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EAN : 9782020309004
180 pages
Seuil (04/01/1997)
4/5   109 notes
Résumé :
L'homme qui se livre ici est coupable. Quel est son crime ? Entre les murs de sa prison, cet ancien guide de musée confesse les dessous de son enfance, bercée par la haine du père, les Pensées de Pascal, les sarcasmes et l'ennui, les rêves jamais avoués que le meurtre a libérés. La parole est acide, jouissive, douloureuse parfois, salutaire peut-être...

"J'ai horreur des confidences. La plupart du temps, elles sentent mauvais et attirent les mouches. ... >Voir plus
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J'ai découvert très récemment Lydie Salvayre juste en lisant son livre : Pas pleurer
J'ai aimé la manière dont elle avait organisé son récit le rendant vivant, musical et très singulier. Alors c'est tout naturellement que j'ai voulu poursuivre ma découverte de cette auteure avec La puissance des mouches.

Lydie Salvayre excelle dans les tête-à-tête. C'est un peu comme si elle prenait en charge un personnage, un seul, pour mieux le cerner, le sonder, le triturer, le comprendre, l'entourer et trouver en lui ce qui va servir une belle histoire, une histoire digne d'intérêt. Avant de se consacrer pleinement à l'écriture, Lydie Salvayre exerçait en tant que psychiatre hospitalier. Un pont ? Oui pour moi cela ne fait pas l'ombre d'un doute. Elle fait preuve d'empathie, de compassion et expose les souffrances, les blessures, les traumatismes de ses héros, mieux elle s'en nourrit pour mieux nous les faire apprécier, dévoilant l'espace baigné dans d'ombre et suggérant leur part inévitable de lumière. Elle travaille le rythme s'emballant dans les zones de turbulence et feutrant ses propos dans les moments d'accalmie. Nous avançons à pas lents et calculés. Elle multiplie les indices et nous laisse vérifier nos doutes, apprécier nos sentiments. A nous de voir ! C'est fort je trouve.


La puissance des mouches, c'est un interrogatoire dans une prison.

Celui qui est interrogé. Un meurtrier. Nous l'apprendrons à la moitié du récit. Il est guide à l'Abbaye de Port Royal des champs. Et comme si, encore une fois, l'auteure avait besoin d'une référence de choix, d'un faiseur de morale, d'un donneur de leçons, d'un philosophe patenté, juste pour donner du corps à l'ouvrage. Elle choisit Pascal dont le meurtrier s'éprend comme pour l'aider à ne pas sombrer dans le néant d'une vie ordinaire. Qui mieux que Pascal pourrait investir l'abbaye et son fidèle serviteur ?
Oui, ce prisonnier voue une véritable admiration à Pascal et égraine cette fascination dans une vie sordide pour lui donner un peu de souffle, pour se justifier d'être ce qu'il est, pour comprendre un peu mieux cette haine qui le ronge et qui ne fait que croître.

« Les hommes sont pareils aux chiens…..et en prononçant ces mots, monsieur le juge, je repense à maman qui est morte avant de mourir…. » . Il décrit juste l'enfer dans lequel il a été baigné, quand, enfant il vivait sous le joug d'un père brutal et d'une mère qui ployait sous les coups : « Maman possède un équivalent de la ceinture à clous de Pascal : c'est papa. » et un peu plus loin il résume : »Mon père n'a d'humain docteur, que sa méchanceté. et le meurtrier de poursuivre dans cette boucle infernale de l'existence : « Chaque jour, donc, je travaille à l'éducation de ma femme. Je l'asticote. Je la pique. Je l'attaque. Je la vexe. Je l'accable de sarcasmes et de petites scélératesses. Mon but est d'obtenir qu'elle se défasse entièrement de moi. » Oui….la boucle est bouclée ! La marionnette est dépendante.

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Celui qui interroge ? Tour à tour un juge d'instruction, un psychiatre (tiens !) l'infirmier de la prison, l'avocat resteront des personnages muets. A nous de comprendre qui ils sont ! à nous de formuler leurs questions en lisant bien les réponses du meurtrier. On le fait sans difficultés. le récit est limpide. La puissance des mouches peut-être la puissance des mots. L'auteure nous dit : « La langue française doit être mise dans un écrin pour la sortir les jours de fête."
Elle nous fait partager quelques jours de fête avec délicatesse, fougue ou n'est-ce simplement que de la générosité.

Nous ne saurons le nom de la victime qu'à la dernière ligne du dernier chapitre, juste avant de fermer le livre.

L'Espagne malmenée en toile de fond, les Pensées de Pascal, la haine, tout est savamment articulé pour donner au lecteur un plaisir actif. Il est témoin dans un coin de la pièce avec une immense fenêtre ouverte sur des horizons de différentes formes et de différentes couleurs.
J'ai lu ce matin une critique de Rabanne qui déclare avoir abandonné sa lecture avant la fin de : Fugitive parce que reine. Trop cruel, trop dur, enfance trop bousculée, et trop c'est trop. J'ai bien compris le ressenti de rabanne et je le partage, mais là, ce n'est pas la même violence du-tout. le personnage gère lui-même cette brutalité et nous laisse en paix. Je ne comprends même pas pourquoi ce ressenti de cruauté tranquille. Je ne saurai l'expliquer. Un savoir-faire. La magie de l'écriture où les mots sont posés au bon endroit?


Pendant des années cette auteure a laissé parler ses patients. Elle a écouté certainement avec une attention toute professionnelle, mais plus encore. Elle a accumulé les vies, a empilé les fonctionnements et les réactions diverses, les expériences, les plaies béantes et les façons de voir. Elle les a gardés en mémoire comme un matériau fondamental qui, ajouté à sa solide formation littéraire et à son histoire familiale forment le creuset d'une source inépuisable de sujets romancés aux accents de vérité et aux touches autobiographiques.

Elle ajoute sa recette personnelle faite d'une infinie puissance et d'une infime légèreté….Exactement comme les mouches.
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La gagnante du prix Goncourt 2014 a publié ce roman en 1997. Je pense que Lydie Salvayre s'est bien amusée lorsqu'elle l'a écrit. Entretien entre un assassin nourrit aux pensées de Pascal avec un juge, un infirmier, son avocat et un psychiatre. À savoir que l'autrice a exercé ce dernier métier à Marseille. Tout est à contre-courant et montre tout ce que l'homme a de bas. Associé à la langue acerbe de la grande Lydie Salvayre, c'est jubilatoire !
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« La puissance des mouches : elles gagnent des batailles, empêchent notre âme d'agir, mangent notre corps » Blaise Pascal.
Pensée aussi chère qu'obscure à notre narrateur.
Cet homme qui s'adresse alternativement au juge, à l'infirmier de la prison, au psychiatre, à son avocat.
Car il a tué, cet homme dont on ne connaît pas le nom.
Tué qui ?
On ne le saura qu'à la fin du livre.
Il était guide à l'abbaye de Port-Royal-des-Champs et vénérait Blaise Pascal.
Il n'est empathique avec personne.
Il ne m'a pas été sympathique.
Mais qu'est-ce qu'il est bien dépeint par Lydie Salvayre.
Elle a un talent fou pour créer ses personnages et une maîtrise de l'écriture impressionnante.
Un seul homme parle pendant 175 pages sans jamais nous lasser.
En 1995, son héros est admirateur de Pascal, comme en 2006 celui de « La méthode Mila » le sera de Descartes.
Elle aime vraiment les philosophes classiques et leur influence.
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Blaise, Blaise Pascal pense mouche, pense "La puissance des mouches". Un tout petit roman qui fait mouche (Oh , facile !)
Un homme se confie, en altenance, à son juge, son avocat, son docteur. Cet homme parle à tous ces gens de sa prison, accusé de meurtre. On ignore jusqu'à la fin qui est sa victime....
Son enfance? Terrorisé par un père violent, hargneux, ivrogne, monstrueux.
Sa vie adulte? Marié, sans enfant, sans amour.
Son métier? Guide à l'Abbaye Port Royal, il instruit, s'instruit, il réfléchit et fait réfléchir.
Son avenir? Outre le néant, n'importe quoi mais surtout ne pas être comme son père. Ne pas devenir cet être ignoble, plein de haine envers tout et tout le monde car:
"Savez-vous , monsieur Jean, que lorsque la haine vous atteint, elle s'empare de votre être? Et l'infeste. Et le mange tout entier. La haine, monsieur Jean, a la puissance des mouches... La haine , monsieur Jean, est sans discernement. Elle a la bêtise des mouches. ... La haine aime la merde, monsieur Jean. Sa parenté avec les mouches réside encore dans ce trait" (p. 85-86)
Cet homme, en se racontant mord tout autant dans l'ironie, la dérision, l'humour dans une langue variée au vocabulaire riche et érudit.
Avec Lydie Salvayre, Blaise Pascal et l'homme, on discute, on s'interroge et on passe un excellent moment.
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Muni d'un humour noir, Lydie Salvayre nous livre un monologue, un récit doté de qualités littéraires indéniables.
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Citations et extraits (28) Voir plus Ajouter une citation
Le propriétaire nous avait prévenu dès le jour de notre arrivée : Hennequin, notre voisin de droite, était un individu dangereux.

Tout avait commencé, avait dit notre propriétaire, par la construction d'un pigeonnier. Hennequin s'était rendu compte, une fois le pigeonnier de son voisin achevé, que celui ci bouchait la vue. En fait nous dit elle, Hennequin se moque totalement de la vue d'un village qu par ailleurs ils déteste. S'il est furieux, c'est pour une question de principe et uniquement pour une question de principe.

Ici, les gens détruisent leur vie pour des questions de principe, il faut que vous le sachiez. La construction du pigeonnier, ajouta-t-elle, a déclenché chez Hennequin la maladie de la persécution, maladie à laquelle les paysans sont particulièrement sujets, vous vous en rendrez compte, par vous même. Pour en guérir il aurait du partir, s'expatrier en Amérique, oublier les pigeons et leurs fientes. Mais il a fait tout le contraire. Il est resté sur place afin de pouvoir observer sans répit l'objet de son tourment et remâcher interminablement son préjudice. Ça l'a rendu méchant. C'était fatal. On dit qu'il a voulut étrangler sa femme, qu'il a crevé les pneus d'une voiture qui stationnait devant sa porte et versé du sucre dans le réservoir à essence de la Peugeot du boulanger. Il contrôle en permanence les alentours de sa maison dans un état d'alarme qui fait pitié. Tous les matins, quand il a finit de s'occuper de ses bêtes, il feint de travailler dans son jardin. Il arrache les mauvaises herbes, il bêche, il pioche, il arrose, mais en vérité, il est aux aguets, à l'instar des animaux auprès desquels il vit. Et quand il taille ses haies, dit la propriétaire, ce n'est pas, vous pensez bien, pour l'esthétique dont il se fout complètement, c'est pour inspecter et contrôler tous ce qui se passe derrière ses clôtures. Car les clôtures sont l'unique passion de sa vie. S'il le pouvait, Hennequin, passerait sa vie embusqué derrière ses clôtures, à les tailler, à les émonder, et à repérer derrière leur feuillages les moindres mouvements de l'ennemi. Rien ne lui échappe, dit elle. Il paraît qu'il s promène tout le jour armé d'une carabine.

Le plus simple, me disais je , pour obtenir le respect de notre voisin de droite, serait de commencer mes pourparlers par une agression préalable, comme cela se pratique avec succès chez les chiens et chez certains hommes d’État.
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C'est que le nez, au cours de son histoire, n'a jamais acquis la noblesse du regard, l'érotisme de la bouche ou la puissance féconde du gros intestin. Il est et reste un instrument non seulement utile (il parait toujours malséant de s'en servir) mais encombrant (je pense surtout au mien qui est long et triste, à l'instar de ma queue qui est longue et triste, de mon cou qui est long et triste, et à l'instar de toute ma personne qui est longue et triste et qui attire davantage le rejet dans toutes ses variantes que l'immédiate sympathie).
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Un jour qu'une bande de rugbymen éméchés, que diable venaient-ils faire là? je ne m'en souviens plus, un jour, disais-je, qu'une bande de rugbymen éméchés perturbait l'ordonnance de ma visite par des ricanements, des remarques idiotes et les grimaces qu'ils faisaient dans mon dos (un guide de musée accompli a des oreilles dirigeables, monsieur le juge, et des yeux derrière la tête), je fis usage de tout l'ascendant que me donnait mon uniforme pour leur lancer d'une voix terrible Vous n'êtes pas ici, messieurs, pour vous divertir. Pascal, ajoutai-je, avait horreur du divertissement. Horreur. Le divertissement, messieurs, n'est là que pour nous faire oublier que nous sommes petits. Et mortels. C'est de la poudre, leur dis-je, jetée aux yeux de la mort. C'est un peu de néant en moins dans l'éternité du néant.
Les rugbymen se regardèrent avec des mines effarées.
Mais, dans sa rage de se distraire, l'homme est abominable, leur dis-je. Il ne veut pas reconnaître qu'il n'est rien. Rien, martelai-je. Les rugbymen étaient pétrifiés. De la crotte de bique, lançai-je. L'homme est de la crotte de bique, répétai-je. Mais est-il plus avancé quand il le sait? Non, dis-je. L'homme est voué indéfiniment à se mordre la queue. Et je partis d'un formidable éclat de rire.
Les rugbymen étaient atterrés. Ils croyaient avoir affaire à un fou. Et les rugbymen, malgré leur diamètre, sont, en règle générale, atterrés par les fous.
Inutile de préciser que le restant de la visite se déroula dans une ambiance de sépulcre.
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Je lis. Je lis. C’est un vice. Je lis poussé par je ne sais quel impériaux désir, par une urgence dont je ne suis pas maître. Je lis comme si le temps m’était compté, comme si j’allais mourir le jour même. Je lis avec bonheur. Je lis avec délice.
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Pour une déposition ? Et que dois-je déposer, je vous prie? Si je puis me permettre, monsieur le juge, ces détails n'ont aucune importance. A votre place, je n'en tiendrais pas compte. Vous connaissez votre métier? Je l'espère, monsieur le juge, je l'espère.
Puisque vous insistez, voici donc comment je pratique le mien. J'entreprends ma visite par la salle du bas. Je me poste devant le portrait de la Mère Angélique. Et d'une voix majestueuse,
Observez ce visage, leur dis-je. Il est laid. Moustachu. La bouche est avare et posée de travers. La mâchoire est énorme. On pourrait penser qu'il s'agit d'un travelo. Cependant, le visage de cette femme qui fut abbesse de Port-Royal exerça sur les esprits de son temps un magnétisme considérable. Pourquoi? leur dis-je. Parce que ce visage fut touché par la grâce divine.
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Vidéo de Lydie Salvayre
Dans le cadre du colloque "Lydie Salvayre, écrire avec" en partenariat avec l'université Bordeaux Montaigne, Lydie Salvayre vous présente son ouvrage "Depuis toujours nous aimons les dimanches" aux éditions Seuil. Entretien avec Stéphane Bikialo.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/3055513/lydie-salvayre-depuis-toujours-nous-aimons-les-dimanches
Note de musique : © mollat Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
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