Cet ensemble de textes a été publié par le Père JM Perrin, à titre posthume mais à la demande anticipée de
Simone Weil avant qu'elle ne quitte la France en 1942.
Elle avait pour lui une profonde amitié empreinte d'une gratitude alimentée par l'écoute et l'aide que celui-ci manifestait à propos de sa réflexion métaphysique.
Agnostique par éducation pourrait-on dire puis, dans un premier mouvement de pensée, par une sorte de droiture intellectuelle, Weil fut littéralement envahie par l'amour de Dieu et du Christ lors de quelques jours passés à l'abbaye bénédictine de Solesmes. Peut-on dire qu'elle était une intellectuelle prédisposée à la foi?
Dans les quelques lettres de l'ouvrage, elle explique en particulier qu'étant qui elle était, la religion catholique lui apparut comme la plus à même de lui laisser vivre cet amour dont elle était remplie, du fait de la personne du Christ. L'Église catholique pourtant la rebutait : "Ce qui me fait peur, c'est l'Église en tant que chose sociale", "J'ai peur de patriotisme de l'Église qui existe dans les milieux catholiques" et "Il en résulte que le social est irréductiblement le domaine du diable". Pour cette raison, et malgré un questionnement quasi permanent, elle ne voulut jamais être baptisée.
Dans le texte intitulé "Autobiographie spirituelle", elle présente son itinéraire de foi, avec sincérité et clarté; elle raconte notamment l'évènement de Solesmes; on comprend que, certes ponctuel, il vient à son heure dans une trajectoire déjà étonnamment orientée.
Au fil des autres textes : "Réflexions sur le bon usage des études scolaires en vue de l'Amour de Dieu", "l'Amour de Dieu et le malheur", "Formes de l'Amour implicite de Dieu", de sa voix limpide, bien posée, "inspirée", tonique, exempte d'animosité ou de mépris, Weil dévoile ce qu'est pour elle cette "
attente de Dieu", faite d'une extrême attention, de l'esprit d'obéissance et d'un amour incommensurable. Son humilité quelquefois paraît de principe, voire excessive, pourtant certainement non feinte.
Sans en avoir, semble-t-il, l'intention, ses propos, manifestement vécus, sur Dieu, l'Eucharistie, la prière, le salut,….. dynamitent de fait l'enseignement traditionnel de l'Église catholique en ce qu'ils se démarquent largement du discours officiel transmis au vulgum pecus. Ils sont plutôt révolutionnaires et lumineux, qu'on y adhère ou qu'on ne fasse que s'y intéresser pour leur caractère spéculatif.
Dans "A propos du Pater", Weil nous explique sa compréhension du "Pater Noster". On ne peut qu'apprécier la cohérence avec tout ce qu'elle a dit auparavant.
Dans "Les trois fils de Noé et l'histoire de la civilisation méditerranéenne", se faisant paléontologue, elle reconstruit à partir de quelques chapitres de la Bible et en quelques pages, l'histoire des principaux peuples sémites et indo-européens. C'est curieux, du genre dessert salé: même non convaincu, on peut en apprécier l'audace et la fulgurance.
L'ouvrage est donc divers mais le thème central, Dieu e(s)t Amour, est traité de façon consistante, sur un mode personnel, à vocation universelle.
Il offre parallèlement un point de vue incontestable -puisque le sien- sur la personne Weil: à côté de sa profession de foi fondée sur une synthèse du stoïcisme grec et du christianisme, on découvre sa conception de la charité et de l'amitié, son amour quasiment romantique des penseurs grecs opposé à sa piètre opinion de la civilisation romaine (dont on trouve une argumentation approfondie dans "
L'Enracinement"), et, omniprésente, la séduction de sa pensée.