
Dans sa bibliothèque il s'émerveille de la variété et la richesse des langues, toutes les langues même les plus étranges et les plus lointaines dont il chante ici la poésie, la capacité à le faire rêver car pour lui « toute langue recèle une vision du monde »
Son propos est illustré par de nombreux exemples plutôt abscons pour le néophyte mais qui n'entravent en rien le plaisir de la lecture car l'immense érudition de l'auteur est tempérée par un humour fort bienvenu.
A ce vagabondage grammatical ne manque que la bande son pour apprécier la musique de ces parlers improbables pratiqués " dans le cul de l'ours "
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critiques presse (4)
LeSoir
21 juillet 2014
Le prof d’histoire s’aventure dans les langues du monde entier, avec humour.
Lire la critique sur le site : LeSoir
Bibliobs
07 juillet 2014
Jean-Pierre Minaudier a lu et épluché 1186 grammaires concernant 878 langues. Dans son merveilleux livre "Poésie du gérondif", il explique pourquoi.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Culturebox
04 juillet 2014
Jean-Pierre Minaudier est un amateur de langues comme il en existe peu. Dans son livre "Poésie du gérondif", il raconte l'origine de sa passion, comment il a appris des langues comme l'estonien ou le basque et comment il regarde l'évolution des langues tant outre-mer que dans le vaste monde
Lire la critique sur le site : Culturebox
Liberation
02 juillet 2014
Jean-Pierre Minaudier défend la dimension poétique d’une matière souvent jugée rébarbative, en pourchassant les langues du monde entier.
Lire la critique sur le site : Liberation
Citations et extraits (32) Voir plus Ajouter une citation
Mais bien sûr, pour y avoir accès, encore faut-il accepter de s’intéresser à la grammaire... Je voudrais tenter, lourde tâche, de la débarrasser de son image bien établie de pensum et d'instrument de torture scolaire ; je voudrais la dépouiller de sécheresse et d'ennui qu'elle traîne dans les générations traumatisées, à juste titre, par des indigestions de déclinaisons grecques et latines sans lien avec nulle expérience réelle de communication (ni même beaucoup de contact avec une culture différente, lorsque l’enseignant ne sait pas s'y prendre ou n'y croit plus), ou encore par la dictature de la grammaire normative du français, l'une des plus académiques, raides et intolérantes d'occident. À vrai dire, ces générations sont en voie de disparition car, du fait de cette image désastreuse, on ne fait plus guère de grammaire, même française, dans le système scolaire français ; mais la répulsion demeure, d'autant que Bescherelle sévit toujours, indispensable comme les dentistes mais presque aussi ennuyeux qu'une réunion de copropriété (j'ai l'intime et ferme conviction que l'enfer est une très longue réunion de copropriété).
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Bien sûr, l'essentiel est ailleurs : il réside dans l'intérêt des structures linguistiques elles-mêmes. Car toute langue recèle une vision du monde. S'il est possible, comme le soutiennent Noam Chomsky et son école, qu'il existe une grammaire universelle, c'est à dire ds règles communes à toutes les langues, il n'en reste pas moins que, de l'une à l'autre, elle s'inscrit dans des formes très variées qui découpent le réel très différemment, provoquant dans l'esprit des locuteurs des associations distinctes dont la combinaison finit, au total, par dessiner plusieurs images du monde.
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De même, dans certaines langues la qualité d'un texte littéraire, la richesse et la beauté d'un style reposent en bonne partie sur l'emploi d'un vocabulaire étendu, et dans d'autres, sur l'emploi d'une large gamme de moyens grammaticaux : autant dire qu'un texte traduit d'une langue du premier type dans une langue du second, ou le contraire, risque d'avoir l'air plat, puisque la langue d'arrivée ne dispose pas des mêmes ressources que la langue de départ, ce qui ne veut pas dire qu'elle en a moins. Pour que le résultat de son travail soit lisible, le traducteur doit donc s'atteler à restyler le texte dans la langue d'arrivée, selon le génie de celle-ci : toute traduction est un acte de *création littéraire, et pour réussir il est vital d'avoir un sens aigu de la langue dans laquelle on traduit.

[* en italique dans le texte]
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Mais il y a bien plus: ma conviction profonde est qu’une grammaire c’est avant tout du rêve et de la poésie - je répète pour le dernier rang qui bavarde: une grammaire, c’est avant tout du rêve et de la poésie. Et ce à tous les niveaux: dans les introductions ethnographiques, dans les anecdotes qui parfois émaillent le texte; dans le contenu des exemples; mais surtout dans la structure même de la langue étudiée, car chaque idiome a sa propre manière de passer du réel au discours, donc porte un regard différent sur le monde. Toute grammaire a sa logique propre, souvent inattendue, et aussi ses incohérences; ses métaphores, ses rapprochements parfois surprenants de formes et de sons, ses courts-circuits, ses pesanteurs, ses fulgurances, bref, sa poétique, même lorsque nul Goethe, nul Supervielle, nul Gongora ne l’a retravaillée. Cette poétique spontanée, fruit de millénaires d’élaboration collective et pour l’essentiel inconsciente m'émerveille autant que l'autre, et elle est infiniment plus méconnue.
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On voit par là que toute traduction parfaite est impossible, parce que traduire impose des changements structurels et qu'à changer de langue on change de vision du monde : c'est pourquoi la diversité des langues est une des richesses fondamentales de l'humanité, et leur étude, l'un des plus grands plaisirs intellectuels et poétiques qui puisse se concevoir.
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Vidéo de Jean-Pierre Minaudier
Jean-Pierre Minaudier - Poésie du gérondif .Jean-Pierre Minaudier vous présente son ouvrage "Poésie du gérondif, vagabondages linguistiques d'un passionné de peuples et de mots" aux éditions le Tripode. http://www.mollat.com/livres/minaudier-jean-pierre-poesie-gerondif-vagabondages-linguistiques-passionne-peuples-mots-9782370550163.html Notes de Musique : Trans Atlantic Rage/Balogh: ANDREAS N°16 ? Parallel Worlds ? Compilation Fraction ? 2013 (Fraction Studio). Free Music Archive.
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