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Émilien Bernard (Autre)Thomas Giraud (Autre)Sarah Haidar (Autre)Linda Lê (Autre)
EAN : 9782373090796
204 pages
L'Echappée (20/11/2020)
4.43/5   7 notes
Résumé :
« Le brigand au grand cœur n’est pas au départ un criminel. Il commence sa carrière de hors-la-loi parce qu’il est victime d’une injustice. » Voici comment l’historien Eric Hobsbawm décrit dans son fameux livre Les Bandits, devenu la référence sur le sujet, l’origine de ces destins de justiciers et de redresseurs de tort, dont la figure la plus célèbre reste Robin des bois. Des communautés opprimées, paysannes pour la plupart, soutenaient ces vengeurs qui, par leurs... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Rien ne me laissait présager une telle lecture, malgré une très belle et originale réalisation éditoriale. C'était sans compter avec la présence, parmi les 8 auteurs, de Linda Lê, dont j'ai décidé de ne rater aucun texte.

Ici, elle consacre une petite vingtaine de pages à la figure de Phoolan Devi, découverte par moi, dans un livre lu grâce à ma fille, Culottées 2, de Pénélope Bagieu. Phoolan Devi, dont la vie fut marquée par une extrême violence, est une des deux seules femmes du livre (avec Maria Bonita et les si héroïques cangaceiros, des bandits de la région du Nordeste, au Brésil).

La plume de Linda Lê, m'a encore séduite. Usant, sans abuser, de la formule « Il faut imaginer », Linda Lê tisse « un conte cruel et une épopée impressionnante ».

Après cette lecture âpre, mais sublimée par le style inimitable de Linda Lê, j'ai poursuivi la lecture dans le désordre, j'avoue.

J'y ai donc appris essentiellement que : « Le concept de banditisme social fut crée par Eric Hobsbawn pour différencier ce banditisme du vol ordinaire, ou de la criminalité organisé comme la mafia ou les gangs. Bien évidemment, la frontière entre ces catégories est plus floue dans la pratique. »

Ce livre appartient à la collection Lampe-tempête des éditions L'échappée, dirigée par Jacques Baujard : « Par un travail de redécouverte de textes de fiction méconnus ou oubliés, augmentés de commentaires critiques et politiques, cette collection entend donc montrer que la littérature peut être instrument de prospection, à la recherche des possibles, les meilleurs comme les pires, ceux qui gisent dans le passé comme ceux que nous réserve l'avenir. »

Bien entendu que Panaït Istrati est cité dans la préface, car sa contribution est indiscutable : « […] la dimension littéraire apportée par l'auteur de Kyra Kyralina aux récits des bandits sociaux balkaniques a permis de faire découvrir à un large public la vie tragique de ces révoltés ». En effet, ce livre s'inscrit bien dans cette lignée. Des pages qui s'apparentent à des vrais récits d'aventures.

Les 8 figures téméraires de ces justiciers sont brièvement présentées pp. 14-16 et leur liste reprise par la quatrième de couverture.
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Huit figures du « banditisme social » racontées par huit auteurs. Classique ou contemporain, solitaire ou en bande, sur tous les continents, chacun-e à sa manière s'est érigé-e en justicier-ère.

Émilien Bernard brosse le portrait du « célèbre Ned Kelly, le roi du bush, le Robin des Bois version kangourous », depuis la destruction des registres de prêts hypothécaires jusqu'à sa fin qu'il voulu épique et qui deviendra légendaire.

Rob Roy, brigand des Highlands, est évoqué par Thomas Giraud avec beaucoup de sensibilité et dans une prose d'une inégalable élégance. Convoyant des troupeaux, ce voleur écossais en prélève dans la plus grande discrétion une infime partie. « Ces moutons et ces brebis dérobés, il les redistribue, il égalise. » Puis, un jour, c'est le troupeau tout entier. « Avant Adam Smith et un peu différemment, il se trouve des airs de main invisible dans cette capacité désarmante, et désarmée, à ôter autant avec si peu. » Pourtant, « il ne se sent pas voleur, ce n'est pas ainsi qu'il se nommerait, enfin pas vraiment, pas complètement. Il a une explication là-dessus, solide, définitive et efficace. La voici. Qu'est-ce qu'être un voleur ? D'une, les définitions des livres, des recueils de droit et de jurisprudence n'aident pas, elles confondent la cause et la conséquence. de deux, il a noté que le voleur est toujours celui que les puissants désignent comme tel en identifiant de manière bien opportune des intérêts, des biens qui ne peuvent passer entre d'autres mains sans l'accord préalable des possédants. Celui qui prend de la nourriture pour survivre, juste ce qu'il faut, une pomme pour un repas, un peu de farine pour un pain, est-ce un voleur ? Et celui qui fait un travail et, dans le cadre de celui-ci, prélève un peu plus afin de redistribuer une partie de ce supplément à d'autres, à d'autres qui ont peu, ou beaucoup moins, qui ne mangent pas toujours à leur faim, qui n'ont ni noms, ni couteaux, ni terre ? Est-ce vraiment un voleur ? » le récit de son errance pour échapper à ses poursuivants est tout simplement sublime.

L'enfance de Hend U Merri, l'insoumis kabyle, est racontée par Sarah Haidar, sa rencontre précoce avec la faim, avec l'injustice. Il devient rapidement dangereux et passe à l'attaque, car ne demandait pas « l'amélioration d'un monde mais son abolition ».

La vie de Phoolan Devi est d'une rare violence : « Je suis née moins qu'un chien, mais je suis devenue une reine » explique son autobiographie. Indienne, issue de la plus basse des castes, mariée à 11 ans, violée, rejetée, elle rejoindra les dacoïts et deviendra leur cheffe, pour répandre la vengeance, avant d'être assassinée, en 2001. La postérité s'empare alors de sa légende, des statuettes à son effigie vendues sur les marchés jusqu'à ce récit poignant, imaginé par Linda Lê.

Plutôt que de proposer une classique reconstitution épique et linéaire, chacun des auteurs s'efforce d'utiliser une forme narrative appropriée, relevant bien souvent plutôt de l'évocation. Ainsi Patrick Pécherot glane autant aux sources historiques qu'à la mémoire populaire pour restituer la personnalité de Cartouche, lui donnant tantôt le visage de Jean-Paul Belmondo dans le film éponyme, que celui que lui prête une gravure dénichée sur les quais, dans le bac d'un bouquiniste.

Serge Quadruppani restitue un Sante Notarnicola plus vrai que nature, en partie à l'aide de ses écrits autobiographiques, partant de sa remise en semi-liberté après vingt années passées en prison, remontant à son arrestation, à son procès, à son enfance à Bari, son premier coup avec sa bande, les émeutes de juillet 1962, piazza Statuto à Turin.

Sébastien Rutés s'échine à brosser le portrait de Joaquim Murieta, bandit californien, ou mexicain, ou chilien, grâce à un récit polyphonique dans lequel s'expriment autant Octavio Paz et Pablo Neruda que toutes sortes de personnages imprégnés de sa légende.

Enfin Jean-Luc Sahagian s'intéresse aux célèbres hors-la-loi du Nordeste brésilien, Maria Bonita, Lampião et leur bande de Cangaceiros, selon un procédé assez voisin, rapportant comme des documents d'enquête : témoignages d'un compagnon de route, description d'images collectées dans la presse populaire ou au musée anthropologique de Salvador de Bahia, carnets d'un cinéaste assassiné alors qu'il préparait un film sur eux, article de la Revue de l'institut des sciences sociales de São Paulo qui explique : « Ils sont déjà pure image et cela sera encore renforcé par leur disparition tragique. En effet, leur exécution est pensée avant tout dans l'idée de briser cette image, montrer leur faiblesse, souiller le glamour, en exposant leurs têtes et en diffusant largement les photos de ces atrocités. Mais, paradoxalement, cela jouera en leur faveur, comme pour le Che qui acquiert ainsi, post-mortem, une aura christique. En surexposant leur mort, en tentant de salir, l'État brésilien de Getúlio Vargas ne fait qu'affirmer la part infâme de la répression et l'héroïsme des hors-la-loi. Ils sont même sanctifiés par la manière ignoble dont on a disposé de leurs corps (exposant leurs crânes dans un musée) et, comme des saints, ils deviennent ainsi des corps souffrants mais triomphants, triomphants car souffrants ! »

Une belle collection de hors-la-loi défiant l'ordre économique, social et politique. En espérant que d'autres volumes suivront.

Article à retrouver sur le blog :
Lien : https://bibliothequefahrenhe..
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Cette fois on va dire deux mots de Bandits & Brigands, recueil de nouvelles sorti aux éditions L'échappée il y a quasiment trois ans.

Déjà, il y a une esperluette dans le titre. Je sais, pour beaucoup, c'est le « E commercial », symbole des noms de cabinets d'avocats ou autres « & associés ». Pour moi, c'est un des plus beaux signes typographiques dont l'esthétique de la graphie et du nom s'accordent parfaitement. Bon j'ai quand même d'autres bonnes raisons de vouloir chroniquer ce livre qui avait plutôt fait pas mal causer à sa sortie pour un recueil de nouvelles (genre peu mis en lumière en France) d'une petite maison d'édition anarchiste (liée à la librairie Quilombo, sise dans le 11è, à Paname) et ce serait dommage qu'il tombe petit à petit dans l'oubli.

Huit auteurs et autrices. Huit nouvelles. Chacune sur un « bandit social ». Qu'est-ce que c'est qu'un bandit social? Les coordonnateurs de l'ouvrage renvoient logiquement à l'ouvrage de référence, Les bandits du grand historien Eric Hobsbawm. En gros, les bandits sociaux sont ces hommes et femmes issus de la petite paysannerie qui occupent la zone grise entre criminalité et révolte sociale. Clairement bandits par leurs modes d'action, mais en réaction toujours à l'injustice sociale, avec une part de redistribution des richesses et de défi des puissants entraînant une popularité certaine dans les couches populaires.

Le thème touche à la quintessence de la littérature noire. Littérature noire que Jean-François Vilar a su démarquer de la littérature policière d'une phrase limpide « Je n'ai jamais aimé la littérature policière ; ce qui m'intéresse c'est la littérature délinquante ». Mais également une littérature que plusieurs (notamment JB Pouy, en particulier dans sa Brève histoire du roman noir) ont placé en droite descendance de la littérature réaliste. Or il est intéressant de noter que l'histoire des bandits sociaux est faite, autant que de faits avérés, de leur légende. Légende au sens du récit post-mortem, principalement créé et colporté dans les couches populaires, qui, s'il peut s'affranchir parfois des événements factuels, n'en est pas moins un récit proche du réalisme littéraire, un récit qui s'appuie sur un personnage et ses aventures pour décrire des réalités sociales. Raconter ces bandits sociaux sous forme de fictions réalistes n'est que perpétuer leur histoire telle qu'elle s'est construite, mais en assumant comme telle la part de caractère fictif. Enfin, un recueil de nouvelles sur les bandits sociaux a forcément un accent de littérature d'aventure ce qui le rapproche des sources du roman policier dont est elle-même issue la littérature noire (le roman policier français doit en effet beaucoup aux récits d'aventure de Féval, Leroux, Ponson du Terrail…).

Penchons nous désormais d'un peu plus près sur le recueil Bandits & Brigands. Un bel objet déjà, avec une belle qualité de papier, ses pages aux tranches colorées, le visuel de la couverture repris pour séparer les paragraphes… Des noms d'auteurs dont certains ne manqueront pas d'attirer les passionnés de littérature noire, ensuite. Comme ils ne sont que huit on peut se permettre de toutes et tous les citer: Émilien Bernard, Thomas Giraud, Sarah Haidar, Linda Lê, Patrick Pécherot, Serge Quadruppani, Sébastien Rutés, Jean-Luc Sahagian.

Comme il se doit (éditions libertaires mais conformistes), l'ouvrage s'ouvre sur une préface, rédigée par Jacques Baujard et Cédric Biagini, les éditeurs. On y trouve notamment un avertissement contre la tendance, dans certains milieux se voulant politiquement radicaux, à une fascination pour la violence et une admiration sans discernement pour la criminalité.

L'avertissement est d'autant plus pertinent qu'il est vite oublié quand on plonge dans la lecture des nouvelles, car on abandonne aussitôt les froides analyses pour se laisser griser par le récit, servi par des écritures affûtées. Rapidement, on s'insurge avec nos brigands contre les injustices décrites, on jouit de la résistance offerte à l'oppression et des sales tours joués au système, on s'émeut des solidarités et nos poings et coeurs se serrent face à l'implacable machine répressive.

La sélection des bandits choisis est riche. On voyage à travers les siècles (du 17è à la toute fin du 20è siècle, Phoolan Devi a vécu jusqu'au tout début du 21è siècle et Sante Notarnicola était même encore vivant au moment de la parution du recueil, mais tous deux avaient alors terminé leurs carrières de brigands), à travers les continents (de la France à l'Australie, du Brésil à l'Inde, en passant par la Kabylie, la Californie, l'Écosse et l'Italie). Des récits différents dans des contextes bien différents, mais, même si aucune nouvelle ne se veut une étude scientifique, sociologique ou historique, on est rapidement marqué par les points communs entre les huit situations narrées. Des conditions sociales similaires, des injustices vécues très semblables et un choix de l'illégalité qui appartient rarement au futur bandit qui y est jeté par les autres. Les flics et la justice qui condamnent injustement – une fois considéré comme criminel, il existe bien moins de raison de ne pas le devenir – la misère et la faim qui laissent peu de choix pour survivre, l'accès dénié aux modes légaux de contestation des injustices… Mais aussi, souvent, la trahison de ceux avec qui on devrait pouvoir combattre ces injustices, que ce soit les individus partageant la condition sociale des bandits (particulièrement sensible dans Grandeur et chute des « chevaliers » du bush d'Émilien Bernard où Ned Kelly est touchant de naïveté) ou les organisations militantes (voir en particulier Sante Notarnicola et le PCI, raconté – qui d'autre aurait-on pu y voir – par Serge Quadruppani dans L'enfant de l'atelier) qui pousse à trouver une réelle solidarité en marge de la société avec les compagnons de brigandages (milieu qui n'est évidemment pas immunisé contre les trahisons comme vous le verrez dans plusieurs nouvelles).
Retrouvez l'intégralité de la chronique en suivant le lien ci-dessous:
Lien : https://romancerougenouvelle..
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En s'appuyant sur le travail de l'historien britannique Eric Hobsbawn (1917 – 2012) qui dans son livre "Les Bandits" montrait que le banditisme était, selon lui, d'abord « une manifestation sociale et politique », les Editions de l'Echappée ont demandé à huit romanciers d'écrire un texte sur un de ces justiciers redresseurs de torts qui ont compté dans l'histoire du banditisme social.
C'est ainsi qu'on peut découvrir les exploits romancés de Ned Kelly, fils de paysan australien d'origine irlandaise, en guerre contre les propriétaires terriens du bush ; Rob Roy MacGregor, le Robin des bois écossais, soutien efficace des paysans des Highlands ; Hend U Merri, le rebelle kabyle d'Algérie ; Phoolan Dev, passionaria indienne à la tête d'une armée qui volait les riches pour donner au pauvres ; Cartouche, chef parisien d'une bande de près de 2000 membres, prince des voleurs; Santa Notarnicola, révolutionnaire italien contemporain qui purgea 32 ans de prison ; Joaquim Murieta, résistant sud-américain à l'impérialisme américain; Maria Bonita, égérie mexicaine de la lutte des paysans du Nordeste.
En toile de fond de chacun de ces magnifiques textes on trouve la lutte séculaire du pauvre contre le riche, du possédant contre l'exploité, du faible contre le fort. Héroïques révoltés au destin souvent tragique, ils symbolisent l'instinct de rébellion contre l'injustice et leurs courageux exploits ont rendus leur fierté à des millions d'opprimés. La talentueuse équipe de rédacteurs ayant participé à cette belle aventure se compose d'Emilien Bernard, Thomas Giraud, Sarah Haidar, Linda Lé, Patrick Pécherot , Serge Quadruppani, Sebastien Rutès et Jean-Luc Sahagian.
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Je n'ai pas été enthousiasmé par ce recueil de nouvelles. Huit nouvelles, huit bandits, justiciers sociaux, qui ont marqué leur peuplade, aux quatre coins de la planète, et balayant plusieurs époques, et qui ont nourri la légende à travers des récits ou chansons populaires. La lutte contre les puissants est un combat qui ne s'arrête jamais et justifie toutes les exactions et fait des héros de combattants souvent sanguinaires. Les styles d'écriture, diffèrent d'un auteur à l'autre, l'ensemble est plutôt littéraire, certaines nouvelles passent mieux que d'autres. Une curiosité entre exercice de style et légende populaire.
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Toutes sortes d’histoires sont racontées sur les massacres qu’elle a commis, en réponse aux sévices qui lui avaient été infligés. Elle est tout autant louée pour son donquichottisme que condamnée pour son passé de castratrice (ses censeurs oublient en général ce qu’elle avait subi auparavant). La route semée de cadavres qu’elle a parcourue est celle d’une guerrière. Enfant violentée, adolescente humiliée, cheffe d’une bande de brigands composée exclusivement d’hommes, captive qui voit son influence s’étendre au-delà des murs de sa prison, députée mal-aimée de ses pairs, assassinée par des fanatiques, Phoolan Devi trace une voie vers l’insubordination. Elle reste unique dans ses errements aussi bien que dans ces prodigalités. Parler d’elle, écrire sur elle, c’est prendre le risque de faire comme dirait René Char, « l’éloge d’une soupçonnée », de célébrer une héroïne suspectée d’aimer le goût du sang, l’odeur du sang. Mais Phoolan Devi n’incarne pas seulement la mise à mort, elle est tout entière dans son culte de Durga, dite aussi l’Inaccessible : elle enseigne aux hommes à triompher de ce qui les pousse vers le Mal. Tout le destin de Phoolan Devi se résume presque dans cette double inclinaison. Elle est le bandit qui venge son honneur, mais aussi celle qui joue son honneur en refusant longtemps de jouer le jeu social et qui juge de son honneur de défendre les déshérités. Révolte, colère, la soumission sont les trois sentiments qui la guident. Elle aurait pu être la sœur des pétroleuses de la Commune, des insurgées qui refusent de hurler avec les loups, mais Phoolan Devi, « Reine des bandits » : combattante à la volonté de fer, aux largesses bien connues, amante d’un dacoït au grand cœur, elle est le bandit que l’on oublie difficilement.

(extrait du texte que Linda Lê consacre à Phoolan Devi, pp. 94-95)
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Phoolan Devi fait partie de ces irréductibles que rien, pas même les outrages les plus mortifiants, ne fléchit. Elle a connu la peur, subi des tortures, enduré des calvaires, vu sa réputation salie, mais elle est restée inébranlable, ne cédant devant aucune menace, même quand elle est terrifiée, car des policiers, qui l’ont incarcérée et violentée, lui promettent qu’ils battront ses parents et brûleront sa maison si elle les dénonce devant les juges. Elle garde le silence, mais c’est le silence d’une victime qui jure de prendre sa revanche, c’est le silence de celle qui rumine des projets de vengeance. Un jour, se dit-elle, tous ces tortionnaires paieront pour lui avoir infligé tous ses tourments et supplices. Ce jour-là, elle sera devenue grande, elle ne se laissera plus terroriser.

(extrait du texte que Linda Lê consacre à Phoolan Devi, p. 80)
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Il faut imaginer une jeune femme, l’air indomptable, avec une lueur dans le regard qui donne à penser aux villageois faisant cercle autour d’elle, la dévorant des yeux et l’invectivant à voix basse, qu’elle ressemble à une bête dans la jungle, il faut l’imaginer en pleine conférence de presse, où les journalistes la filment et la prennent en photos (la plupart se rappellent que l’un des leurs a parlé d’elle comme d’un croisement d’Angela Davis et de Jesse James). Elle voudrait mourir, mais elle est aussi déterminée à sauver sa peau, comme toute sa vie elle a cherché à sauver son honneur, jusqu’à faire partie d’un groupe de bandits, de dacoïts.

(début du texte que Linda Lê consacre à Phoolan Devi, p. 77)
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En son temps, dans son pays, cette Inde dont certains pensent qu’elle est archaïque, arriérée, les femmes sont en général traitées comme des pas-grand-chose. « Je suis née moins qu’un chien, je suis devenu une reine », dit dans son autobiographie celle qui ne sait ni lire ni écrire, qui est issue de la plus basse caste celle des mallahs, miséreux broyés par une société pleine de morgue envers ses indigents, et qui est devenue « la Reine des bandits ».
Il faut imaginer cette jeune femme qui ne porte plus le sari depuis qu’elle a rejoint les dacoïts, cette intraitable qui demande à la colère de lui donner des forces, qui a voulu être Durga, la déesse victorieuse de tous les démons, il faut l’imaginer rappelant aux juges prêts à la condamner, qu’ils aient une fonction officielle ou qu’ils forment une meute sauvage, qu’être dacoït, c’est rendre la justice, prendre à ceux qui détiennent les richesses pour tout redistribuer aux gens du peuple (ceux-là sont si reconnaissants à cette belliqueuse qui, pour les uns, n’est qu’une cheffe de bande sanguinaire, pour d’autres celle qui châtie le traître, mais aussi, comme elle dit, corrige « le mari, le violeur, les forces à respecter la dignité d’une femme »).

(extrait du texte que Linda Lê consacre à Phoolan Devi, p. 77)
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La vie de Phoolan Devi est une vie violente, marquée par de longs épisodes tragiques, par d’atroces supplices : le mariage qu’elle dut contracter à l’âge de 11 ans avec un pervers de 35, les viols collectifs subis, la mise au ban d’une société qui la traite comme une prostituée et fait d’elle une intouchable. Né en 1963 de parents totalement démunis, dans une des régions les plus pauvres de l’Inde, l’Uttar Pradesh, obligée de travailler dans les champs dès son plus jeune âge, dépendante de nantis omnipotents, elle a très tôt une vision des rapports entre les hommes et les femmes qui auraient pu être celle d’une fervente de Kali, la déesse de la transgression, la protectrice de ceux (les sorcières, les brigands, les marginaux, etc.) qui obéissent à la nuit et remettent en question toutes les formes d’autorité : « Je me rends compte maintenant que le pouvoir des hommes sera toujours inattaquable. […] C’est une guerre qui ne fait que commencer. Dont je devine instinctivement qu’elle sera inhumaine, terrible, quotidienne. » Elle avoue aussi que la haine des hommes est tellement forte en elle que toute sa vie elle a cherché à se venger des souffrances qui lui avaient été infligées.

(extrait du texte que Linda Lê consacre à Phoolan Devi, p. 78)
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