« Beaucoup de crises, dans notre vie, ont une longue histoire inconsciente. Nous nous acheminons vers elles pas à pas, sans nous rendre compte du danger qui s'accumule. Mais ce qui échappe à notre conscience est souvent perçu par notre inconscient, qui peut nous transmettre l'information au moyen d'un rêve. »
De même, ce livre intervient à point nommé et sa forme se laissait deviner comme une intuition. J'ai trouvé
Carl Gustav Jung à travers
Freud mais la référence ne m'intéressait pas encore ; puis je l'ai retrouvé à travers la mythologie, et il m'a semblé plus intrigant ; enfin je l'ai redécouvert par le biais de la conception de synchronicité, et je devais le lire. Bien qu'il soit abrégé et constitue une vulgarisation de l'ensemble de son oeuvre, ou peut-être en raison de ces caractéristiques,
Essai d'exploration de l'inconscient se révèle dans une forme qui n'aurait pas pu être différente. Ses idées sont celles que de nombreuses expériences et lectures personnelles m'avaient fait prendre pour des intuitions ; celles-ci s'éclairent ici et s'apaisent dans une reconnaissance mutuelle. Cette rencontre avec
Carl Gustav Jung est un soulagement.
S'il ne fallait retenir que deux idées majeures résumées dans cet Essai, il faudrait déjà mentionner ce retournement de pensée renversant que constitue l'émergence de concepts extérieurs dans l'inconscient. La question du big-bang s'applique à la psyché et découle des illuminations incroyables qui nous assaillent parfois et qui trouvent leur illustration la plus convaincante dans les intuitions féroces de certains génies philosophiques ou scientifiques. Comment du rien peut-il soudain naître quelque chose ? D'où nous viennent certaines idées qui ne trouvent aucun point d'appui avec notre expérience quotidienne ou nos références culturelles ? Car Gustav Jung nous cite l'exemple d'une petite fille dont les rêves, peuplés de symbolique religieuse, ne pouvaient s'expliquer par son éducation ou par son environnement quotidien, athée et épuré de toute référence de la sorte. Existerait-il un inconscient collectif dont nos inconscients individuels ne sont qu'une parcelle ? La noosphère –la sphère des idées- se laisse lentement apercevoir…
« Cependant, de même que les contenus conscients de notre esprit peuvent disparaître dans l'inconscient, de nouveaux contenus qui n'ont jamais encore été conscients, peuvent en émerger. On peut avoir l'impression, par exemple, que quelque chose est sur le point de faire irruption dans la conscience, qu' « il y a quelque chose dans l'air », ou « anguille sous roche»»
Les phénomènes de synchronicité s'éclaireraient alors à leur tour et se comprendraient comme une communication consciente d'une inconscience individuelle à l'inconscience collective, permise dans tous les cas où l'homme reprend contact avec ses sens et ses intuitions, acceptant la part primaire de sa constitution et rejetant par la même occasion la primauté absolue de la raison moderne.
Carl Gustav Jung éclaire également la notion d'archétype et la seconde idée majeure résumée dans cet Essai consiste à rendre vivant l'archétype en lui conférant une énergie propre :
« Comme les instincts, les schèmes collectifs de la pensée humaine sont innés et hérités. […] Si le caractère inné des archétypes étonne, que dire alors des insectes et de la complexité de leurs fonctions symbiotiques ? Car enfin, la plupart d'entre eux ne connaissent pas leurs parents, et ils n'ont reçu d'enseignement d'aucune sorte. Pourquoi faudrait-il alors supposer que l'homme soit le seul être vivant dénué d'instincts spécifiques, ou que sa psyché ne comporte plus aucune trace de son évolution ? »
Ce sont ces mêmes archétypes qui, en évoluant à leur guise dans les directions que nous leur permettons d'emprunter, pourraient expliquer certains troubles psychologiques et l'ambivalence du malade à l'égard de sa maladie –à la fois désireux de s'en défaire mais affligé s'il s'en défaisait :
« Les archétypes sont donc doués d'une initiative propre et d'une énergie spécifique. […] A cet égard, ils fonctionnent comme des complexes. Ils vont et viennent à leur guise, et souvent, ils s'opposent à nos intentions conscientes ou les modifient de la façon la plus embarrassante. On peut percevoir l'énergie spécifique des archétypes lorsque l'on a l'occasion d'apprécier la fascination qu'ils exercent. Ils semblent jeter un sort. »
Beaucoup mais trop peu, cet
Essai d'exploration de l'inconscient ne se suffit pas à lui-même.
Carl Gustav Jung y révèle quelques-uns de ses secrets mais se livre trop peu pour satisfaire les nouvelles questions qu'il nous contraint de nous poser. Il convainc toutefois par l'exemple archétypique qu'il endosse, se montrant lui-même individu connecté à la sphère, renouant avec les mythes primaires de l'homme instinctif sur lequel il aurait greffé les archétypes issus de millénaires d'évolution. Sa méthode thérapeutique, brièvement résumée, n'est pas seulement scientifique –elle se veut aussi éthique et exacerbe la puissance de combat tribale de l'homme véritablement moderne, c'est-à-dire de l'homme devant se battre contre les chimères de la modernité.
« Les anthropologues ont souvent décrit ce qui se produit lorsque les valeurs spirituelles d'une société primitive sont exposées au choc de la civilisation moderne. Les membres de cette société perdent de vue le sens de leur vie, leur organisation sociale se désintègre et les individus eux-mêmes se décomposent moralement. Nous nous trouvons actuellement dans la même situation »
Ce n'est peut-être qu'un mythe de plus –celui que j'attendais précisément.
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