La chair des vivants de
Julie Douard
Quant à Sophie, elle passa cette nui-là par tous les états, aussi bien émotionnels que physiques. Lorsque l'alcool lui avait fait perdre la tête au point de ne plus rien percevoir clairement, si ce n'est qu'elle avait très faim, le grand brun l'avait embarquée chez lui, sous prétexte de lui faire à manger. Il s'avéra qu'il ne savait pas cuisiner et n'avait que du pain de mie en tranches à lui offrir. Néanmoins, celui se maria très bien avec le champagne gagné au quiz sauf quand Sophie, basculée sur le lit, crut avoir une grosse réponde dans le ventre.
En réalité, elle n'avait pas qu'une éponge, elle avait aussi un homme lourd et besogneux qui semblait chercher à creuser un trou dans son corps à elle, et dont le visage apparaissait puis disparaissait, pour réapparaitre puis redisparaitre, et ainsi de suite. Ce va-et-vient lui faisait quitter la terre ferme sans la monter au ciel ; elle tanguait plutôt sur les eaux putrides d'une mer à peine agitée mais juste assez pour vous faire remonter le foie dans la gorge.
Etait-on supposé s'amuser ici ? Sophie ne se rappelait pas qu'on lui ait demandé son avis, mais pensait que les choses étaient malheureusement trop engagées pour qu'elle pût protester avec véhémence et succès, d'autant qu'elle se sentait sans force, écrasée par l'alcool et par ce robot accomplissant une tâche mécanique et répétitive, qui s'achèverait sans nul doute dans un gros soupir d'aise.
Et celui-ci se fit tant attendre que Sophie eut le loisir de dessaouler. Et moins elle était saoule, plus elle se sentait mal. C'était elle finalement l'éponge, elle tout entière qui absorbait les secousses du gars le moins sensuel de la Terre, et qui devrait en plus absorber son foutre, son foutu foutre !
La panique succéda au dégoût. besognait-il avec ou sans préservatif ? Etait-il sain ? Malade ? Vérolé ? Fertile ? Depuis quand n'avait-elle pas eu ses règles ? Pourquoi avait-elle arrêté la pilule deux ans plus tôt ?
Sophie commença à compter mais elle s'embrouillait dans les jours et les dates, alors elle se dit qu'il fallait qu'elle s'extirpe au plus vite de ce mauvais pas. Cependant un râle poussif et rauque lui apprit que c'était trop tard, de toute façon.
+ Lire la suite