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EAN : 9782070408917
338 pages
Gallimard (04/01/2000)
3.73/5   28 notes
Résumé :
On croit savoir qui est Casanova. On se trompe. On n'a pas voulu que Casanova soit un écrivain (et disons-le calmement : un des plus grands écrivains du dix-huitième siècle). On en a fait une bête de spectacle. On s'acharne à en fournir une fausse image. Les metteurs en scène qui se sont projetés sur lui l'ont présenté comme un pantin, une mécanique amoureuse, une marionnette plus ou moins sénile ou ridicule. Il hante les imaginations, mais il les inquiète. On veut ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
À l'époque où l'auteur jouait le rôle de prélat de la rive gauche, fume-cigarette en guise de crosse, et catéchisme maoïste récité dans le sabir fumeux du structuralisme orthodoxe, une phrase revenait comme un mantra sous la plume de plomb des hagiographes de Tel Quel : "Le texte est un prétexte".
Avec ce génie fulgurant qui le caractérise, le voici qui offre à son lecteur une illustration cohérente et admirable du credo de son petit clan : à travers Casanova, Philippe Sollers s'admire, page après page, avec une constance et une bonne foi qui forcent le respect, mais peuvent susciter un légitime agacement. Jusqu'au bouquet final qui le conduit à se féliciter d'avoir rappelé l'existence de Casanova à ses contemporains.

Certes, Sollers a lu Casanova. Oui, Casanova est un grand écrivain de langue française.
Mais si vous vous intéressez à Casanova, lisez plutôt ses mémoires.
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S'en prendre systématiquement au narcissisme omniprésent de Sollers dans chacune de ses oeuvres c'est se focaliser sur l'arbre qui cache la forêt. Personnellement je pardonne à Sollers son narcissisme et je me pose d'autres questions. Sollers est-il intéressant ? Je trouve que oui. La vie de Sollers est-elle intéressante ? Je trouve que oui. L'oeuvre de Sollers est-elle intéressante ? Je trouve que oui. A partir de là je lis et continue de lire Sollers.

Oui, quand Sollers admire et s'identifie à Casanova c'est aussi de lui qu'il parle. Mais pourquoi pas, si les liens faits entre les vies et les personnalités respectives sont pertinents.

Ainsi, ces trois passages :
" La poésie, l'orgie. L'une ne doit pas être séparée de l'autre. Pas de poésie sans orgie, donc. Et, de même, pas d'orgie réussie sans poésie (sinon, on tombe au-dessous de la prose, et tout devient réaliste, c'est-à-dire misérable). L'art de jouir est un art poétique, et réciproquement. de l'audace, du goût, du feu, une table, de la nourriture, du vin, un lit et le sens du rythme."

" C'est souvent l'impression que l'on a en traversant le XVIIIè siècle : des êtres humains sont là, comme coupés de l'humanité, et pour ainsi dire détachés d'elle. La concentration de leur liberté est telle qu'elle a l'air perpétuellement en avance sur nous. Ecoutez Mozart : cela s'entend tout de suite. Même effet de coup d'air en lisant Casanova. "

"Tel est Casanova : il s'organise une fête de tous les instants, rien ne l'empêche longtemps, rien ne le contraint, ses maladies mêmes et ses fiascos l'intéressent ou l'amusent ; et toujours, partout, à l'improviste, des femmes sont là pour rentrer dans son tourbillon magnétique. Il va, il vient, et surtout il s'évade."

Dans ces trois passages Sollers parle autant de Casanova que de lui. Mais si ce qu'il dit est juste, si l'identification est sincère, alors ces passages me permettent de mieux comprendre Sollers et son oeuvre.

Sollers et Casanova même combat : culture, goût pour la musique, amour des femmes et de la chair, culte de l'instant présent et du bonheur, hédonisme, croyance en une destinée, croyance en Dieu. Casanova et Sollers, deux philosophes en action en somme.

Ainsi chaque oeuvre de Sollers est un jeu de piste, une invitation à découvrir un thème artistique ou un artiste, des identifications multiples, une ou des aventures sexuelles de Sollers, ses opinions sur la société contemporaine.

Dans cette biographie de Casanova on ne trouve pas trace de récits d'aventures féminines de Sollers puisqu'il s'agit d'une biographie, mais on trouve les autres ingrédients. Et cette biographie de Casanova en vaut une autre. Donc ne boudez pas votre plaisir si vous voulez découvrir Casanova à travers Sollers, jamais ennuyeux, toujours enthousiaste. Et allez lire ensuite les mémoires de Casanova, considérées comme un chef d'oeuvre de la littérature.

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Intéressant malgré le style un peu haché de Sollers.
Il réussit à nous faire passer clairement le message : Casanova fut bien autre chose que le Don Juan d'opérette qu'on a voulu nous faire croire.
Ce personnage aux multiples facettes était un vrai européen bien avant l'heure, doté d'une culture immense, possédant toutes les langues de l'Europe occidentale. Pour preuve, il a écrit "L'histoire de ma vie" en français et en Allemagne où son oeuvre monumentale fut traduite en allemand. Nous avons l'oeuvre originale disponible seulement depuis 1980 !
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Tout est dans le titre. Admirable, oui admirable.
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
Le prince de Ligne est d’accord avec les domestiques du château de Dux. Comme quoi les maîtres et les esclaves s’entendent le plus souvent qu’on ne croit.
Et ça continue :

" Les mères du village se plaignent de ce que Casanova veut apprendre des sottises à toutes les jeunes filles. Il dit que ce sont des démocrates... Il se donne des indigestions, et dit qu’on veut l’empoisonner. Il est versé, il dit que c’est par ordre des Jacobins... "

Pas seulement ridicule, ce Casanova, mais encore malsain, et pour dire le fond des choses gravement dérangé . La preuve :

" Il prétendait que chaque chose qu’il avait faite, c’était par l’ordre de Dieu, et c’était sa devise. "

Un pauvre fou, ce Casanova, qui ne manquait pas d’esprit et de courage, quoique toujours à s’agiter, à se désoler, à gémir. Des femmes ? Allons, allons, tout au plus des petites filles.

Dans la lettre à Casanova où il lui déclare qu’un tiers de son Histoire l’a fait "bander", Ligne ajoute : " Vous me convainquez comme physicien habile, vous me subjuguez comme métaphysicien profond, mais vous me désobligez comme antiphysicien timide, peu digne de votre pays. Pourquoi avez-vous refusé Ismaël, négligé Pétrone, et avez-vous été bien aise que Bellisse fût une fille ? "

Il faut lire plus loin que les jeux de mots dont s’enchante l’esprit paradoxal, mais souvent étrangement frivole, du prince. L’histoire de Bellisse (Bellino) est celle d’un garçon au charme si prenant qu’on se laisserait aller à l’aimer, mais qui se révèle être une fille travestie en homme.

" Antiphysicien ", à l’époque, est le mot pour homosexuel (Frédéric de Prusse, par exemple, est un "antiphysicien" notoire, ce qui n’est pas sans colorer les hauts et les bas de ses relations avec Voltaire). Lisons entre les lignes de Ligne : allons, mon cher ami que j’adore, soyez moins timide . Il s’agit d’une proposition spirituelle , bien entendu, mais aussi physique.

On connaît le disque : si Casanova s’intéresse tellement aux femmes, c’est sans doute parce qu’il était, sans se l’avouer, homosexuel. D’ailleurs, ces histoires de femmes sont douteuses, il faudrait avoir leur version à elles . De toute façon, que recherche un homme dans ses aventures féminines multiples, sinon l’image unique de sa mère ? Don Juan n’était-il pas, au fond, homosexuel et impuissant ?
On parle beaucoup, désormais, d’ homophobie , mais jamais d’ hétérophobie : c’est étrange.

[...] Ligne, à un moment, lui conseille de confier secrètement son Histoire à son propre éditeur qui lu verserait là-dessus une rente jusqu’à sa mort :

" Dites que vous avez brûlé vos Mémoires . Mettez-vous au lit. Faites venir un capucin, et qu’il jette quelques rames de papier dans le feu, en disant que vous sacrifiez vos ouvrages à la Vierge Marie. "

Autrement dit : soyez hypocrite. Mais justement, Casanova (même s’il sera un temps agent des Inquisiteurs à Venise) n’est pas hypocrite.

Le prince de Ligne, en 1814, est une vedette du congrès de Vienne, avec Talleyrand et Metternich. Il s’agit de redéfinir l’Europe après la tornade Napoléon. Ce prince va mourir en plein congrès. Je l’imagine, un peu somnolent pendant les séances, en train de se poser cette question : au fait, que sont devenues les trois mille sept cent pages manuscrites d’ Aventuros ? Brûlées par un capucin, sans doute. Dommage. Ou heureusement. Un monde est fini. »
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« [...] Observons le comportement de l’aristocratie à l’égard de Casanova. Le meilleur exemple en est, sans doute, le prince de Ligne. Ligne est un seigneur de haut rang, un diplomate important, un homme d’esprit qui se pique de libertinage et d’athéisme, et, de plus, un excellent écrivain (en français). Il a bien connu Casanova en Bohême, il l’admire et le jalouse, il est fasciné par sa lecture fragmentaire de l’ Histoire (dont il espère, en secret, qu’elle ne sera jamais publiée). Il a, bien entendu, tous les préjugés de sa classe par rapport à un individu aventureux sorti de rien. Son comportement est donc à double face.

Ses lettres à Casanova, peut-être sourdement ironiques, sont des déclarations d’amour enflammées (" je vous suis tendrement attaché ") :

" Amusez-vous, occupez-vous toujours, mon cher Casanova, ne faites jamais que des réflexions comiques sur la lanterne magique de la vie..."

" Vous vous êtes si bien trouvé de n’être pas châtré, pourquoi voulez-vous que vos ouvrages le soient ? "

" Quand je rencontre un sot, je me dis quel malheur de ne pas passer ma vie avec celui qui en est la terreur ! "

" Un tiers de ce charmant tome second, mon cher ami, m’a fait rire. Un tiers m’a fait bander, un tiers m’a fait penser. Les deux premiers vous font aimer à la folie, et le dernier vous fait admirer. Vous l’emportez sur Montaigne. C’est le plus grand éloge, selon moi. "

" Mon coeur tout haut et tout bas me dit qu’il est à vous ; et encore n’est-il pas pur dans ce sentiment, car il y a de l’orgueil à aimer et être aimé d’un homme comme vous, qui fait l’arrière-garde des gens les plus célèbres qui existaient autrefois... " Etc, etc.

Que d’éloges ! Que de passion ! Je prends cependant un pari : le prince de Ligne ne croyait sûrement pas que ses lettres à Casanova seraient publiées un jour, ni que Casanova, nouveau Montaigne (même travesti), serait plus célèbre que lui. Il aimait Casanova ? Peut-être. Mais quand il est question de lui pour le public, le ton change (et le préjugé social, le dépit amoureux et la jalousie littéraire éclatent).
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Pas de poésie sans orgie, donc. Et, de même, pas d’orgie réussie sans poésie (sinon, on tombe au-dessous de la prose, et tout devient réaliste, c’est-à-dire misérable). L’art de jouir est un art poétique, et réciproquement. De l’audace, du goût, du feu, une table, de la nourriture, du vin, un lit et le sens du rythme.
C’est pourquoi les discours superficiels sur « Casanova et le plaisir », ou encore sur « le libertinage au XVIIIè siècle », tenus aussi bien par le cinéma et les magazines que par des écrivains ou des universitaires médiocres (on ne voudrait pas les avoir comme partenaires dans une orgie, il suffit de regarder leur allure), sont tellement à côté de la plaque. Ils ne font que refléter la misère sexuelle d’aujourd’hui et sa nostalgie d’un « âge d’or » où ces mêmes discours auraient fait piètre figure. On écrit de mauvais romans sinistres, on tourne, sans y entrer, autour du château intérieur. Il y a maintenant une cléricature de l’érotisme, aussi pesante et ridicule que celle de la censure. Toute une mauvaise littérature fleurit sur ce marché contrôlé de dupes, le principe étant de faire croire que tout le monde est doué pour la sexualité, comme pour la peinture ou la musique. Cela s’appelle noyer le poisson, et, en l’occurrence, le poisson s’appelle Casanova, ou Laclos, ou Sade. Chacun, ou chacune, ouvre sa boutique à fantasmes, en général étroite et commandée par la crédulité ambiante. Il y a ainsi des fonctionnaires et des commerçants (sans parler des policiers) qui croient sincèrement que Casanova est un auteur de cul (comme ils disent). Poissonnerie sans poisson, miroitement plombé d’ignorance et de bêtise.
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« A quoi bon des libertins en temps de détresse ? Ils sont comme les poètes disparus, dont on ne sait pas s’il en reste un seul portant le feu dionysiaque dans la nuit sacrée. Mais soyons sérieux : la question est désormais résolument clandestine, ou rien. On peut à la rigueur, pour avoir la paix, laisser croire qu’on est paillard, obsédé, pervers : telle est la demande sociale. Fermons plutôt les volets et les portes, revenons à l’art de la composition.

Le siècle des lumières, c’est à la fois Bach, Mozart, Sade, Casa. Ces gens ont un TEMPS FOU, une durée à n’en plus finir. Ils se répètent, ils fuguent, ils varient, ils accumulent, ils sautent, ils sont dans ce que Heidegger, dans une magnifique formule, appelle « l’inépuisable au-delà de tout effort ». Comme les fleuves, comme la nature, à l’instant. Ils jettent l’argent ou le génie par les fenêtres, le « fluide corporel » aussi. A-t-on vu le Verbe se fatiguer ? Les humains oui, eux jamais. Rien de moins regardant, ruminant, économe. On a l’impression qu’au moins quinze siècles antérieurs ont soudain voulu s’épancher. On assiste à un orgasme de Temps, qui se manifeste logiquement par le triomphe de l’individuation, le rayonnement d’une intense minorité plurielle.

Nietzsche a vu cela dans la fête française de l’époque : un splendide lever de soleil POUR RIEN, le retour et même le dépassement du miracle grec. »
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Casanova obsédé sexuel et principalement pédophile ? Aigri par l’impuissance, et réduit à manger. Merci, cher ami, mon lecteur, mon prince ! Et encore ceci :

" Ne manquez pas de lui faire la révérence, car un rien vous en fera un ennemi : sa prodigieuse imagination, la vivacité de son pays, ses voyages, tous les métiers qu’il a faits, sa fermeté dans l’absence de tous ses biens moraux et physiques en font un homme rare, précieux à rencontrer, digne même de considération et de beaucoup d’amitié de la part du très petit nombre de personnes qui trouvent grâce devant lui. "

Un peu de considération tout de même. Considération commisérative, s’entend. On ne sait jamais. Ailleurs Ligne précise que Casanova était le fils d’un prêtre inconnu et d’une mauvaise comédienne de Venise. Mais voici le point essentiel : les Mémoires de cet aventurier ont du " dramatique, de la rapidité, du comique, de la philosophie, des choses neuves, sublimes et inimitables ", mais :

" Je ferai ce que je pourrai pour me ressouvenir de ces Mémoires, dont le cynisme, entre autre choses, est le plus grand mérite, mais que cette raison empêchera de voir le jour. "
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Dialogue autour de l'oeuvre de Philippe Sollers (1936-2023). Pour lire des extraits et se procurer l'essai SOLLERS EN SPIRALE : https://laggg2020.wordpress.com/sollers-en-spirale/ 00:04:45 Début
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