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Jacques Cazeaux (Éditeur scientifique)
EAN : 9782253067276
338 pages
Le Livre de Poche (01/06/1996)
3.56/5   366 notes
Résumé :
Le ton du Gorgias est particulièrement violent, et pas seulement à l'égard de la rhétorique. Le dialogue formule une des critiques les plus radicales qui aient été adressées à la démocratie athénienne, à ses valeurs dominantes et à sa politique de prestige. En effet, Socrate s'en prend à tous les aspects de cette politique, du plus concret au plus idéologique. Mais l'essentiel de la critique vise la condition qui donne à la démocratie athénienne ses principaux carac... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (20) Voir plus Ajouter une critique
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Le maniement du discours est-il un art ou un savoir-faire ? La rhétorique, nom que l'on donne volontiers à l'expertise dans le maniement du discours, est-elle bonne ou seulement séduisante ?

Un dialogue, comme souvent, très intéressant à un certain degré de lecture, mais assez ambigu tellement il est univoque. Très vite, on voit où le couple Platon-Socrate veut en venir : la rhétorique, l'art de convaincre en public, s'appuie sur la persuasion et la séduction, procède par savoir-faire et non par art véritable. Son action est perfide en ce sens qu'elle rend aux yeux du public le spécialiste d'un domaine donné moins convainquant que le profane bon rhéteur.

Dans le fonctionnement courant de la cité, les principaux rhéteurs sont les politiciens ou les avocats, dont il apparaît très vite que leur intérêt n'est pas le bien commun. Soit. Mais que penser d'une dialectique aussi pauvre et univoque entre un Socrate survitaminé et un Gorgias si timoré voire inexistant ?

Ce sont Polos et Calliclès qui se coltinent à Socrate et non pas Gorgias lui-même. Or, c'est Gorgias l'expert en rhétorique. Peut-on imaginer un expert en rhétorique qui ne dit rien et qui se laisse embarquer dans des sentiers retors sans jamais esquiver le coup ? Polos et Calliclès, élèves et partisans de Gorgias brillent par leur mal-habileté et se laissent mener dans les trous de souris de Socrate sans jamais exploiter aucune de ses faiblesses (pourtant nombreuses).

Que dire des rapprochements logiques de Socrate ? Il faut parfois vraiment faire le grand écart pour relier telle et telle idée qu'il présente comme coulant de source. Eh bien mon cher Platon, comme rhéteur, j'ai connu meilleur que vous, moi qui suis pourtant, a priori, de votre côté, je ne peux pas avouer que vous m'ayez particulièrement convaincue.

Comme toujours (en ce qui me concerne), l'intérêt du dialogue ne vient pas de la luminescence propre de son fil mais bien des questionnements et des argumentations qu'il nous oblige à fourbir en nos têtes pour être au clair avec nous-même. C'est donc hyper intéressant, mais à un autre degré que la lecture seule.

Finalement pas si mal joué monsieur Platon car c'est l'essence même de la philosophie et avec votre façon de prêcher le faux ou le dérangeant, vous concourez à faire émerger le vrai, du moins un peu de vrai, but ultime de votre quête. Lecture parfois fastidieuse, donc, mais essentielle, non pas pour ce qu'elle est mais pour ce qu'elle fait naître en nous, pour ses vertus thérapeutiques inhérentes ; ceci n'étant, bien sûr, que mon avis de rhéteuse de millième zone, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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Socrate, ce vieux fou .... : )
Dans Gorgias, Socrate affronte verbalement trois Athéniens cultivés. Il vient facilement à bout de Gorgias, sophiste. Celui-ci se gausse de rhétorique, vantant les mérites de cet art, affirmant qu'il obtient raison sur tout. Socrate, grâce à sa fameuse maïeutique, lui démontre que la rhétorique est surtout l'art de flatter. Avec ce jeune fou de Polos, il démontre que commettre l'injustice est plus mauvais que de la subir. Socrate a plus de mal avec Calliclès, car celui-ci qui prône la puissance, la jouissance, les passions et le plaisir, est de mauvaise foi, et il admet parfois par lassitude en se foutant de la G... de Socrate et en le traitant d'enfant [ Il me fait penser à Victor Brunet dans la série DNA ]...Mais Socrate, emporté par sa démonstration, ne lâche pas le bout de gras.... : )
.
J'adore ce vieux fou. Pourquoi ? Je ne sais pas... J'ai l'impression que c'est un ami, que je l'ai toujours connu.
Parce qu'il se fout du qu'en dira t-on ;
Parce qu'il a un langage simple ;
Parce qu'il va au bout de ses idées, qu'il a des C.... ;
Parce que je pense comme lui sur un tas de choses ;
Parce qu'il sait que la cité d'Athènes ne lui fera pas de cadeaux, lui, l'empêcheur de tourner en rond ;
Parce que comme Zola et d'autres, il accuse crûment le gouvernement d'injustices et de faits graves ;
Parce que, comme Jehanne, il ne cédera pas au chantage, le jour de son procès, il le sait déjà quand il discute avec les trois personnes de "Gorgias" ;
Parce qu'il croit au Jugement Dernier, fait par Rhadamante, aux limbes et aux Iles des Bienheureux ;
Parce que.....
.
Le livre "Gorgias" explique pourquoi, dans "Apologie de Socrate", celui-ci se fout de la mort et plaint ses juges.
Enfin, il ne faut pas oublier Platon, dont l'oeuvre est gigantesque, et parmi laquelle il y a trente cinq dialogues comme celui-ci : )
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L'époque à laquelle vécurent Socrate et Platon n'est peut-être pas si différente que ça de la nôtre. Déjà, Socrate se plaignait de la dégradation des moeurs, « tant est grande l'absence d'éducation et de culture où nous en sommes venus ! » Déjà, Socrate souffrait de l'incompréhension de ses pairs. Déjà, la politique se révélait dans ses formes les plus médiocres, asservie à la volonté de puissance des hommes les plus forts, vendue comme pitance de réconfort au peuple qu'il s'agissait de flatter. Cet aspect est encore parfaitement compréhensible pour le lecteur moderne qui comprendra la virulence avec laquelle Socrate combat la rhétorique considérée comme une partie de la flatterie –et si la flatterie fait parfois plaisir, elle n'est pas forcément bonne.


La partie de l'argumentation la plus difficile à saisir pour nos conceptions modernes sera peut-être celle qui consiste à faire comprendre que la flatterie, si elle fait parfois plaisir, n'est pas bonne en soi. Socrate part du principe que le seul bien est la justice, et que ce seul bien est aussi le bon et l'utile. Puisque la flatterie est agréable, ne peut-on pas dire qu'elle est également bonne ? Non, car l'agréable peut naître du mal, alors que le bon ne peut jamais naître du mal. Donc, le bon et l'agréable seraient incompatibles. L'articulation logique semble très claire mais le lecteur moderne doit faire un effort de contextualisation pour comprendre le sens de telles valeurs dans la société grecque antique. Celles-ci n'ont pas une portée immanente qui réduirait leur signification à la sphère des affaires humaines : elles ont aussi une portée transcendante, ainsi qu'elles le sous-entendent lorsque Socrate affirme qu'il est meilleur d'être puni injustement que de punir injustement :


« SOCRATE : L'homme qui se trouve puni subit donc quelque chose de bon.
POLOS : Il semble bien.
SOCRATE : La punition est donc quelque chose qui lui est utile. »


Visiblement, il n'est pas utile à un individu d'être puni pour mieux vivre parmi ses semblables, puisque des hommes déraisonnables peuvent être portés à la gloire et puisqu'il est possible de se disculper lors de procès (et c'est ici que la rhétorique se montre particulièrement venimeuse, lorsqu'elle prétend pouvoir rendre la justice). En revanche, c'est en raison de sa relation avec le divin qu'il lui est bon d'être puni :


« SOCRATE : […] Car personne n'a peur de la mort, si on la prend pour ce qu'elle est, ou alors il faut être incapable de faire le moindre raisonnement et ne pas être vraiment un homme –non, ce qui fait peur, c'est l'idée de n'avoir pas été juste. En effet, si l'âme arrive aux portes de l'Hadès, toute remplie d'injustices, elle se trouvera dans la pire des conditions et souffrira les maux les plus douloureux. »


Socrate critique donc un mauvais emploi de la rhétorique comme outil de flatterie sans aucun rapport avec la justice. Face au constat déplorable qu'il dresse de la situation politique, il lui propose une réforme philosophique. La philosophie est ici conçue non seulement comme discipline mais comme art de vie et fondement des valeurs morales. A terme, elle conduit sur une manière d'être et de penser dont les effets s'étendent au quotidien des hommes comme à l'éternel des dieux.


Si on ne cherche pas à résoudre l'aporie suivante : quelle est la connaissance apte à fonder l'action morale ? il faut reconnaître que l'argumentation du Gorgias est exigeante mais brillante. La pureté reposante du langage prend la forme d'une proposition politique qui calmerait à elle seule déjà bien des maux.
Lien : http://colimasson.blogspot.f..
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Rapport à la Pléonexie moderne = « désir d'avoir plus que les autres en toute chose », le jouisseur sans scrupule dessine un monde où le désir des riches et des puissants paraît sans limite, toute-puissance, violence, et psychiatrie sont les nouveaux principes moteur dans l'élimination de toute concurrence économique – Voir American Psycho de Breat Easton Ellis - il n'y a pas de Démocratie dans le Conseil d'Administration d'un Fonds d'Investissement !
Voir morale du ressentiment de Callicles, personnage du Gorgias de Platon, reprise par Nietzsche dans Généalogie de la Morale, elle peut se définir ainsi : « pour effrayer les plus forts, les plus capables de l'emporter sur eux, et pour les empêcher de l'emporter en effet, les faibles racontent que toute supériorité est laide et injuste, et que l'injustice consiste essentiellement à vouloir s'élever au-dessus des autres, sans les valoir ».

Selon Dany-Robert Dufour, la vraie justice, c'est la loi de la nature, opposée à la loi. « Ce sont là deux termes, la nature et la loi, qui sont en contradiction l'un avec l'autre. Car c'est par nature que ce qui est plus laid est aussi justement ce qui est plus mauvais : le fait de subir l'injustice ; tandis que c'est en vertu de la loi qu'il est plus mauvais de la commettre ». Pour Calliclès, la loi disqualifie l'injustice. Mais selon la nature, ce qui est mauvais, c'est de subir l'injustice. Faite par les faibles, la loi vise à brider l'énergie des forts. « Ceux qui établissent les lois sont les hommes faibles et le grand nombre ».

Il faut restituer à la nature la source de toute valeur : naturellement, c'est le fort qui l'emporte, et c'est très bien ainsi. le fort, par conséquent, a le droit de faire valoir son droit. Calliclès veut justifier le fort en invoquant la nature qui est, comme telle, créatrice de droit. La véritable justice, c'est celle que détermine la loi naturelle. « D'elle-même, la nature révèle, je pense, que ce qui est juste, c'est que celui qui vaut plus ait le dessus sur celui qui vaut moins, et celui qui a une capacité supérieure, sur celui qui a une capacité moindre. Qu'il en est ainsi, c'est d'ailleurs ce qu'elle montre en maints domaines : dans le reste du règne animal comme dans les cités des hommes et dans les familles, où l'on voit que le signe distinctif du juste, c'est que le supérieur commande à l'inférieur et ait plus que lui ». Calliclès est naturaliste : il y a pour lui une norme indiscutable du juste, celle que fournit la supériorité incontestable des forts sur les faibles. À l'appui de cette thèse, Calliclès se prévaut du fait : y a-t-il seulement, dans la nature telle qu'elle se donne à voir chez les bêtes, une autre loi que celle du plus fort ? La violence qui règne chez les animaux montre que la loi du plus fort est un fait de nature. Mais il demande aussi : de « quelle justice » les rois perses se réclamaient-ils pour envahir les pays voisins ? « En vertu de quelle sorte de justice, dis-moi, Xerxès a-t-il fait une expédition contre la Grèce, ou son père contre les Scythes ? Ainsi, la loi du plus fort n'est pas seulement une loi de la nature, c'est aussi une constante de l'histoire. Entre le règne animal et la vie des peuples, il n'y a en réalité aucune différence. Monde naturel et monde historique obéissent à une loi homogène : la suprématie des forts sur les faibles. L'institution de l'égalité par décision humaine contrevient donc, simultanément, à la loi de la nature et à la logique de l'histoire. Calliclès ne dit pas seulement que l'égalitarisme démocratique est contre-nature, mais qu'il déroge à un habitus enraciné dans les pratiques humaines.

L'ultime ressource de Calliclès : aller jusqu'au bout du désir. La vérité du désir, c'est la mort – le seul maître de l'homme. le dernier argument de Calliclès repose sur la distinction entre le plus fort et le meilleur. Car les meilleurs ne sont pas les plus forts, mais les plus intelligents, les plus capables, ceux dont la valeur individuelle est supérieure. le fait qu'ils soient soumis à la domination de la foule ne démontre nullement leur infériorité, mais seulement la puissance du nombre. Cet argument est retors, car il oppose valeur contre-valeur. Il affirme la valeur d'une existence vouée à l'accomplissement de soi, contre la terne domination des médiocres associés. La supériorité des meilleurs n'est pas mesurable, car elle est qualitative. Son invalidation par les faits n'en signifie pas l'inanité : elle est plutôt l'indice d'une supériorité d'un autre ordre.

Cette supériorité est celle d'un genre de vie, d'une façon d'être. « Oui, en effet, pour ceux qui ont eu dès le principe l'avantage, ou d'être fils de rois, ou d'avoir été capables, par les ressources de leur propre naturel, de se procurer une autorité quelconque, soit tyrannie, soit souveraineté, pour ces hommes qu'y aurait-il véritablement de plus laid et de plus mal qu'une sage modération ? Eux, à qui il est loisible, sans aucune entrave, de jouir de tout ce qui est bon, ils iraient se donner à eux-mêmes pour maître ce qui est décrété, formulé, condamné par la multitude ? » Car la nature enseigne que le bonheur réside dans la puissance et le malheur dans la soumission. Ni soumission aux autres, ce « ramassis d'esclaves et de moins-que-rien », ni soumission de ses désirs à une prétendue rationalité. Obéir aux lois fixées par le grand nombre, c'est accepter sa propre servitude. Mais obéir à la loi morale déterminée par l'opinion majoritaire trahit le même esprit d'abandon. La soumission du désir à la loi intériorisée de la conscience ne vaut pas mieux que l'obéissance à la loi de la cité démocratique. « Mais ce qui selon la nature est beau et juste, c'est ce que j'ai la franchise de te dire à présent : que celui qui veut vivre droitement sa vie, doit d'une part, laisser les passions qui sont les siennes être les plus grandes possibles, et ne point les mutiler ; donner à chaque désir qui pourra lui venir la plénitude des satisfactions. Car ce qui est juste, c'est de porter ses passions à leur degré maximum, de les assouvir totalement, en mettant son intelligence à leur service ».

Ainsi, Calliclès ne se contente pas d'identifier plaisir et bonheur. Il fait de la jouissance l'opérateur de la vie, ce sans quoi elle ne vaut pas la peine d'être vécue. Ce qu'il oppose à la loi instituée sous toutes ses formes, c'est la loi naturelle du désir sans limite. Callicles affirme qu'une vie sans désir ne vaut pas mieux que l'immobilité de la pierre ou du cadavre. Socrate répond que l'assujettissement aux plaisirs corporels transforme l'homme en pluvier, cet oiseau qui mange et fiente en même temps. La loi du désir condamne l'âme humaine à sa perte en la pliant à l'indétermination de la matière, dont le flux incessant la déréalise. Elle la soumet à la tyrannie de la bête polycéphale qui sommeille en nous, et dont plus rien ne bride l'appétit vorace. Quand le sujet désirant se considère comme source absolue de valeur, ne sent-il pas que sa victoire n'est que défaite, qu'il ne peut plus agir et désirer que pour rien ? Que son âme est comme une passoire traversée par le jet continu du désir, comme une écumoire percée de trous en laquelle tout passe et tout s'écoule ?

Car pour Socrate, c'est la qualité de l'objet qui fournit seule la mesure rationnelle du plaisir. Tandis que pour Calliclès, c'est l'effet de jouissance qui signale immédiatement la présence du bien. Pour Socrate, il n'y a d'accomplissement personnel que dans la quête du vrai, car l'être est vérité. Pour Calliclès, le plaisir n'est pas seulement indispensable à la vie heureuse, il est le ressort même de l'agir : car l'être est jouissance. Chez Calliclès, la soumission de la raison au désir subvertit la disposition idéale des fonctions de l'âme, elle en rompt irrémédiablement l'harmonie intérieure. Car l'âme juste, pour Socrate, est celle en laquelle la raison dompte le désir. Tandis que pour Calliclès, la loi du désir est la seule loi juste : au fond, seul le désir est juste. À l'image du châtiment des Danaïdes, Socrate montre que laisser libre cours à ses désirs, c'est se condamner à une éternelle frustration, ce à quoi Calliclès répond : "Quand le tonneau est rempli, on n'a ni joies ni peines, mais ce qui fait l'agrément d'une vie, c'est d'y verser le plus possible".
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Après avoir réglé le sort de Protagoras -voir ma crtique d'hier-, Socrate -ou plutôt Platon- s'attaque à Gorgias, réputé être le roi de la rhétorique de l'époque. Suivant sa méthode bien rôdée, Socrate questionne et fait accoucher -par la maïeutique- son interlocuteur.

Mais la charge est plus sévère, presque violente. Devant l'incapacité de Gorgias à définir l'essence de son art, Socrate finit par assimiler la rhétorique à un art du mensonge, où on l'emporte par la persuasion, et non par la conviction profonde ou la raison. Sa démonstration s'achève en apothéose mythologique, reprenant le thème platonicien du souverain bien, dont la rhétorique, avide de gloire et de domination des autres, constitue l'antithèse absolue.

Ce dialogue n'est pas, pour moi, le plus passionnant des textes de Platon. Il demeure cependant un bon repère pour démasquer les démagogues de tous bords, et les techniques de manipulation par le discours. Bref, un Petit Traité de Manipulation à l'Usage des Honnêtes Gens avant l'heure...
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Citations et extraits (76) Voir plus Ajouter une citation
CALLICLÈS : Comment un homme pourrait-il être heureux s'il est esclave de quelqu'un d'autre ? Veux-tu savoir ce que sont le beau et le juste selon la nature ? Hé bien, je vais te le dire franchement ! Voici, si on veut vivre comme il faut, on doit laisser aller ses propres passions, si grandes soient-elles, et ne pas les réprimer. Au contraire, il faut être capable de mettre son courage et son intelligence au service de si grandes passions et de les assouvir avec tout ce qu'elles peuvent désirer. Seulement, tout le monde n'est pas capable, j'imagine, de vivre comme cela. C'est pourquoi la masse des gens blâme les hommes qui vivent ainsi, gênée qu'elle est de devoir dissimuler sa propre incapacité à le faire. La masse déclare donc bien haut que le dérèglement — j'en ai déjà parlé — est une vilaine chose. C'est ainsi qu'elle réduit à l'état d'esclaves les hommes dotés d'une plus forte nature que celle des hommes de la masse ; et ces derniers, qui sont eux-mêmes incapables de se procurer les plaisirs qui les combleraient, font la louange de la tempérance et de la justice à cause du manque de courage de leur âme. Car, bien sûr, pour tous les hommes qui, dès le départ, se trouvent dans la situation d'exercer le pouvoir, qu'ils soient nés fils de rois ou que la force de leur nature les ait rendus capables de s'emparer du pouvoir — que ce soit le pouvoir d'un seul homme ou de celui d'un groupe d'individus —, oui, pour ces hommes-là, qu'est-ce qui serait plus vilain et plus mauvais que la tempérance et la justice ? Ce sont des hommes qui peuvent jouir de leurs biens, sans que personne y fasse obstacle, et ils se mettraient eux-mêmes un maître sur le dos, en supportant les lois, les formules et les blâmes de la masse des hommes ! Comment pourraient-ils éviter, grâce à ce beau dont tu dis qu'il est fait de justice et de tempérance, d'en être réduits au malheur, s'ils ne peuvent pas, lors d'un partage, donner à leurs amis une plus grosse part qu'à leurs ennemis, et cela, dans leurs propres cités, où eux-mêmes exercent le pouvoir ! Écoute, Socrate, tu prétends que tu poursuis la vérité, eh bien, voici la vérité : si la facilité de la vie, le dérèglement, la liberté de faire ce qu'on veut, demeurent dans l'impunité, ils font la vertu et le bonheur ! Tout le reste, ce ne sont que des manières, des conventions, faites par les hommes, à l'encontre de la nature. Rien que des paroles en l'air, qui ne valent rien !
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Je considère [...] qu'il vaut mieux jouer faux sur une lyre mal accordée, mal diriger le chœur que je pourrais diriger, ne pas être d'accord avec la plupart des gens et dire le contraire de ce qu'ils disent — oui, tout cela, plutôt que d'être, moi tout seul, mal accordé avec moi-même et de contredire mes propres principes.
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SOCRATE : Alors, être supérieur, être plus fort, être meilleur, est-ce la même chose ? Ou sinon, dis-tu qu'on est meilleur, même si on est inférieur et plus faible ? et supérieur, si on est plus mauvais ? Être le meilleur, être supérieur, ces deux formules ont-elles la même définition ? Essaie de me définir clairement les choses : être supérieur, être meilleur, être le plus fort, est-ce pareil ou est-ce différent ?
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S'il s'agit de se défendre lorsqu'on est accusé d'une injustice qu'on a soi-même commise, ou qu'ont commise ses parents, ses camarades, ses enfants, sa patrie même quand elle est coupable, la rhétorique, Polos, ne nous sera d'aucune utilité. À moins d'imaginer qu'elle nous soit utile pour faire tout le contraire et qu'il faille se servir de la rhétorique pour s'accuser soi-même, pour accuser ses proches ou ceux qui nous sont chers quand ils commettent une injustice ; là, il ne faut pas chercher à cacher la faute commise, il faut la mettre en pleine lumière, c'est le seul moyen pour être puni et redevenir sain. Il faut donc se forcer, soi-même et les autres, à ne pas être épouvantés à l'idée de la punition, mais à vouloir se livrer à la justice, plein de confiance et de courage, comme on se livre au médecin qui doit pratiquer incisions et cautérisations. (...) Voilà à quelle fin on peut se servir de la rhétorique : pour mettre en lumière les injustices qu'on a commises et se trouver ainsi délivré du pire des maux, l'injustice. (...) Autrement, pour l'homme qui n'est pas près de commettre une injustice, je ne vois point qu'elle soit très utile, si tant est qu'elle ait la moindre utilité.
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SOCRATE : Si, à l'un de vous, je donne l'impression de convenir avec moi-même de quelque chose qui n'est pas vrai, il faut interrompre et réfuter. Car moi, je ne suis pas sûr de la vérité de ce que je dis, mais je recherche en commun avec vous, de sorte que, si on me fait une objection qui me paraît vraie, je serai le premier à être d'accord.
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